L‘environnement littoral : écocline terre-mer

Théories

Bien qu‘empruntant à une multitude de disciplines, la théorie de l‘écologie du paysage rejoint le tronc de la théorie de l‘écologie générale. Ainsi, elle s‘appuie sur quatre problématiques principales : le développement et la dynamique de l‘hétérogénéité spatiale, les interactions et échanges au sein des paysages hétérogènes, l‘influence de l‘hétérogénéité spatiale sur les processus biotiques et abiotiques, et l‘ingénierie de l‘hétérogénéité spatiale. Les deux principales divergences la séparant des études écologiques traditionnelles, qui conjecturent souvent l‘homogénéité spatiale des systèmes, résident dans l‘importance accordée à cette organisation spatiale et à la petite échelle étudiée, i.e., grandes étendues spatiales (Turner et al., 2001).

La théorie de l‘écologie du paysage repose sur une terminologie propre, constituée de néologismes mais aussi de termes empruntés à l‘écologie dont la sémantique fut remaniée. Une série de termes-clés serviront non seulement à explorer les véritables pivots de cette science mais aussi à apprécier leur interconnectivité.
 L‘échelle est globalement la mesure spatiale et temporelle d‘un objet ou d‘unprocessus, caractérisée à la fois par la résolution et l‘étendue (Turner et Gardner, 1991).
En cartographie, l‘échelle représente le langage de conversion du monde réel en carte, reliant la distance sur l‘image cartographiée et la distance correspondante sur Terre (Malczewski, 1999). Delcourt et al. (1983), en représentant les échelles de la dynamique de la végétation à travers le temps et l‘espace, ont réussi à synthétisé les changements palé-écologiques des paysages et, graphiquement, présenté la corrélation positive des échelles spatiales et temporelles (Figure 2.1).

L‘environnement littoral : écocline terre-mer

Bien que les mers et océans couvrent plus de 70% de la surface de notre planète et représentent 90% de la biosphère, nos connaissances concernant la vie de ces espaces, tant d‘un point de vue taxonomique que des processus écologiques, apparaissent encore lacunaires. Des quelques 1.8 millions d‘espèces répertoriées (The Royal Society, 2003), seules 16% d‘entre elles sont marines. Nous commençons également à comprendre les relations écologiques complexes des écosystèmes marins et leur importance pour l´équilibre planétaire. Or, en parallèle de la découverte de la biodiversité marine, nous attestons les déclins des stocks de ressources marines comme conséquences directes de la pollution de la matrice aquatique et l´exploitation drastique de ses organismes. Nous nous trouvons face à une perte de la diversité biologique sans précédent dans l´histoire de notre espèce et dont elle est à l’origine, i.e., la 6 ème crise d‘extinction biologique (UICN, 2008; Leakey et Lewin, 1996). Sur l´état des écosystèmes naturels, Guilloux et Zakowska (2004) montrent qu´en 30 ans les populations d’espèces marines observées ont régressé d´environ 30%.

Dans les zones côtières tidales, le facteur essentiel qui régit la vie est la longueur du temps d‘émersion, aussi les communautés s‘organisent-elles en bandes horizontales ou ceintures, sans qu‘aucune espèce n‘occupe l‘ensemble de l‘espace vertical qui subit cette alternance immersion-émersion. Cette disposition, ou zonation, résulte tout d‘abord de la réaction des organismes à l‘ensemble des facteurs du milieu interagissant avec eux. Mais elle est également due aux fortes interactions biotiques existant entre les organismes vivants : la prédation et la compétition. La répartition verticale des organismes au sein de cet habitat permet de reconnaître quatre étages, qui rassemblent des caractéristiques environnementales définies par les facteurs écologiques que sont l‘humectation, la durée d‘émersion, l‘exposition aux rayons solaires, l‘assèchement par le vent et les écarts thermiques et halins (lessivage par la pluie) entre la basse mer et la haute mer. Ces étages traduisent globalement des conditions de vie et sont bien définis biologiquement, ils ne peuvent cependant donner qu‘une indication toute relative quant au niveau marégraphique. On peut distinguer quatre grandes zones : la circalittorale, l‘infralittorale, la médiolittorale et la supralittorale (Figure 2.2). Les deux centrales sont le théâtre des plus grandes variabilités de niches écologiques compte tenu de l‘interface des trois éléments : eau-air-terre.

Écologie du paysage littoral

L‘écologie du paysage a débuté par l‘étude des systèmes terrestres, et s‘étend, aujourd‘hui, aux systèmes aquatiques (Wiens, 2002; Wu and Hobbs, 2002); ainsi les problématiques et méthodologies définissant la discipline resteraient pertinentes à l‘égard des systèmes littoraux. La relation réciproque entre l‘organisation spatiale, les processus écologiques et l‘omniprésente échelle a été explorée en milieux marins et côtiers (e.g., Paine et Levin 1981) en parallèle de l‘évolution de la discipline-mère tout au long des vingt dernières années (Hinchey et al., 2007). Tout comme les autres composantes de la biosphère, une compréhension de ces relations est fondamentale pour la gestion durable des systèmes marins et côtiers. Toutefois, l‘absence de données continues à petite échelle (géographique), dues à l‘ « opacité » du fluide-eau relativement à nos moyens de télédétection, a empêché l‘obtention de jeux de données étendus et retardé la gestion de ces milieux. C‘est pourquoi il y a encore huit ans Turner et al. (2001) soutenaient que la « Landscape ecology may also serve as a source of new ideas for other disciplines within ecology. For example, aquatic ecologists have applied a landscape ecological approach ».

Ainsi, le cantonnement de la discipline aux biomes terrestres créait un schisme entre les écologues du paysage du point de vue de leurs milieux d‘études. Avec l‘essor de technologies plus « perçantes », l‘apparition de littérature associant les principes de l‘écologie du paysage avec les environnements marins et côtiers s‘est accrue manifestement (e.g., Bell et al., 1997; Zajac et al., 2003; Hewitt et al., 2004; Pittman et al., 2004; Crawford et al., 2005; Darcy et Eggleston, 2005). Zajac (2007) a discuté des défis des écologues face à l‘étude des paysages benthiques sur des sédiments meubles. Il a évoqué le développement de technologie et des approches analytiques pour la cartographie du fond marin, ainsi que la quantification des structures du paysage benthique, benthoscape.

Grober-Dunsmore et al. (2007) ont investigué les relations unissant la structure du paysage et la structure des communautés de poissons inféodés aux récifs coralliens des îles Vierges aux États-Unis. Ils ont démontré que les caractéristiques de l‘habitat, à l‘échelle paysagère, influencent les communautés de poissons coralliens.

Bartholomew et al. (2007) ont eux aussi utilisé une approche paysagère pour comprendre comment la taille, la forme et l‘emplacement des réserves marines avec récifs coralliens affectent les poissons dont la taille autorise leur pêche. Les auteurs ont trouvé que le taux de changement de la densité des poissons décroît avec l‘augmentation du nombre de frontières de refuges recoupant les habitats récifaux. Ces résultats révèlent que les poissons récifaux sont plus susceptibles de sortir des réserves marines quand leurs frontières croisent les habitats récifaux.

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Bell et al. (2007) ont montré que les tempêtes peuvent influencer la structure spatiale des herbiers et la dispersion des graines en environnement subtropical d‘eau profonde. Ils ont examiné la dynamique spatiale d‘un paysage au large composé d‘Halophila decipiens après le passage d‘un ouragan et trouvé de nouvelles parcelles paysagères lorsque la perturbation était étendue et intense. Hollister et al. (2007) ont investigué comment l‘échelle de l‘unité d‘échantillonnage contrôle la relation entre la structure paysagère et les concentrations de métal dans les sédiments au sein de petits systèmes estuariens dans les régions atlantiques des ÉtatsUnis. Leurs résultats suggérèrent que les exploitations locales (i.e., à moins de 15-20 km d‘une station d‘échantillonnage) ont les impacts les plus élevés concernant la quantité de métaux toxiques atteignant les sédiments estuariens.

Garza (2007) a décrit l‘utilisation des données de terrain acquises par l‘agence de protection de l‘environnement des États-Unis dans le but de discerner l‘importance de l‘échelle d‘échantillonnage pour détecter la structuration de la diversité des espèces de polychètes dans les estuaires de la côte ouest des États-Unis. Leurs résultats démontrent que les évaluations de l‘intensité de la relation entre les processus physiques et la diversité spécifique des communautés côtières peuvent être fortement affectées par la variation de l‘échelle d‘échantillonnage. Le leitmotiv de l‘ensemble de ces travaux réside dans leur double-finalité. En effet, ces avancées sont indéniablement à inclure à la fois dans les planifications et gestions des aires marines protégées, et dans l‘écologie théorique des ces systèmes, très fortement répandus à l‘échelle mondiale.

La technologie LiDAR

Principe général

Le terme LiDAR est l‘acronyme de « Light Detection And Ranging ». Ce système est basé sur le même principe que les systèmes RADAR, « RAdio Detection And Ranging » (Figure 2.4): des impulsions électromagnétiques de très courte durée (quelques nanosecondes), mais, cette fois-ci, basées sur des longueurs d‘onde situées dans le domaine ultra-violet, visible ou proche infrarouge (entre 250 et 1500 nm; Cracknell et Hayes, 2007), sont émises à un rythme élevé par un laser pulsé (entre 5 et 50 kHz).

L‘intervalle de temps entre l‘émission d‘une impulsion laser et la réception de son « écho » est mesuré avec précision. Connaissant la vitesse de propagation de la lumière dans le milieu, la distance entre la source et le réflecteur est ensuite déduite. Le LiDAR est par conséquent un télémètre laser.

Historiquement, le LiDAR fut utilisé pour la première fois en 1962 par Smullin et Fiocco, afin de mesurer la distance Terre-Lune (Project Luna See). Aujourd‘hui, cette technologie s‘est amplement développée en archéologie, astronomie, biologie, conservation, géographie, géologie, géomorphologie, météorologie, physique, et technologie militaire (Cracknell et Hayes, 2007).

Le laser est typiquement un faisceau très fin, permettant la cartographie de paramètres biophysiques avec une très grande résolution, comparée au RADAR. Par ailleurs, plusieurs composés chimiques interagissent plus intensément avec les longueurs d‘onde du visible, que celles des micro-ondes, résultant en une image plus contrastée de ces cibles. C‘est pour cette caractéristique première que le LiDAR a été utilisé abondamment dans la recherche atmosphérique et météorologique.

Avec le déploiement du Système de Positionnement Mondial, Global Positioning System (GPS), dans les années 1980, la précision du positionnement d‘une plateforme mobile, e.g., avion, est devenue possible. Comme le positionnement des échos lumineux est étroitement lié au positionnement et à l‘altitude de la plate-forme sur laquelle est monté le LiDAR, ceux-ci doivent être mesurés très précisément. Cela est rendu possible grâce au système de positionnement par DGPS (Differential Global Positioning System) et à l‘utilisation d‘une centrale inertielle de grande précision IMU (Inertial Measurement Unit) (Fowler, 2000) (Figure 2.5). Il est alors possible de recalculer la position planimétrique de chaque « écho » LiDAR ainsi que son élévation par rapport à un niveau de référence et d‘obtenir une topographie précise de la région survolée. Afin d’accroître la surface de la zone couverte, les impulsions laser sont tout d’abord envoyées vers un miroir rotatif permettant d’obtenir un mouvement de balayage du sol.

Lorsqu’une de ces impulsions laser rencontre un obstacle, une petite partie de l’énergie de l’impulsion est réfléchie en direction du système LiDAR. Les modèles les plus récents de LiDAR permettent également d‘enregistrer les échos intermédiaires et l‘intensité des signaux de retour (formes d‘onde), fournissant ainsi des informations supplémentaires sur la densité et la nature des réflecteurs (Lefsky et al., 2005 ; Brennan et Webster, 2006 ; Chust et al., 2008, Collin et al., 2008).

LiDAR bathymétrique

Justification

Le système Scanning Hydrographic Operational Airborne LiDAR Survey (SHOALS) fait partie des nouvelles générations de LiDAR. Le système SHOALS est un outil de prédilection pour surveiller les environnements littoraux à l‘échelle régionale (Irish et Wozencraft, 2000). C‘est le seul qui peut maximiser, économiquement parlant, la récolte de données synoptiques, topographiques et bathymétriques. Contrairement aux relevés bathymétriques traditionnels où la navigation est assujettie à un éventail de problèmes, i.e., faibles profondeurs, déferlement des vagues, réduction de la prospection en passant des systèmes multifaisceaux en monofaisceau à cause du tangage et du roulis, la technologie SHOALS bénéficie, à la fois, d‘une couverture plus vaste, mais aussi, d‘une reconnaissance continue de la côte, inondée ou exondée (Guenther et al., 1996a ; Irish et Wozencraft, 2000; Irish et al., 2000a, b) (Figure 2.6).

En effet, la résolution des multifaisceaux est une fonction, d‘une part, de la fréquence d‘émission et, d‘autre part, de la profondeur. La fréquence est négativement corrélée à la détection de la profondeur. Les basses fréquences servent à inférer les grandes profondeurs tandis que les hautes fréquences indiquent les variations sensibles de la colonne d‘eau, e.g., (i) plancton, bancs de poissons ou (ii) hyalocline, thermocline, pycnocline. La vitesse du son, dans l‘eau, est une fonction de la fréquence des ondes émises (Simpkin et Long, 1992), qui, elles-mêmes, interfèrent avec les propriétés physico-chimiques et biologiques du milieu.

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