L’environnement juridique du coursier à vélo
Les acteurs issus de l’ubérisation n’évoluent pas dans un cadre juridique similaire aux sociétés de livraison à vélo classique. Pour une meilleure appré- hension du phénomène d’ubérisation, il convient donc dans un premier temps d’étudier le cadre juridique applicable aux sociétés de transports traditionnelles qui pratiquent la course à vélo (Section 1) puis d’analyser les régimes déroga- toires au droit commun applicable à ces coursiers (Section 2).
Le cadre juridique applicable au coursier à vélo
Les coursiers à vélo évoluent dans un cadre juridique spécifique, ce qui signifie que ce ne sont pas les règles de droit commun qui s’appliquent. En ef- fet, un régime juridique particulier régit la profession (1) et les contrats qui sont conclus avec un coursier à vélo (2). Pour faire face à une concurrence de plus en plus accrue dans le domaine des transports, un ensemble de textes a été mis en place afin d’encadrer l’accès et les conditions d’exercice de la profession. Cependant, seuls les transports pour compte d’autrui sont réglementés. Par opposition, les transports pour compte propre sont quant à eux totalement libéralisés. 98. En France, traditionnellement le transport pour compte propre est défini par la circulaire ministérielle du 10 Mars 2000. Même si aujourd’hui cette cir- culaire a été abrogée, elle reste, en l’absence d’autres normes nationales, la ré- férence en la matière.
Les entreprises de coursier à vélo ne sont pas les propriétaires de la mar- chandise et le transport est l’activité principale de leur entreprise. Ils entrent donc le cadre d’un transport pour compte d’autrui. Cependant, il est à relever qu’ils ne sont pas soumis aux conditions d’honorabilité et de capacité financière et professionnelle incombant les véhicules motorisés à 2 ou 4 roues. Les entre- prises effectuant des courses à l’aide de moyens non motorisés se situent en dehors de cette réglementation et l’accès à la profession ainsi que ses conditions d’exercice ne sont conditionnées que par l’inscription de l’entreprise au Registre des Commerces et des Sociétés. 100. Concernant la réglementation sociale, pendant de nombreuses années les coursiers ne bénéficiaient d’aucun régime particulier. Pour assainir la profession et mettre fin à certaines pratiques courantes dans le milieu tel que le travail dis- simulé, les organisations professionnelles ont milité en faveur de l’intégration du métier de coursier au sein de la convention collective nationale des transports routiers. C’est dans ce contexte que l’avenant n°94 de la Convention Collective National des Transports et Activités Auxiliaires du Transport a été adoptée le 13 Décembre 2005. Cependant le coursier à vélo était exclu de son champ d’ap- plication et il a fallu attendre le 12 Décembre 2014 pour qu’un second avenant à cette Convention Collective dispose que « Le coursier sur véhicule non moto- risé relève des mêmes règles générales que l’ensemble des coursiers telles que définies dans l’avenant n°94 ».
Le régime juridique applicable au contrat conclu avec le coursier à vélo
Pour connaitre le régime applicable au contrat conclu avec le coursier à vélo, il est essentiel de pouvoir le qualifier juridiquement. S’agit-il d’un contrat de transport ou d’un contrat d’entreprise ? 102. La difficulté réside en ce qu’il n’existe pas de définition légale du contrat de transport. Pour le définir, il faut donc se tourner vers la jurisprudence et la doctrine. Selon le Doyen Rodière, le contrat de transport serait « un contrat par lequel un voiturier professionnel promet de déplacer une marchandise sur une relation définie moyennant une somme d’argent »51. 103. De cette définition découle trois éléments cumulatifs permettant de ca- ractériser le contrat de transport :qui a comme objectif unique le transport du colis qu’il réalise en toute indépen- dance. 105. Même si le coursier est incontestablement un transporteur, peut-il relever du Code de Commerce qui n’évoque pour sa part que les voituriers ? Comme le soulève Marie Tilche, rédactrice en chef du Bulletin des Transports et de la Lo- gistique, « Ce terme est vieillot (…) Le Code de Commerce ne fait pas référence aux véhicules Terrestre à Moteur et englobe dans ses mêmes articles le chemin de fer et le batelier »52. Dès lors, aucune raison ne s’oppose à ce que le coursier puisse, lui aussi, relever du régime issu du Code de Commerce. 106. Son raisonnement va encore plus loin puisqu’elle considère que les con- trats-types sont applicables au coursier à vélo. Elle relève, à juste titre que l’ar- ticle 1er du contrat type général dispose que « Le contrat a pour présent objet le transport en régime intérieur d’envois pour lequel il n’existe pas de contrat spécifique (…) quel que soit le mode de transport utilisé »53 et qu’aucune autre disposition n’exclut le métier de coursier de son champ d’application. 107. Le contrat conclu avec le coursier à vélo est donc un contrat de transport relevant de règles spécifiques. Même si les conditions d’accès à la profession de coursier à vélo ne sont pas réglementées, il bénéficie pour tout ce qui découle du contrat conclu avec lui et de la réglementation sociale de régimes dérogatoires au droit commun.