L’entreprise est un partenariat

« Créer de la valeur ou mourir ! »

Les apparences de dysfonctionnements évoquées par cette situation (licenciements – hausse des cours) ne sont que le reflet des énormes mutations que connaissent les économies de notre planète et de la schizophrénie qu’elles entraînent. À peu près tous les pays se sont engagés dans la voie de la libre circulation des idées, des personnes, des marchandises et des capitaux depuis plusieurs décennies. Cette voie « ne tient debout que si on en pousse jusqu’au bout la logique ». Car il n’existe pas de voie médiane entre une économie à la Cubaine (à l’époque des « visiteurs du soir » qui sait si elle n’aurait pas eu notre préférence) et une économie ouverte (maintenant qu’elle nous a été imposée, allons-y). Si un investisseur fran-çais peut, directement ou via une holding de « La Défense », investir son épargne en Thaïlande, il le fera si la rentabilité de cet investissement est meilleure là-bas qu’en Auvergne et de ce fait il embauchera un Thaïlandais plutôt qu’un Auver-gnat. Si un consommateur français peut, directement ou via une centrale d’achat de St Étienne, importer un produit marocain, il le fera dès l’instant que le prix de ce produit rendu chez lui est inférieur à celui du produit normand de qualité équivalente et de ce fait il augmentera le niveau de vie d’un ouvrier marocain aux dépens d’un ouvrier normand. Si un touriste français peut aller passer ses vacances sur la Costa del Sol, il le fera si le prix payé rapporté aux heures d’ensoleillement et autres éléments qualitatifs lui paraît plus intéressant que sur la Côte d’Azur pour le plus grand bénéfice de l’État, du patron et des serveurs espagnols et au détriment de leurs équivalents français. Les critiques de notre système économique voudraient-ils empêcher l’investissement français à l’étranger, l’importation en France de marchandises étrangères, le touriste français de se rendre en vacances à l’étranger ?
Le débat est, en fin de compte, entre les partisans d’une ges-tion homéopathique de ces mutations et ceux d’une gestion allopathique. La gestion homéopathique de la sidérurgie ou du charbon français sur plusieurs décennies a-t-elle évité l’inéluctable ? Clairement non ! Le coût pour la Société et pour les personnes concernées n’aurait-il pas été plus faible avec un traitement plus fort et plus court ? Nul ne le sait. En tout état de cause, il n’est pas extravagant de se poser ce genre de questions et de souhaiter que des réponses alternati-ves soient apportées dans les nouvelles situations que nous vivons aujourd’hui. Comme le dit Bertrand Collomb, PDG de Lafarge, un des premiers à s’être lancé résolument dans une démarche de Création de Valeur au sein du Groupe qu’il dirige, un des rares à se réclamer encore du catholicisme social en France : « Ce ne sont pas les actionnaires qui sont méchants mais les concurrents ! » (Cf. l’excellent dossier sur Michelin dans Le Point du 17/09/99).
En l’occurrence, et pour régler les nombreux problèmes qui affectent notre économie : chômage, précarisation, retraites, etc., nous sommes de ceux qui pensent (paraphrasant l’apho-risme célèbre consacré à la démocratie) que des entreprises créant de la valeur, c’est-à-dire tout simplement en bonne santé, constituent la pire des solutions à l’exception de toutes les autres. Contre toute sorte de dictature, qu’elle soit du pro-létariat ou des marchés, vive la démocratie, celle qui respecte autant les dirigeants et les employés en leur accordant des rémunérations variables élevées liées au Profit Économique que les actionnaires en leur reconnaissant leur juste rémuné-ration au Coût du Capital.

Le thermomètre de la bonne santé de l’entreprise

L’apparence de dysfonctionnement est d’autant plus criarde que les licenciements effectués l’ont été par des entreprises annonçant des bénéfices comptables. Nous proposerons quel-ques pistes pour assainir ce débat.
D’abord, comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, le résul-tat comptable n’est certainement pas le meilleur indicateur de performance pour les entreprises. Le seul véritable résul-tat de gestion est le Profit Économique, dont le présent ouvrage traitera abondamment. Un résultat comptable forte-ment positif peut correspondre à une énorme perte économi-que, comme nous le verrons ultérieurement. Seul un Profit Économique est le signe de la bonne santé d’une entreprise.
Ensuite, il faudrait savoir à quelle époque se réfèrent les pro-fits en question. On s’accordera sur le fait que le niveau de résultat d’aujourd’hui n’est en rien indicateur du niveau de demain. Telle entreprise en perte aujourd’hui pourra attein-dre des bénéfices records demain en cas de redressement spectaculaire ; telle autre en bénéfice aujourd’hui pourra déposer son bilan demain en cas de retournement de conjonc-ture. M. de la Palisse le disait déjà : « un quart d’heure avant sa mort, il était toujours vivant ». Or, tout le monde connaît les avantages de la médecine préventive. Compte tenu de sa vision d’avenir sur sa propre évolution et sur son environne-ment, une entreprise peut très bien prévoir que demain la conjoncture ne sera pas aussi bonne que celle qui lui a permis de dégager hier les (vrais) profits qu’elle annonce aujourd’hui. Dans ce cas, personne ne devrait lui faire reproche de prendre des mesures préventives aujourd’hui et ainsi éviter peut-être une catastrophe encore plus grande demain.
Enfin, un quelconque observateur objectif devrait faire à cette entreprise d’autant moins de reproches, qu’elle aurait été généreuse avec ses travailleurs en termes de rémunérations en période (réellement) profitable. En effet, cet observateur doit être attaché comme nous le sommes, à une large partici-pation des travailleurs aux (vrais) profits de leur entreprise.
« If you give peanuts, you get monkeys » dit un aphorisme anglo-saxon que nous affectionnons particulièrement et que tout entrepreneur réellement soucieux du devenir de son entreprise n’a aucun mal à faire sien. Évidemment, personne ne peut aimer ces entreprises qui disent à leurs travailleurs : « pile, je gagne ; face, tu perds. » Mais, réciproquement, per-sonne ne peut concevoir qu’un travailleur tienne ce même genre de propos à son entreprise : « ça va pour l’entreprise, ça va pour mes rémunérations ; ça ne va pas pour l’entreprise, ça va quand même pour mon emploi ». Les entreprises ne peuvent fournir des emplois que si elles sont en bonne santé, c’est-à-dire si elles font des (vrais) profits.

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L’État et la Création de Valeur

La Création de Valeur est de nature à susciter des vocations entrepreneuriales en considérable augmentation. L’importance de la sphère publique diminuera donc en valeur absolue et surtout en valeur relative. En effet, la cause du problème constitué par l’importance croissante de la sphère publique réside en partie dans les entreprises.
Les fonctions de plus en plus nombreuses assumées par l’État proviennent en partie de demandes croissantes des entreprises : au moindre cahot sur leur route, elles se tour-nent vers l’État et lui demandent d’intervenir. Ou celui-ci se voit contraint de le faire car les entreprises n’assument pas elles-mêmes certaines fonctions qui, par simple bon sens, devraient être les leurs : défense du consommateur, hygiène et sécurité du travail, protection de l’environnement, éthique des affaires, … Ce qui n’est pas conforme au véritable esprit entrepreneurial.
Par ailleurs, les entreprises ne sont plus compétitives vis-à-vis de l’État comme employeurs : d’où l’attrait croissant du fonctionnariat chez les jeunes. Les errements passés des entreprises les ont conduit à la situation de mauvaise perfor-mance économique rappelée plus haut. En raison de ce con-texte, face à la garantie de l’emploi à vie, les entreprises ont offert depuis plus d’une génération, une litanie de restructu-rations avec tous les licenciements ou emplois précaires asso-ciés. Face aux trente heures de travail effectif de la fonction publique, elles ont proposé de fait plutôt cinquante heures à beaucoup de leurs employés. Face à des traitements en hausse, elles sont contraintes à des limitations fortes en matière de salaires fixes (mais non de rémunérations si on y inclut des bonus variables importants fondés sur la perfor-mance économique), engluées qu’elles sont dans la banalisa-tion croissante de leurs produits.
Enfin, rappelons que jusqu’à un passé très récent, la perfor-mance économique des entreprises a été médiocre. Or c’est elle qui constitue l’assiette des prélèvements obligatoires. Celle-ci diminuant, pour collecter la même quantité de francs (en l’occurrence pour en collecter chaque année beaucoup plus depuis plusieurs lustres), la proportion des prélèvements obligatoires ne pouvait que croître.
C’est un cercle vicieux dont il est urgent de sortir.
Il faut dynamiser les entreprises et les rendre plus créatives par une décentralisation accrue qui les rapprochera de leurs clients et de leurs marchés et cassera la concurrence sur le seul facteur prix. Rendons aux entreprises et au monde des affaires la citoyenneté dont ils n’auraient jamais dû se dépar-tir. Musclons les entreprises en développant leur performance économique. Accroissons les rémunérations par l’attribution de bonus variables généreux fondés sur cette performance économique améliorée. Le travail dans les entreprises n’en sera que plus attrayant.
La confiance retrouvée dans les entreprises limitera la posi-tion de l’État à celle d’un dernier recours. L’externalisation de certaines de ses fonctions s’en trouvera facilitée et s’imposera tout naturellement. Les besoins de l’État s’en trouveront réduits à l’essentiel qu’il est important qu’il assume (mieux qu’il ne le fait réellement aujourd’hui !). Les prélèvements obligatoires baisseront non seulement en valeur absolue mais aussi et doublement en valeur relative.

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