L’enseignement de la continuité entre le prescrit et le vécu
Ce que retiennent nos élèves de la notion de continuité à l’issue du cycle du secondaire Au début de l’année universitaire, nous avons mené une étude exploratoire auprès des nouveaux étudiants à la faculté des sciences de Monastir (FSM) à travers la passation d’un premier test4 à deux groupes d’étudiants en première année, licence fondamentale en Mathématiques (LFM) lors d’une séance de travaux dirigés et d’un autre test5 à un autre groupe d’étudiants d’une classe préparatoire6 (MathsPhysique (MP)) à l’Institut Préparatoire aux Etudes d’Ingénieurs de Monastir (IPEIM). Notre objectif était d’avoir une idée sur ce que retiennent nos élèves à la fin du cursus du secondaire de la notion de « continuité d’une fonction numérique à variable réelle en un point » et précisément la définition et ses aspects de localité (locale et globale) de ce concept. Les résultats obtenus à l’issue de l’analyse des tests récupérés sont résumés cidessous : Dans une question de restitution, la plupart de ces nouveaux bacheliers ne se rappellent pas de la définition formelle, seulement 25 % des questionnés se réfèrent à la caractérisation graphique de la continuité. Ils n’arrivent pas, également à justifier la discontinuité d’une fonction en un point 𝑥 isolé de son domaine de définition ; Les étudiants questionnés semblent très (ou trop) attachés avec la technique de calcul des limites en utilisant les expressions des fonctions de références, évidemment continues sur leurs domaines de définition. A une question du type « Vrai ou Faux » sur la proposition « lim→ଶ 𝑢 = 5 » où 𝑢 = 2𝑛 + 1 est le terme général d’une suite, 25 étudiants sur 28 (soit presque 90 %) répondent par « Vrai », ils remplacent n par 2 dans le terme général u୬ sans réfléchir sur le sens (topologique) de l’écriture. Cette étude montre que nos élèves (même les élites) partent à l’université sans techniques de preuve basées sur la définition formalisée de la continuité. En revanche, ils maitrisent les autres techniques qui relèvent de l’algèbre et l’application des théorèmes de cours qui portent généralement sur le caractère global de la continuité comme ceux qui sont relatifs à la continuité sur un intervalle, la détermination de l’image d’un intervalle …etc. De plus, et comme le montre les résultats de l’une des questions du test à propos de la limite de suite « lim→ଶ 𝑢 = 5 », il s’avère que l’aspect local des notions de limite et continuité n’est pas suffisamment travaillé au secondaire. D’ailleurs, dans les définitions formelles que donnent les sept étudiants concernés, un seul signale la condition « f est définie dans un intervalle ouvert contenant x ». En conclusion, même si l’échantillon considéré n’est pas représentatif, nous pouvons dire que nos élèves partent à l’université avec des connaissances critiques sur la notion de continuité. Certes, ils ont des difficultés à suivre les cours de l’Analyse, avec beaucoup de formalisme et qui sont loin des applications de théorèmes admis (dans le cursus du secondaire). Par exemple pour prouver que si f et g sont deux fonctions continues en x alors f + g – par exemple – est continue en x, les étudiants ne peuvent et ne doivent pas se référer à la caractérisation graphique !
Passage en revue de quelques travaux de thèse en rapport avec notre recherche
Dans cette partie, nous présentons de façon brève les travaux de quelques chercheurs. Nous ne visons pas du tout l’exhaustivité ; notre objectif est de présenter quelques travaux de recherche que nous estimons proches de notre question de recherche qui porte sur l’enseignement des premiers concepts de l’Analyse, spécialement de la continuité. Peu de travaux portent sur la continuité elle-même mais ils concernent plus directement la notion de limite que nous considérons dialectique de la notion de continuité, en particulier de la définition formalisée. 1) La thèse de Bernard Cornu Dans sa thèse intitulée: « Apprentissage de la notion de limite : conceptions et obstacles » – soutenue le 7 juin 1983 – Cornu étudie différents aspects des problèmes posés par l’enseignement de la notion de limite. L’étude historique et épistémologique de la notion de limite lui permet de repérer les principaux obstacles à l’acquisition de la notion de limite, ainsi que les problématiques et les liens avec d’autres notions qui ont permis à la notion de se développer. Différents obstacles sont repérés : – Obstacle 1 concernant la « transposition numérique » : l’une des grandes difficultés de l’histoire de la notion de limite concerne l’abstraction du contexte géométrique et du contexte cinématique pour travailler non plus sur les grandeurs mais sur les nombres ; – Obstacle 2 concernant « l’aspect métaphysique de la notion de limite » : on introduit des raisonnements, des objets, des modes de pensée d’un type nouveau qui ne sont plus des calculs ou des déductions logiques usuelles. L’infini ∞ et la notion de limite apparaissent comme relevant plus de la métaphysique ou de la philosophie que des mathématiques ; – Obstacle 3 à propos de « la notion d’infiniment petit et d’infiniment grand » ; – Obstacle 4 sur « la limite atteinte ou pas … ». – Et d’autres obstacles du type « l’idée que toute convergence est monotone et n’atteint pas la limite » ou « la difficulté à imaginer qu’une somme infinie Chapitre 1 Introduction 19 puisse être finie » ou encore « le rapport de deux quantités qui tendent vers 0 peut tendre vers une quantité finie » …etc. Au moyen de tests proposés aux élèves, Cornu analyse leurs conceptions spontanées (avant tout enseignement à ce sujet) et leurs conceptions propres (résultant à la fois de l’enseignement et des conceptions spontanées) à propos de la notion de limite. Il étudie les différents sens des expressions « tend vers » et « limite » pour les élèves. Il détermine les principaux obstacles à l’apprentissage de la notion de limite chez l’élève d’aujourd’hui.