L’enquête sur les origines d’un crime imparfait
Dans ce roman d’analyse psychologique, un des aspects les plus marquants est l’aliénation de l’héroïne, Thérèse, au milieu dans lequel elle se trouve. Thérèse Desqueyroux, seul et unique roman éponyme de Mauriac est l’étude d’une jeune femme souffrant d’incompréhension de la part de son mari, au point de tenter de l’empoisonner à cause du décalage entre ses propres valeurs et celles de son entourage et de son milieu. Ce décalage pénètre tout le roman et en devient un thème central. Mauriac a choisi d’utiliser un narrateur omniscient (critique de Jean-Paul Sartre) par lequel plusieurs points de vue nous sont proposés. Ces points relève l’écart qui existe entre la façon dont Thérèse apparaît à ceux qui font partie du monde extérieur, ceux qui l’entourent, et la façon dont elle se voit elle-même à travers ses souvenirs, ses pensées et ses gestes. En employant ces différentes perspectives présentées par Mauriac, nous allons explorer de manière plus claire le caractère de ce décalage. Nous allons commencer par quelques observations sur le monde éxtérieur, c’est-à-dire sur les milieux géographique, social et familial au sein duquel Thérèse évolue. Nous étudierons la perception de Thérèse des autres personnages du roman, mais aussi la perception qu’elle a d’elle-même. En essayant de montrer les thèmes essentiels du roman, nous considérerons finalement les conséquences de ce décalage qui déclanche non seulement sa tentative d’empoisonnement sur son mari Bernard, mais aussi le désengagement total de la part de Thérèse sur la vie conjugale et familiale.
Le rôle du pays, de la société et de la famille
L’histoire du roman Thérèse Desqueyroux se déroule dans la région des Landes. Elle commence par la sortie de l’héroïne du Palais de justice de B., « une petite ville » où Jérôme Larroque, son père, est « le maire et le conseiller général » , elle se poursuit par son voyage vers Argelouse, « une extrémité de la terre ; un de ces lieux au delà desquels il est impossible d’avancer … quelques métaires, sans église ni mairie, ni cimetière, disséminées autour d’un champ de siegle, à dix kilomètres du bourg de Saint-Clair auquel les relie une seule route défoncée. Ce chemin plein d’ornières et de trous se mue, au delà d’Argelouse, en sentiers sablonneux ; et jusqu’à l’Océan il n’y a plus rien que quatre-vingts kilomètres de marécages, de lagunes, de pins grêles … ». L’isolement de ce « quartier perdu », et de « cette maison perdue » où « régnera ce silence solennel » se revèle davantage : « plus d’une heure de voiture jusqu’à la gare de Nizan ; puis ce petit train qui s’arrête indéfiniment à chaque gare. De Saint-Clair … dix kilomètres à parcourir en carriole (telle est la route qu’aucune auto n’oserait s’engager la nuit) » jusqu’à Argelouse. Ces images du paysage bien développées par François Mauriac montrent indéniablement l’importance du milieu géographique. Ce bout du monde représente pour l‘héroïne une sorte de prison. Après son mariage, elle est léguée à vivre ici et ce grand changement peut incarner une expérience traumatique. L’isolation terrienne sans vie sociale se reflète aussi dans la sensation de Thérèse. Elle se sent « condamnée à la solitude éternelle ».Cette sollitude semble encore plus démonstratif quand il s’agit d’entrer et de vivre dans claustration sociale et familiale. « La mesquine société bourgeoise » fournisse également une vue plus renseignée sur Thérèse et sur les difficultés qu’elle affronte. La famille au sein de laquelle cette jeune femme se trouve après son mariage avec Bernard est la représentation examplaire « d’une société bien définie : la bourgeoisie landaise et provinciale ».
Thérèse et sa perception des autres
C’est justement le milieu influencé décrit dans le paragraphe précédent qui a généré ceux qui prononcent leurs jugements sur le personnage de Thérèse. Avant de considérer quelques uns de ces critiques, cependant, il est d’abord nécéssaire de dire quelques mots sur la présentation physique de l’héroïne (la description psychique est subordonné à la description psychique) car bien que les détails sur ce point ne soient pas nombreux, nous trouvons toutefois quelques éléments répétitifs renforçant certains traits du caractère de Thérèse. La correspondance entre l’état du corps et celui de l’esprit ou de l’âme est d’ailleurs très forte. Ainsi l’adjectif blême, par exemple, utilisé en rapport avec cette femme protagoniste : « ce visage blême qui n’exprimait rien», donne plusieurs impressions : premièrement, Thérèse est un être à la fois psychiquement et psychologiquement fragile et deuxièmement, elle souffre d’être gardée à l’intérieur, enfermée, refoulée : « Elle avait vécu jusqu’à ce soir d’être traqué, … » La conception de la petite taille physique (« petite figure ») de Thérèse résulte le soulignement non seulement de son statut de victime, mais aussi de son isolement et de sa solitude. Au sein d’une société, obsédée par l’image et la représentation sociale, nous ne pourrions pas nous défendre de trouver des remarques sur l’aspect physique de Thérèse : « mais on se demande pas si elle est jolie ou laide, on subit son charme », « qui sans doute n’est pas régulièrement jolie mais qui est le charme même ». Toutefois, son apparence physique change au cours du roman, surtout pendant et après le procès : « Elle ne se ressemblait pas, c’était une autre personne. Les gens virent seulement qu’elle était différente de son apparence habituelle, ils incriminèrent la toilette blanche, la chaleur ; ils ne reconnurent pas son vrai visage ».