Choix de la méthode :
Notre objet de recherche s’intéresse à la découverte de la singularité des ergothérapeutes travaillant avec des adolescents dépressifs dans l’utilisation d’une approche relationnelle basée sur les compétences personnelles et l’expression verbale. Dans ce contexte la méthode clinique, une méthode qualitative, visant la compréhension de phénomènes de soin liés à la singularité de l’humain nous a semblé intéressante. Cette méthode est à visée exploratoire, c’est-à-dire qu’elle vise la découverte de nouveaux savoirs par l’analyse d’éléments particuliers à l’humain et à un terrain, sans hypothèses à priori.
Population :
La population sélectionnée pour l’enquête sur l’objet de recherche est celle des ergothérapeutes travaillant avec des adolescents souffrant d’un épisode dépressif. Aucun ergothérapeute formé officiellement à l’ACP par un organisme n’ayant pu être contacté, nous nous intéresserons à ceux qui déclarent intégrer les attitudes relationnelles constituant l’ACP dans leur pratique.
Les critères d’inclusion sont :
– Etre ergothérapeute diplômé d’état
– Travailler avec des adolescents souffrant d’un épisode dépressif
– Déclarer avoir pratiqué les trois attitudes décrites par l’ACP avec les adolescents dépressifs dans le cadre de leur suivi
Les critères d’exclusion sont donc :
– Ne pas être ergothérapeute diplômé d’état
– Absence de trouble dépressif chez les adolescents suivis
– Absence de pratique des attitudes de l’ACP avec les adolescents dépressifs
Choix et construction de l’outil théorisé de recueil des données :
L’étude en méthode clinique s’orientant vers des réponses qualitatives, il nous a paru pertinent de réaliser des entretiens pour répondre à notre question de recherche : « Quels sont les intérêts et les limites de l’inclusion des attitudes d’authenticité, d’acceptation positive inconditionnelle et d’empathie dans la pratique des ergothérapeutes travaillant avec des adolescents souffrant d’un épisode dépressif ? ». Afin de conduire un entretien semi-directif, une grille d’entretien a été construite à partir du cadre théorique (cf Tableau 1). Elle démarre par une question inaugurale dans le but de permettre l’ajout de thèmes n’ayant pas été prévus par celle-ci. Les 5 thèmes sont : « la modification de la personnalité », « l’engagement », « la relation de confiance », « l’autonomie » et « la verbalisation », ils reprennent les intérêts d’une relation tels qu’ils ont été définis par les ergothérapeutes travaillant avec des adolescents dépressifs lors de la pré-enquête exploratoire. Chaque thème est abordé par une question ouverte permettant à l’ergothérapeute de développer sa réponse en exprimant son avis basé sur sa pratique personnel. Afin de pallier à toute incompréhension ou un possible manque de développement sur un thème, une question de relance reformulant la première a été prévue.
Déroulement de l’enquête :
Les quatre ergothérapeutes travaillant avec des adolescents dépressifs qui ont déclaré, lors de la pré-enquête exploratoire, pratiquer les attitudes de l’ACP ont été sollicités pour l’entretien semi-directif. Parmi eux, deux ergothérapeutes ont souhaité participer et ont été interrogées. Six institutions ayant un service d’ergothérapie et pouvant accueillir des adolescents dépressifs ont été contactées. Parmi les six ergothérapeutes contactés, une répondait aux critères d’inclusion et d’exclusion et a souhaité participer à l’enquête. Il y a donc eu 3 ergothérapeutes ayant participé à l’enquête, nous les nommerons A, B et C afin de préserver leur anonymat. A et C ont été interviewés par téléphone, et B a pu être interviewé en personne sur son lieu de travail.
Lors de l’entretien, en premier lieu, la question de recherche est rappelée et les thèmes sont présentés. Le caractère anonyme de l’entretien est spécifié aux interviewés. L’enregistrement de l’entretien à des fins d’analyse est communiqué. La relance de l’échange par l’interviewer dans un entretien semi-directif oscille entre des formes directives et non directives50. Les formes non directives sont constituées de réitérations, de réitérations thématiques, de reformulations et de reformulations du non-dit. Les formes directives englobent les questions de relance préparées dans la grille d’entretien et les questions spontanées improvisées au cours de l’entretien qui visent à éclaircir des aspects de l’attitude non précisés. Pour les deux entretiens téléphoniques, l’enregistrement a été directement effectué sur le téléphone de l’intervieweur. Pour l’entretien en face à face, le téléphone a été disposé près de l’interviewé afin d’obtenir un son d’enregistrement le plus net possible, mais de manière à ce qu’il ne le voit pas dans son champ visuel.
L’entretien A (Cf. Annexe 2 p65) de l’ergothérapeute A se déroule par téléphone, à la fin de sa journée de travail. Il durera pendant 28 minutes.
L’entretien B (Cf. Annexe 3 p68) de l’ergothérapeute B se déroule en face à face sur son lieu de travail, lors de la pause déjeuner après le repas. Il durera pendant 24 minutes.
L’entretien C de l’ergothérapeute C (Cf. Annexe 4 p70) se déroule par téléphone, en début d’après-midi sur un temps planifié dans ce but par l’ergothérapeute. Il durera pendant 25 minutes.
Choix des outils de traitement de données :
Afin d’exploiter nos entretiens dans le cadre d’une méthode de recherche clinique, nous nous appuierons sur une analyse thématique par les facteurs clés du processus de soin des adolescents dépressifs définis dans la grille d’entretien. Pour traiter les données, nous allons repérer à travers les thèmes le rôle que prennent les attitudes d’authenticité, d’acceptation et d’empathie. Nous nous servirons pour cela de la grille d’analyse construite (cf Tableau 2). Les thèmes abordés nous permettront d’identifier l’utilisation des attitudes relationnelles de l’ACP dans la pratique des ergothérapeutes travaillant avec les adolescents dépressifs, et ainsi leurs intérêts et leurs limites dans ce contexte. Le logiciel Nvivo 11 Plus sera utilisé pour classifier les contenus du discours par thèmes et sous thèmes, permettant ainsi l’établissement de connexion entre les données. NVivo est un logiciel développé depuis 1999, il est utilisé entre autres dans le domaine de la recherche médicale. Selon ses concepteurs il « supporte des méthodes de recherches qualitatives et combinées. Il est conçu pour vous permettre d’organiser, analyser et trouver du contenu perspicace parmi des données non structurées ou qualitatives telles que des interviews » 51.
Résultats :
Les résultats qualitatifs des entretiens seront analysés de manière longitudinale, en résumant les réponses de chaque ergothérapeute pour chaque thème, puis de manière transversale, en classant par sous thèmes les éléments de réponses de chaque ergothérapeute dans un tableau à double entrée.
Thème 1 : La modification de la personnalité :
L’abord de ce thème avait pour but de découvrir les impacts des attitudes de l’ACP observés à travers le comportement de l’adolescent dépressifs face à celles-ci et ainsi faire apparaitre les limites en ergothérapie par rapport à la théorie des effets de l’ACP sur la personnalité.
L’ergothérapeute A observe qu’une relation centrée sur la personne avec l’adolescent « va permettre qu’ils soient moins dans une attitude méfiante et qu’ils puissent petit à petit plus oser se livrer et parler d’eux » (l 13-14). Elle estime que « la personnalité de l’adolescent va évoluer au fur et à mesure de sa prise en charge » (l 19-20) mais qu’« on ne peut pas dire que l’évolution est juste lié à l’intervention en ergothérapie » (l 23-24). Elle pointe deux facteurs : l’évolution personnelle de l’adolescent « de par son âge, ses capacités d’introspection vont être différentes » (l 32-33) et le suivi de l’adolescent par d’autres professionnels de santé « art thérapeute, psychomotricien, psychologue clinicienne, psychiatre, infirmières » (l 21-22) et sa participation à d’autres « espaces thérapeutiques, dans la vie du service en général » (l 34).
L’ergothérapeute B observe que la relation centrée sur la personne va modifier le comportement de l’adolescent « plus de facilité à se livrer et nous faire part de leurs ressentis » (l 15-16) ce qui permet « un accès qui est plus facile à leur monde intérieur et aux problèmes qui en découlent » (l 17-18). L’adolescent devient plus communiquant « la communication verbale va être améliorée » (l 21) mais ces observations changent en fonction de l’adolescent « ça dépend de sa personnalité de base » (l 23). En général elle constate que ces attitudes vont « l’amener à se sentir plus accepté tel qu’il est » (l 27) et « développer ses capacités d’auto détermination, de réflexion sur soi et d’introspection sur les changements qui s’opèrent en lui » (l 27-29).
L’ergothérapeute C constate qu’« en général, bien se positionner dans une relation centrée sur la personne rendra l’adolescent plus ouvert et moins défensif » (l 26-27). Elle évoque aussi la difficulté d’observer des résultats fixes « ça va dépendre de qui j’ai en face » (l 19). Elle précise que les changements s’observeront différemment suivant l’expérience de l’ergothérapeute « ça va beaucoup dépendre de l’expérience du thérapeute et de la manière dont il s’approprie ces attitudes » (l 4-5), « on ne peut pas être subtil et efficace dès le début, ça demande de l’expérience et on peut se planter » (l 100-102).
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