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ENJEUX DE SANTE PUBLIQUE
Ces violences constituent-elles une pathologie sociale, dans le sens où elles manifestent et produisent de manière répétitive et parfois circulaire des souffrances tant personnelles qu’institutionnelles, mais sans être cependant traitées comme telles ? Au contraire elles semblent parfois banalisées, comme si elles étaient la norme, par nombre de leurs acteurs- victimes. Notre définition de la violence, accordée à celle de la majorité des chercheurs sur les violences notamment scolaires, s’appuie sur la prise en compte de la souffrance, tant celle des victimes que celles des auteur-e-s et celle des systèmes institutionnels, ainsi que sur la notion d’atteinte à l ‘intégrité.
Cette recherche fournira aussi des éléments pour l’éducation à la santé, tant physique que psychique : la violence atteint souvent le corps des victimes, parfois aussi des attaquants, parfois jusqu’au risque vital, notamment lorsqu’il y a héroïsation de la mise en danger de soi, ou recherche d’une certaine « défonce » ; elle atteint aussi leur psychisme, dans son dynamisme (Choquet, 2000), mais aussi sa constitution éducative, par l’habituation psychique à la violence. Toute forme de violence non reconnue et non traitée favorise dans l’âge adulte un rapport à des conduites violentes, notamment conjugales et familiales (voir notamment Houel, Mercader et Sobota, 2008). Il convient donc de repenser l’éducation à la santé en y intégrant la prise en compte de la violence, notamment des violences liées au genre.
OBJECTIFS DU PROJET
Si ce projet est novateur et ambitieux, c’est d’abord parce qu’il vise à décrire un phénomène encore peu connu malgré l’intérêt que lui accordent les instances françaises et européennes, et qui suscite aujourd’hui encore nombre d’opinions et de positions plus idéologiques que scientifiques. C’est aussi, et surtout, parce que nous entendons proposer des interprétations systémiques et globales du phénomène, grâce
— à un débat interdisciplinaire soutenu entre sociologie, sciences de l’éducation, philosophie, sciences de la communication, psychodynamique,
— et à une approche ethnographique seule à même de nous permettre de mettre en évidence, dans leur interrelation, les différentes pratiques concourant à favoriser l’éclosion de violences sexistes dans les établissements.
Connaître, quantitativement et qualitativement, le phénomène des violences genrées à l’école
Dans l’ensemble des violences qui se produisent dans les établissements d’enseignement secondaire en France, en s’intéressant surtout (mais pas seulement) à la dimension élèves – élèves, il s’agit de mettre en évidence et de cerner la dimension du genre dans ces violences.
a/ Pour cela il s’agit d’abord de déterminer en quoi un certain nombre de conduites sont, en toute rigueur, des violences.
Nous admettrons comme postulat que la violence est une atteinte à la personne, à son intégrité aux plans physique, mais aussi psychique (atteintes au psychisme, au dynamisme psychique) et symbolique (atteintes à l’image). Les violences genrées que nous cherchons à connaître peuvent être graves voire criminelles, mais le plus souvent elles sont petites, voire « microscopiques », et relèvent surtout d’une violence de climat ; elles ne sont donc pas toujours perceptibles consciemment en tant que telles, d’autant plus qu’elles sont intériorisées en tant que violences « symboliques », au sens de Bourdieu, mais elles n’en ont pas moins des effets de harcèlement et de contrôle, véritable rappel « l’ordre » (regards, interpellations, attouchements plus ou moins ludiques, par lesquels les jeunes eux-mêmes normalisent le comportement, notamment sexué, de leurs condisciples).
b/ Le genre est d’abord objet direct de certaines violences : exercées par des élèves garçons ou des personnels adultes hommes, mais aussi par des élèves filles ou adultes femmes, elles visent le féminin en tant que tel, de l’insulte et de l’attouchement au viol, dans le corps et la personne de jeunes filles, parfois de professeures et personnels adultes femmes des établissements, et de garçons « efféminés », notamment homosexuels.
Cette hypothèse, d’origine anthropologique, morale et politique, est à relier avec les analyses psychologiques concernant la construction de la sexualité et de l’identité sexuée, masculine et féminine, notamment la question du refus du féminin dans les deux sexes (Freud, 1937). Mais, en termes psycho éducatifs, la peur tente de se « résoudre » par la violence lorsque la loi fait défaut. Il convient donc d’interroger le rôle de l’institution scolaire, et la place de ceux qui, en son sein, sont chargés de porter (représenter, assumer, symboliser) la loi. Ce qui pourrait faire contrepoids à certaines représentations peu structurantes (place et rôle des représentations pornographiques) – ou structurantes dans la validation d’une certaine violence (jeux vidéos ?) du masculin et du féminin.
c/ Le genre est aussi lié de manière indirecte aux violences entre élèves, en tant que modèle de rapports sociaux qui instituent souterrainement, dans les pratiques et dans les représentations, voire les justifications, des rapports de force qui visent certaines catégories désignées comme faibles : la « payotte » (Rubi 2005), l’isolé-e, l’anormal-e, l’homosexuel-le, le handicapé-e, le gros (Smith, 2001), l’« intello », voire le « collabo ». Nous faisons l’hypothèse que l’approche de genre permet de comprendre des conduites qui, en première apparence, n’en relèvent pas. La dimension de genre fournit un élément de compréhension de la nature des violences, surtout des violences entre pairs, pratiquées dans l’espace scolaire et adossées à certaines représentations : une certaine masculinité de domination à l’égard du féminin fournit en effet des modèles impératifs d’affirmation de soi incluant par exemple le refus de l’expression – et même de la prise de conscience, de la reconnaissance pour soi-même – des émotions négatives, telles que chagrin, peur. Ce refus va jusqu’à certains refus non seulement de la verbalisation, mais aussi des mots et de leur domaine, caractérisé à partir des catégorisations scolaires actuelles comme étant celui des « lettres » : voir les puissants tropismes actuels de l’orientation genrée, très liée aux représentations du masculin et du féminin, ainsi que les refus de certains élèves garçons au collège d’étudier la littérature, affirmant que « la littérature, c’est un truc de pédés » (Benameur, 2001). En somme, la question des violences genrées devra s’articuler avec une approche clinique du rapport au savoir.
Comprendre les violences genrées en appréhendant l’univers scolaire comme système
Une prise en compte difficile
L’institution scolaire semble, jusqu’ici, ne prendre en compte ces violences que de manière variable, voire ponctuelle. On observe, de manière générale, peu de prise en compte des violences entre élèves en général, aussi bien dans la pratique des adultes acteurs dans l’institution scolaire (pratiques des professeur-es dans les classes, signalement des « incidents », pratiques de garantie et de mise en œuvre de la loi) que dans les recherches théoriques. Or l’approche de genre, notamment dans sa modalité indirecte, permettrait d’améliorer la connaissance et la compréhension de nombre de violences entre élèves.
Certaines difficultés pouvant rendre compte de la faiblesse de cette prise en compte font également partie de la recherche.
a/ Ces violences genrées ont des caractéristiques spécifiques qui compliquent leur prise en compte. Elles sont souvent difficilement assignables comme telles :
— Dans leur degré : elles sont souvent de « petites » violences, voire des micro-violences » (Debarbieux, Bourdieu) – ce qui amène certains à les questionner en termes de seuils ;
— Dans leur nature : les frontières, d’une part avec le jeu, notamment les jeux liés à l’entrée dans la sexualité adolescente et la construction de l’identité sexuée (joutes verbales, jeux sexuels et sexués), d’autre part avec les codes verbaux et comportementaux propres aux cultures adolescentes actuelles, peuvent être difficiles à établir, et nécessiteront des éléments rigoureux d’analyse et de caractérisation de ces conduites en tant que « violences ».
— Et surtout, elles sont difficiles à percevoir en tant que violences car elles comportent une dimension symbolique (Bourdieu, 1998) qui induit tous les protagonistes d’une part à les percevoir comme normales, voire légitimes, et d’autre part à les banaliser et à les nier en tant que « violences ». Ces processus à la fois de légitimation et de négation peuvent aussi produire un retournement de responsabilité, voire une intériorisation de culpabilité de la part de leurs victimes : voir par exemple les problématiques, ouvertement débattues, autour des tenues vestimentaires des jeunes filles.
b/ Une autre source de difficulté réside dans les contextes où surviennent ces violences, contextes qui concourent à un éparpillement des approches et dans une certaine mesure à une méconnaissance du phénomène.
— L’institution scolaire, traversée de nombreux enjeux sociaux et politiques, occupe actuellement une place difficile dans notre monde social : elle a sans doute été une institution forte, mais semble aujourd’hui dénigrée, questionnée dans sa visée d’institution éducative. Cette dimension très importante dans la genèse du phénomène des violences lui-même (crise de confiance en l’institution de la part de ses acteurs, les élèves entre autres), entraîne aussi des processus défensifs qui aboutissent à minimiser le phénomène, vécu comme un échec de plus pour les acteurs institutionnels (omerta).
— Elle est composée d’une pluralité d’acteurs3 qui n’ont ni les mêmes expériences, ni la même formation, ni peut-être les mêmes intérêts immédiats. Quelques exemples : Les enseignant-es envoient parfois des élèves dans le bureau du CPE, qui a parfois le sentiment qu’on se décharge sur lui ou elle ; les chefs d’établissement souhaitent parfois que les « incidents » ne soient pas connus à l’extérieur de l’établissement ; les infirmières scolaires souhaitent l’investissement de tous dans le CESC (Comité d’Education à la Santé et à la Citoyenneté), mais cet investissement est surtout bénévole ; les intervenant-es extérieur-es souhaitent plus ou moins une articulation avec les équipes d’établissement, qui d’ailleurs existent plus ou moins en tant qu’équipes. Enfin l’opinion publique s’émeut activement des questions de violence scolaire. De leur côté, les élèves ont plus ou moins confiance dans l’institution scolaire et dans l’établissement : voir les nombreuses hypothèses et études sur les violences des élèves comme réponses aux violences symboliques exercées par l’institution scolaire.
c/ Enfin le morcellement théorique de l’objet (voir état de l’art), lié à sa forte portée idéologique, est en lui-même un obstacle à sa prise en compte complète et efficace.
Différents groupes d’élèves ; enseignants ; personnels d’éducation ; personnels de direction : personnels sanitaires, sociaux, souvent investis dans les CSCE (Comités d’Education à la Santé et à la Citoyenneté) ; enseignants et personnels investis dans des actions d’éducation transversales, à la santé, à la sécurité…, d’animation, de prévention, parfois avec des intervenants extérieurs (Planning Familial, Ni Putes ni Soumises, Filactions, Parlons Tabou…) ; différents groupes et acteurs sociaux environnants : parents d’élèves, Centres Sociaux, pouvoirs publics locaux, autorités de tutelle des établissements scolaires (Inspection d’Académie, Rectorat et ses services de tutelle des Infirmiers scolaires, des Assistants de Service Social…)
Un système éducatif souterrainement complice des violences genrées
Dans ce contexte, notre hypothèse principale portera sur l’interrelation entre les violences genrées entre élèves et la violence symbolique genrée (le sexisme) incarnée et transmise dans et par l’institution scolaire elle-même. Le système sexe-genre, qui assigne aux garçons et aux filles des places sociales dissymétriques et valorise virilité et hétérosexualité, s’incarne à l’école de diverses façons, parmi lesquelles nous retiendrons surtout :
a/ Les pratiques concrètes des enseignants et des personnels éducatifs, qui transmettent et construisent du sexisme à leur insu et en dépit de leurs meilleures intentions. Dans cette perspective, deux aspects sont particulièrement significatifs :
— Les relations quotidiennes, spontanées, entre adultes et élèves, toutes les paroles et attitudes (gestuelle, ton de voix, etc.) par lesquelles elles et ils réagissent aux conduites des élèves et les commentent, la manière dont ils ordonnent, réprimandent, félicitent, interpellent, et plus largement incarnent ce que devrait être l’ordre social dans cette institution, ceci aussi bien dans la classe que dans tous les autres lieux de l’établissement.
— La mise en place d’un façonnage des corps, dont le résultat est la construction d’une « puissance virile » et d’une « fragilité / disponibilité féminine », notamment dans les cours d’EPS, mais aussi dans les activités de loisirs et les cours de récréation, a des conséquences directes sur les violences genrées. L’enseignement physique et sportif dans les établissements scolaires constitue un haut lieu d’élaboration et de justification par le recours à l’argument de la « nature » des inégalités entre hommes et femmes. Par conséquent, on peut se poser la question des « effets » de la légitimation institutionnelle des inégalités physiologiques et biologiques » sur les interactions entre filles et garçons et entre enseignants et élèves. À partir des enquêtes de grande ampleur menées sur les modes d’introduction d’activités artistiques en EPS, nous faisons l’hypothèse que dans les cours d’EPS, constituent un espace scolaire privilégié d’expression de violences physiques liées au genre. Nous intégrerons aussi à cette dimension de la recherche la prise en compte de travaux conduits par des professeurs d’Education Physique et Sportive dans un groupe de recherche INRP, sous la responsabilité de Daniel (UMR ADEF 2002-2006), sur la prise en compte du genre dans les contenus d’enseignement et les démarches didactiques et pédagogiques autorisant pour les élèves des transgressions des conduites genrées stéréotypées (Motta 1998, 2000), ce qui, inversement, permet de dénouer les conduites violentes, notamment en EPS.
b/ les modes d’existence ou de non existence de la loi dans l’espace de l’établissement, les décalages éventuels entre son affichage et ses pratiques effectives. La notion de loi sera entendue en trois sens distincts :
— loi explicite : réglementation, application de la discipline, sanctions…
— transmission d’une loi symbolique (mission « civilisatrice » de l’institution scolaire) : espaces de parole et d’élaboration (pour les professionnels, pour les élèves) visant à traiter les conflits et prévenir leur issue violente, « vie de classe », etc.
— loi implicite, ce qui fait l’objet d’une transmission inconsciente à travers les pratiques concrètes et relationnelles entre élèves et adultes, et l’organisation même de l’institution (espace, temporalité, etc.)
Situer les violences genrées dans l’institution scolaire au sein de la dynamique d’un univers social ambivalent
Il n’est évidemment pas question d’étudier dans leur ensemble les représentations sociales des violences genrées à l’adolescence. Mais nous étudierons plus spécifiquement trois aspects dont l’impact sur le phénomène et sa prise en compte institutionnelle nous semble tout à fait direct.
— La construction sociale, politique et historique du problème, à travers son émergence progressive en tant qu’objet scientifique, l’étude de la façon dont elles ont progressivement été mise à l’agenda des pouvoirs publics, et les représentations et hypothèses sous-jacentes qui ont fondé ce processus.
— La couverture médiatique des violences genrées à l’école et/ou à l’adolescence, témoin privilégié de l’évolution des idéologies dominantes et de la mise sur agenda du problème dans les politiques publiques.
— Les représentations des violences genrées dans le matériel ludique préféré par les adolescents, qui présente des figures idéales, souvent de façon paradoxale.
ETAPES DE LA RECHERCHE
Axe : « Éclairages contextuels »
— Étude des productions scientifiques et philosophiques sur les thèmes impliqués, Établissement d’une bibliographie commentée et recensement des données descriptives existantes (méta-analyse).
— Élaboration d’une histoire des violences genrées à l’école, avant et après l’instauration de la mixité
— Établissement d’une chronologie de la construction des violences à l’école comme problème social et politique (mesures prises, couverture médiatique…)
— Étude des représentations à travers
O La couverture médiatique des violences à l’école depuis 2000 O Les programmes video-ludiques fréquentés par les élèves
Axe : « Enquête de terrain »
— Analyse des données existantes
O Analyse de 140 témoignages d’acteurs de l’Education Nationale et acteurs sociaux auprès des jeunes, « matériau » recueilli lors de trois stages de Formation Continue des personnels du secondaire.
O Analyse des rapports d’incidents d’un collège de la région Rhône-Alpes.
— Pré-enquête auprès de chefs d’établissement de la région, choix des établissements pour les différentes parties de l’enquête proprement dite.
— Négociation des modalités de la phase deux dans les établissements choisis.
— Observations ethnographiques, avec quatre axes principaux
O observation des interactions entre élèves dans et hors de la classe (cour, couloir, cantine), notamment les pratiques de conflit, de jeu, de violences, quantification et analyse
O observation des pratiques d’application de la loi dans l’établissement : pratiques éducatives instituées ou spontanées (régulation de la parole entre pairs, médiation, conseil d’élèves, vie de classe, etc.), réponses instituées aux fautes repérées comme telles, réponses spontanées ou élaborées ou micro-violences, rôle et coordination ou non des différents acteurs
O observation des pratiques corporelles en EPS et de leur dimension genrée
— Entretiens avec des personnels et élèves (approche réflexive sur la base des observations, étude de victimation).
RESULTATS ATTENDUS
L’apport scientifique de cette recherche se situera essentiellement au plan qualitatif : connaissance et compréhension de certains éléments de conduite des adolescents, construction pour ce faire d’outils méthodologiques, analyse de données, enquêtes.
Outre une meilleure prise en compte des violences graves, cette étude permettra en effet de construire, au-delà de sa perception et de sa description, des connaissances précises et des éléments de compréhension d’un phénomène jusqu’ici perçu par certains acteurs scolaires et sociaux, mais dont la signification essentielle demeure incertaine : certains de ces « jeux », de ces « façons de parler », de ces éléments d’une « culture des adolescent-e-s », sont-ils ou non, ou aussi, des violences – et donc faut-il ou non s’en alerter, en parler avec les adolescent-e-s et élèves, et y apporter des réponses ? L’approche de genre, dans la prise en compte de ses effets directs (violences sexuées et/ou sexistes) et indirects (modèles genrés de conduite), rapportée à certaines conduites dans l’espace scolaire, permettra de faire la part de certains modèles masculins et féminins à l’œuvre dans l’éducation et de comprendre en quoi ils peuvent être ou non porteurs de violence. Dans la ligne de F. Héritier (1996) qui considère que la différence des sexes, « alphabet de données biologiques » indéfiniment interprétées par les sociétés, constitue la matrice de toute catégorisation sociale, nous posons que la problématique du genre est d’un apport essentiel sur les questions de l’altérité (rencontre de l’autre comme différence) et des processus d’altérisation (désignation d’un autre comme étranger, ennemi…).
Sur le plan social, le résultat le plus important de cette recherche sera, sans nul doute, la libération de la parole (pour les victimes de violence, pour les acteurs institutionnels aussi) à laquelle conduit généralement une meilleure connaissance, une explicitation et une élucidation d’un phénomène frappé de tabou. C’est encore plus vrai dans les établissements où nous aurons à intervenir (la recherche-action est toujours génératrice de changement), mais c’est une dimension très importante au niveau général. La diffusion large de nos résultats (colloque, articles spécialisés, ouvrage plus « grand public ») constituera déjà un pas dans cette direction. On sait que l’adossement à des résultats scientifiques rigoureux permet une parole publique plus juste, des politiques publiques mieux adaptées, qui ont une puissante portée élaborative et mutative pour tous et toutes — voir par exemple les retombées de l’enquête ENVEFF (Jaspard, 2003) telles que les présentent Bajos et Bozon dans leur enquête de 2008. Il s’agira en tout cas de rompre avec les tendances actuelles à la banalisation de ces violences, et au contraire de les rendre illégitimes, pour pouvoir construire, en prise sur elles, de véritables pratiques de loi contenante, incidente sur les trois sphères de la reconnaissance : loi, sécurité, solidarité, (Honneth, 2000).
D’ores et déjà, et de façon plus ou moins explicite ou formalisée, des attitudes et des pratiques de prise en compte, de remédiation à ces violences ou de prévention sont mises en œuvre dans les établissements d’enseignement. Il faudra, dans le cadre de cette recherche, les recenser d’abord, puis construire au moins une méthode pour en évaluer l’efficacité, avant de formuler des préconisations.
EXPLOITATION DES RESULTATS
La recherche a conduit à un colloque international Genre et violence dans les institutions éducatives, les 3 et 4 octobre 2013 à Lyon, colloque pendant lequel ont pu être présentées et discutées environ soixante-dix communications (voir en ligne : http://mixite-violence.sciencesconf.org/)4. Elle a fait l’objet et fait encore l’objet de nombreuses communications dans des colloques nationaux et internationaux et est en cours de publication notamment dans des chapitres d’ouvrage et des revues scientifiques telles qu’Adolescence, Le temps des medias, Diversité, Cahiers Pédagogiques, International Journal of Qualitative Studies in Education, Nouvelle revue de psychologie, Pratiques psychologiques, Lien social et politique, Sciences sociales et sport…
Deux ouvrages sont en préparation : l’un sera le bilan global de la recherche proprement dite, l’autre sera fondé sur les actes du colloque Genre et violence dans les institutions éducatives. Par ailleurs, un ouvrage intitulé Genre et jeux vidéo, fondé sur les travaux du colloque international Genre et jeux vidéo / Gender and video games, à Lyon, 12-14 juin 2013 (voir en ligne : Voir dans le volume annexe « Documents, tableaux, figures ».
Table des matières
PROBLEMATIQUE DE LA RECHERCHE
Contexte et positionnement du projet Patricia Mercader, Annie Léchenet
Enjeux politiques et juridiques
Enjeux sociaux
Enjeux éducatifs
Enjeux de santé publique
Objectifs du projet
Etapes de la recherche
Résultats attendus
Exploitation des résultats
Références bibliographiques
État de l’art Violences de genre entre élèves : un objet scientifique émergent Annie
Léchenet, Patricia Mercader, Julia Jeune
Les premières recherches : peu de prise en compte des violences entre élèves.
Un problème morcelé
En 2013, l’objet « violences de genres entre élèves » semble bien être en cours de constitution
Références bibliographiques
ECLAIRAGES CONTEXTUELS
Pourquoi une partie de notre recherche est-elle consacrée à des éclairages contextuels ?
Annie Léchenet
Une recherche située
Quels éléments de contexte avons-nous étudié ?
Références bibliographiques
Les violences de genre entre pairs en milieu scolaire avant la mixité (1945-1975) Fanny
Gallot
Contextes
Dangers fantasmés, effets réalisés : les stéréotypes de genre à l’épreuve de la mixité
Les enfants « en marge » : une violence de genre ?
Une agressivité genrée à canaliser ?
Conclusion
Références bibliographiques
La construction du problème des violences de genre entre élèves en France : des politisations différenciées du problème, une prédominance de la problématisation en termes de violences conjugales Viviane Albenga
La construction politique du problème au niveau national, une construction dépendante du problème des violences envers les femmes
Étude ethnographique d’un dispositif en Seine-Saint-Denis visant à prévenir les violences sexistes
au collège « Jeunes contre le sexisme » : un dispositif de déconstruction des stéréotypes de genre
Références bibliographiques
Le traitement médiatique des violences à l’école : quelle place pour les violences de genre entre pairs ? Audrey Arnoult
Corpus, démarche méthodologique et cadrage théorique
Etude de la couverture médiatique des violences à l’école entre 1995 et 2012
Références bibliographiques
À quoi jouent les jeunes filles et garçons des collèges et lycées ? Fanny Lignon
Analyse vidéoludique et stéréotypes de sexe
Des jeux vidéo et des adolescents : à quoi jouent les jeunes filles et garçons des collèges et lycées ?
Index des jeux cités
Références bibliographiques
Jeux vidéo et stéréotypes : jouer avec, s’en jouer, les déjouer Fanny Lignon, Mehdi
Derfoufi
Contextualisation
Etudes des protagonistes
Education à l’image, jeux vidéo et représentations des masculinités vidéoludiques
Index des jeux cités :
Références bibliographiques :
ENQUETE DE TERRAIN
Méthodologie de la recherche et réflexions épistémologiques Patricia Mercader, Natacha
Carbonne, Rebecca Weber, Jean-Pierre Durif-Varembont
Aux sources de la recherche
La pré-enquête
Observer, percevoir, partager : Réflexions épistémologiques à partir d’une enquête ethnographique dans cinq établissements d’enseignement secondaire
Conclusion
Références bibliographiques
Conduites entre élèves : comment éventuellement les caractériser comme violentes ?
Prendre en compte le genre pour comprendre Annie Léchenet
Une définition philosophique claire et nette
Mais des réalités ambiguës
la nécessité d’une approche pluridisciplinaire
Des difficultés liées à l’appréhension des questions de violences dans le cadre scolaire
Une difficulté propre aux violences liées aux rapports sociaux de sexe et de genre faire intervenir l’hypothèse du genre pour questionner
L’enquête de terrain a-t-elle permis d’observer des conduites entre élèves qui relèveraient de la violence de genre ? Patricia Mercader, Jean-Pierre Durif-Varembont, Annie
Léchenet
Les agressions sexuelles
Trois établissements où la violence physique est quotidienne
Deux établissements « calmes »
La violence symbolique des assignations identitaires
Conclusion
Références bibliographiques
Identités hétéronormées à l’école : catégorisations contraintes et jeux interstitiels Patricia
Mercader, Natacha Carbonne
Jeunesse sous contrôle
Et pourtant…
Conclusion
Références bibliographiques
Les violences verbales et leur double fonction : Socialisation et construction identitaire
Jean-Pierre Durif-Varembont, Patricia Mercader, Rebecca Weber
Les stéréotypes de genre en milieu scolaire
Banalisation des violences, canalisation du pulsionnel
La conformisation langagière cimente le groupe des semblables
Les insultes comme injonctions hétéro-normatives
Le langage ordurier : un traitement imaginaire du versant pulsionnel de la sexualité génitale
Travail du langage et fonctions des insultes
La déchirure phallique au risque du féminin
La certitude stéréotypique face au déchirement du voile phallique
Conclusion : le langage ordurier, une solution transitoire du passage adolescent
Références bibliographiques
L’encadrement institutionnel des féminités et des masculinités Marie-Carmen Garcia
Introduction
La féminité à l’épreuve de la vertu
Un système fin de catégorisation des jeunes filles
Une violence masculine expliquée par des conditions de vie spécifiques
Quelle égalité des sexes en somme ?
Des représentations variables de la sexualité selon les contextes des établissements
La discrétion des élèves en matière amoureuse aux prises avec les représentations des acteurs
institutionnels
Références bibliographiques
Une maison des hommes à géométrie variable Le genre en EPS à l’épreuve des contextes
socio-ethniques Natacha Carbonne, Marie-Carmen Garcia, Rebecca Weber
L’EPS, une maison des hommes
Couloirs et coulisses des femmes dans une maison des hommes
Références bibliographiques
Mise en scène du corps et remaniement identitaire à l’école : éprouver, se toucher, se montrer Jean-Pierre Durif-Varembont
Traitement du corps : contenance et réassurance narcissique
La parade virile et le défi de rivalité entre hommes
Les mascarades de la féminité
Références bibliographiques
Réponses et traitements institutionnels des violences en milieu scolaire jean-Pierre Durif-
Varembont, Patricia Mercader
Les chefs d’établissement face aux violences scolaires
Trois niveaux de réponses institutionnelles d’après les chefs d’établissement : s’expliquer,
sanctionner, prévenir
Les réponses institutionnelles d’après-coup
Les activités de prévention
Références bibliographiques
De quoi l’enfer est-il pavé ? 1. Les adultes face aux violences scolaires en général
Patricia Mercader, Annie léchenet
Pratiques difficiles, métiers impossibles…
« Agir en fonctionnaire » : injonction d’en haut et épreuve de concours
Face à la violence des élèves, l’inquiétude des chefs d’établissement
Les surveillants et l’équipe éducative
Une salle de classe qui n’est plus un sanctuaire
Conclusion
Références bibliographiques
De quoi l’enfer est-il pavé ? 2. Les adultes face à la question du genre Patricia Mercader,
Annie Léchenet
La cohabitation des garçons et des filles : un quotidien ambigu pour les chefs d’établissement
Adultes genrés, adultes sexués
Violences genrées : de la banalisation à la cécité
Références bibliographiques
La difficile question « que faire ? » Patricia Mercader, Annie Léchenet, Fanny Lignon
Que faire avec les élèves ?
Jeux vidéo et égalité entre les filles et les garçons, entre les femmes et les hommes, Fanny Lignon
Différence des générations, autorité, symbolisation, Patricia Mercader
Mettre en oeuvre une relation éducative sous la loi, tenter de déjouer les malentendus liés aux
problématiques subjectives de domination, Annie Léchenet
Références bibliographiques
POUR SYNTHETISER PATRICIA MERCADER
Un objet en cours d’émergence
Objectifs de la recherche
Approche scientifique et technique
Résultats obtenus
Exploitation des résultats
Discussion
Conclusions : la difficile question « que faire ? »
Références bibliographiques