L’émergence du courant institutionnel en économie du développement
Durant les années 90, un renouveau dans économie du développement a été constaté. Après une période de doute (suite à l’échec des stratégies de développement et des PAS dans la plupart des PED), les institutions internationales, les recherches académiques et les études empiriques connaissent une nouvelle dynamique. Ainsi, les économistes se sont orienté, à partir des années 1990, à étudier la contribution de nouveaux facteurs, que ceux déjà reconnus (capital, travail, technologie) dans la soutenabilité de la croissance et le niveau de développement. Le principal facteur identifié, à cet égard, était la qualité des institutions. En effet, le rôle des institutions a été considéré par certains économistes, comme un facteur clé de la croissance, notamment ce qui concerne les aspects relatifs à la protection des droits de propriété, respect des contrats, aux structures de réglementation et à l’indépendance des institutions judiciaires. Dans le sens ou, les normes de conduite explicites et implicites d’un pays conditionnent sa performance économique. Le contexte de ce renouveau se caractérise par des nouvelles variables de l’environnement international et par l’émergence de nouvelles préoccupations pour les citoyens et les pouvoirs publics. Les éléments de ce contexte sont les suivants : L’évolution des indicateurs de développement, d’un indicateur simple basé sur la mesure unique de la richesse matérielle produite (le PIB) vers des indicateurs synthétiques qui rassemblent plusieurs dimensions et cherchent à mesurer d’autres paramètres que la richesse matérielle. Les indicateurs durant cette période deviennent donc plus sophistiqués, plus composites pour mieux ciblés, traduisant ainsi l’évolution des objectifs du développement. La question de la pauvreté mise à l’ordre du jour des priorités par les institutions internationales car les PAS avaient fragilisé les conditions sociales des individus, elles ont généré plus de pauvreté dans les pays qui en ont fait l’objet. Inspiré par les thèses de SEN (le développement humain), la Banque mondiale la transforme en lutte contre la pauvreté, cela a été une avancée importante dans la réflexion et les politiques de développement. L‘échec des PAS, inspirées par le courant néo-classique, a permis au chercheurs de disposer d’éléments de réflexion conduisant à la remise en question de certains postulats néo-classiques dans le domaine du développement et a conduit à revoir le rôle de l’Etat et des institutions publiques, à comprendre les limites des mécanismes du marché et à réfléchir sur les liens entre croissance et redistribution. La mondialisation dont les échanges et la circulation ne concernent pas seulement les biens, les capitaux et la main d’œuvre. Elle touche aussi le domaine des biens immatériels comme la culture et la technologie, ce qui modifie profondément les habitudes et les besoins, et tend à unifier les modes de consommation. La mondialisation se fait à travers un grand marché international ouvert sur tous les pays, et régi par le libéralisme économique. C’est ainsi qu’on a vu apparaître des idées comme celle de l’économie – monde, c’est à dire qu’il existe un seul et même système économique au sein duquel l’allocation des ressources a lieu. Ainsi la mondialisation oblige l’économie du développement à ouvrir des nouvelles perspectives et à renouveler la réflexion en intégrant des nouveaux paramètres.
Les institutions comme une variable endogène du développement
Le rôle des institutions dans le développement économique a été largement défendu a travers la recherche académique comme on va voir ci-dessous. Il est souvent mentionné pour expliquer la croissance économique et les inégalités dans le processus de développement des pays. Ce sont des économistes comme Ronald COASE, Douglass NORTH et Oliver Williamson et bien d’autres qui ont contribué par leurs travaux à mettre l’accent sur l’importance des différents types institutions afin de créer l’ordre et réduire l’incertitude dans les échanges, elles ont un rôle de facilitation et de coordination entre les agents économiques en fournissant les bonnes incitations et permettant de charrier les bonnes informations pour envoyer les bons signaux. Selon ces économistes, les institutions doivent facilités un certain degré d’anticipation légitime (quand on signe un contrat, on s’attend à ce qu’il soit respecté, sinon il y aura des mécanismes de sanction). Ceci est fondamental du fait du changement permanent de la réalité économique qui génère une grande incertitude. Ainsi les institutions sont censées fournirent une certaine stabilité économique, elles sont les règles du jeu ; elles doivent être juste et stable pour permettre les anticipations des joueurs (Analogie avec l’équipe de Football). Ainsi pour les économistes des institutions, le sous-bassement de la croissance et du développement est un arsenal d’institutions capables de soutenir toutes les activités économiques.
L’émergence des institutions pour réduire l’incertitude du marché
Knight en 1921, renvoie l’incertitude à une situation où on ignore ce que son environnement sera dans un futur proche ou lointain45 . Incertitude par rapport à son environnement (évolution des produit, des technologies, des prix….) et par rapport au comportement des autres agents sur le marché. A travers les interprétations du spécialiste des institutions D. North l’évolution des institutions dans l’optique de réduire l’incertitude du marché peut être synthétisée en trois étapes46 : Les échanges personnels dans une société primitive, caractérisé par un marché de petite taille avec une forte densité sociale. Ainsi les échanges étaient peu développés et la forte densité sociale permettait le contrôle du voisin, dans le sens ou les liens personnels limitaient les coûts de l’incertitude du marché car les partis de l’échange se connaissaient et étaient donc obligés d’adopter des comportements d’équité. Cependant Les coûts de production étaient élevés puisque la communauté n’était pas spécialisée et disposaient de peu de capital technique. les échanges économiques étaient donc encadrés et contrôlés par des institutions informelles. Les échanges impersonnels (entres les villages) étaient liés à des marchés de taille intermédiaire avec une densité sociale plus faible et donc des marchés de petite taille. Les échanges s’élargissaient et il devenait nécessaire que les partis de l’échange coopèrent, c’est dans ce sens que le développement des institutions formelles commence, encadrant ainsi les activités économiques sans nier l’importance des institutions informelles. Les échanges plus complexe et entre longue distance qui s’effectuent dans des marchés de grande taille. Ce genre d’échange ne dépend plus de la densité sociale, ni des institutions informelles puisque les agents effectuant les échanges peuvent être localement soumis à des institutions informelles très différentes. Ainsi les institutions formelles permettent de protéger les agents (contractants) des fraudes, abus et autres pratiques coûteuses ou dissuasives des échanges, par tout un dispositif institutionnel, notamment juridique. Le développement s’accompagne donc d’une augmentation des coûts de transaction (couts d’incertitude), au fur et à mesure que la société devient plus complexe, et d’une réduction des coûts de production, au fur et à mesure que le capital (humain et technique) s’accumule et que la société se spécialise. La problématique est de savoir si la baisse des seconds ne sera pas annulée par la hausse des premiers. C’est le degré d’efficacité les institutions qui peut résoudre cette question en limitant ou pas cette augmentation. Ainsi, le développement économique consiste en la création d’institutions, comme des institutions de propriété, qui peuvent maitriser les coûts de transaction et inciter les agents économiques à entreprendre des activités économiques permettant de faciliter les échanges malgré leurs complexités.
Définir et catégoriser les institutions : formelles, informelles, politiques, économiques et organisations
Il est difficile de définir les institutions, car le concept d’institution renvoie à divers ensemble comme la famille, l’Etat, les syndicats etc., il peut désigner aussi les coutumes et les codes de conduite, ou les comportements. Dans ce sens il existe de nombreuses définitions plus ou moins larges et précises, certaines se basent sur le statut (formel ou informel), et d’autres sur les fonctions. Les institutions permettent le développement économique à travers un contrôle des échanges et des transactions économiques entre les individus, cela permet comme le souligne dans ces articles, le pionnier des institutions North de catégoriser les institutions en plusieurs types. D.North, prix Nobel en 1993, a défini les institutions comme « les règles du jeu dans une société ou, plus formellement, les contraintes créées par homme qui régissent les interactions politiques, économiques et sociales entre les hommes » Ainsi les institutions sont essentielles au bon fonctionnement des marchés, elles désignent des modes de fonctionnement et d’organisation durablement établis, elles consistent en des règles implicites ou explicites encadrant les comportements économiques. Par la suit North distingue deux types d’institution48 les institutions formelles qui sont le produit intentionnel des individus et les institutions informelles ou normes comportementales qui sont fermement ancrées dans la culture, et très lentes à évoluer (tradition, tabous, croyance des individus, code de conduite…), ainsi que leurs caractéristiques d’application dans le but de réduire l’incertitude. 1. Les institutions formelles : se disposent en trois niveaux (figure n° : 03). Au premier niveau, se trouvent les règles fondamentales, découlant des droits humains élémentaires, sont normalement énoncées dans la Constitution d’un pays. Au deuxième niveau se positionne le système juridique, basé sur ces règles fondamentales, contenant les lois régissant la propriété et les contrats, ainsi que les règles relatives à la structure de l’État et au processus de décision politique. Ces institutions politiques définissent notamment le caractère démocratique ou autocratique d’un État. Cependant les règles fondamentales et le système juridique constituent ensemble l’environnement institutionnel. Concernant le troisième niveau et à l’intérieur de cet environnement institutionnel, les agents nouent des contrats ou arrangements institutionnels pour coordonner leurs échanges. Les trois niveaux d’institutions sont vraiment interdépendants. Le coût d’un arrangement entre deux agents ou plus dépend essentiellement de la qualité de l’environnement institutionnel.