L’élevage bovin et les zones de montagnes à fort potentiel herbager
Les produits d’élevage bovin
L’augmentation de la population mondiale de 6.5 milliard d’habitant à 9,6 milliards d’ici 2050 (Nations Unies, 2012) suscite une augmentation de la demande en produit agricoles destinées à l’alimentation humaine (Bank, 2007). Parmi les produits agricoles les plus convoités, les produits animaux occupent une place de choix. Afin de satisfaire les besoins en viande des populations entre 1984 et 2009 une augmentation 45% des effectifs des vaches à viande de races spécialisées en France a été nécessaire (Pflimlin et al., 2009). La France est passée ainsi de 2,9 millions à 4,2 millions de bovins dédiés à la production de viande en 25 ans. Cette augmentation des effectifs s’est poursuivie avec l’évolution des besoins des populations en produits carnés et plus particulièrement les politiques agricoles instaurant des quotas laitiers et des primes à la vache allaitante. La consommation mondiale de produits d’origine animale en particulier de la viande bovine, devrait augmenter de 50% d’ici 2050 (Thornton, 2010). Par ailleurs le lait est l’un des produits animaux les plus convoités par les L’élevage bovin et les zones de montagnes à fort potentiel herbager 12 populations. En effet le lait est un produit alimentaires très nourrissant vu sa richesse en éléments minéraux (Desjeux, 1993), en matière grasse et protéique (38 g/L de matière grasse et 32 g/L de matière protéique) (Chatellier et al., 2013). La moyenne mondiale de consommation de lait atteint 105 kg équivalent lait par habitant par année (Chatellier et al., 2013). La croissance démographique devrait augmenter la consommation de lait de 57 % entre 2000 et 2030 (Gerber et al., 2013). Vu la diversité des territoires, des systèmes de production et des produits laitiers sur le territoire, la France fait preuve d’un fort potentiel de production de lait, avec 23,9 milliards de litres de lait produit (Chatellier et al., 2013). De vastes territoires en France s’avèrent favorables à l’élevage des herbivores et plus particulièrement de l’élevage bovin. En France les exploitations agricoles se situent majoritairement dans les zones à fort potentiel herbagers notamment les zones de montagnes. L’agriculture de montagne avec son orientation naturelle vers la production de fourrages est largement orientée vers la production herbivore (Chatellier and Guyomard, 2008) notamment la production bovine avec 40% d’exploitations en bovins allaitants et 33% d’exploitations en bovins laitiers (AGRESTE, 2011).
Zones de montagne : zones à fort potentiel herbager
Plus de la moitié du territoire Français est utilisé à des fin agricoles (Farruggia et al., 2008). La couverture végétale utilisée pour l’agriculture est largement constituée de prairies permanentes qui représentent en moyenne 30% de la SAU en France (Pottier et al., 2012). Ces végétations sont fortement concentrées dans les zones de montagne à l’instar de la région auvergnate située au cœur du Massif central. Le tiers (environ 38%) des surfaces en prairie permanente en France se situent en zone de montagne (Chatellier and Guyomard, 2008). Et les prairies permanentes occupent environ 80% de la surface agricole auvergnate (AGRESTE, 2015). Les zones de montagne s’avèrent ainsi des réservoirs potentiels d’aliments fourragers. En dépit de la richesse de ces zones en ressources herbagères, elles sont caractérisées par de fortes contraintes naturelles pour les pratiques agricoles autres que l’élevage. Les agriculteurs sont régulièrement confrontés à des difficultés d’accessibilité à travers les contraintes d’obstacles, de distances, de pentes et d’altitude (Brunschwig et al., 2006; Andrieu et al., 2007). Toutefois ces territoires sont prisés pour l’élevage des herbivores avec plus de 1765 exploitations bovines dans le Massif central (RA, 2010). L’élevage est de plus en plus soumis à des phénomènes d’extensification avec 1,9 UTA pour 13 56 ha en 2000 et 1,9 UTA pour 68 ha 2007. Les zones montagneuses avec leur fort potentiel en ressources herbagères et une diversité géographique accentuée sont de plus en plus occupées par les systèmes d’élevages herbivores en particulier des élevages bovins avec le phénomène d’extensification. Cependant la diversité géographique des zones de montagnes ne joue pas toujours en faveur de la valorisation des parcellaires (Fleury et al., 1996) contrairement à la diversité végétale qui est plus rentable au pâturage avec les prairies diversifiées (Schläpfer et al., 2002). La conduite simultanée de troupeaux bovins laitiers et allaitants semble être une solution pour valoriser ces diversités.
Systèmes bovins mixtes herbivores de moyenne montagne
De nombreux élevages en montagne combinent conduite simultanée d’un troupeau laitier et d’un troupeau allaitant en vue de mieux valoriser le parcellaire tout en dégageant un bon revenu (Cournut et al., 2012). Les systèmes d’élevage bovins combinant bovin laitiers et bovin allaitant sont les plus rependus dans les zones de montagne : 75% des élevages mixtes avec lait en Auvergne sont des élevages mixtes bovin lait-viande (RA, 2010). La particularité de ces types d’élevages est qu’ils sont plus mis en œuvre dans des zones contraignantes et focalisés sur la valorisation des prairies. En effet la conduite simultanée de troupeaux bovins laitiers et allaitants est susceptible de mieux valoriser la diversité géographique et agronomique des zones de montagnes. Ces diversités se matérialisent par le fait que les parcelles diffèrent selon le type de végétation définie d’après leur valeur agronomique (Ansquer et al., 2004) et selon leur caractéristiques topographiques (altitudes, exposition, profondeur du sol) et topologique. Hormis la charge de travail engendrée par l’association de plusieurs troupeaux avec des besoins différents ajouté à la complexité d’organisation liée à la fois aux troupeaux et au terrain, la pratique des systèmes bovins mixtes dans les zones de montagnes présente de nombreux avantages. Il s’agit principalement de la complémentarité des deux troupeaux qui permet de mieux valoriser les ressources herbagères, notamment grâce au troupeau allaitant, qui est moins exigeant en termes de qualité de l’herbe et peut être déplacé dans des parcelles éloignées de l’étable (Morlon and Benoit, 1990; Brunschwig et al., 2006; Andrieu et al., 2007). La conduite simultanée de deux troupeaux donne ainsi un avantage permettant d’exploiter avec une forte efficience les surfaces de différents potentiels. L’association de troupeaux laitier et allaitant permet le bon ajustement des interactions entre les animaux et les 14 ressources disponibles (Cournut et al., 2012). Les systèmes d’élevage en question bénéficient d’une diversité sur le plan animal et végétal qui s’apparente au principe fondamental de l’agroécologie à savoir le maintien d’une diversité d’espèces et de génétique dans l’espace et le temps, mais aussi d’une structure d’écosystème complexe. La conduite simultanée d’un troupeau laitier et d’un troupeau allaitant donne un avantage comparatif permettant d’exploiter avec une plus grande efficience les surfaces de potentiels différents, en y faisant pâturer des animaux ayant des besoins différents. En dépits des contraintes d’ordre agronomiques et géographique à savoir l’éloignement, pente, manque de possibilité de mécanisation, accès difficile, la portance, accès au point d’eau des animaux au pâturage (Garcia-Launay et al., 2012), la gestion des troupeaux bovins mixtes (laitiers et allaitants) peut être une solution pour atteindre des performances économiques équilibrées et stables (Cournut et al., 2012). Les systèmes bovins mixtes herbagers s’inscriraient dans une démarche relevant de l’agroécologie (Dumont and Bernuès, 2014; Thomas et al., 2014). Généralement l’élevage simultané de plusieurs espèces réduit les risques climatiques, sanitaires et économique (Bonaudo et al., 2014). La gestion spatio-temporelle de la diversité des ressources et de la complémentarité des animaux peut permettre de renforcer la résilience des services écosystémiques à des aléas climatiques et économiques (Tichit et al., 2011). Toutefois, ces éléments théoriques demandent à être confirmés et il est intéressant d’explorer les systèmes mixtes pour déterminer les niveaux de diversité animale permettant une plus grande efficience alimentaire avec des meilleures performances économiques et environnementales tout en préservant l’environnement et la productivité des systèmes étudiés.