L’effort, tant physique que mental, est plus motivé par l’attrait de gagner que par la peur de perdre
Dans la première partie, nous nous sommes intéressés aux bases cérébrales du compromis coûts/bénéfices dans le cas de situations fictives impliquant des récompenses de diverses natures, comme des items alimentaires ou des objets, et des efforts fictifs de nature physique ou mentale. Nous avons ainsi pu voir que, non seulement l’activité du vmPFC, l’une des composantes principales du réseau des valeurs, augmentait linéairement avec la valeur appétitive des récompenses, mais elle diminuait aussi linéairement avec la valeur aversive du coût des efforts, et ce, au travers de différentes tâches effectuées par les mêmes participants (voir Figure 27). Dans cette partie, nous allons nous intéresser à l’autre composante principale du réseau des valeurs : le striatum ventral. L’activité du striatum ventral a en effet été corrélée à l’anticipation d’une récompense monétaire de valeur plus élevée depuis les débuts de l’IRMf chez l’homme (Breiter et al., 1996, 2001; Knutson et al., 2001a, 2001b). Ce lien entre l’activité du striatum ventral et l’anticipation d’une récompense de valeur subjective plus élevée a depuis été confirmé par plusieurs méta-analyses (Bartra et al., 2013; Clithero and Rangel, 2014; Sescousse et al., 2013).
Dans le cas d’un effort physique, comme d’un effort mental, des récompenses plus élevées motivent aussi une performance plus élevée que ce soit en termes d’intensité d’un effort physique ou de rapidité d’exécution d’un effort mental. En IRMf, cela correspond aussi à des situations où l’activité du striatum est plus élevée (Pessiglione et al., 2007; Schmidt et al., 2012). Il a d’ailleurs été prouvé qu’une lésion des ganglions de la base chez l’homme faisait perdre toute capacité de moduler l’intensité d’un effort physique en fonction de la valeur des enjeux monétaires (Schmidt et al., 2008). En résumé, non seulement le striatum réagit proportionnellement à la valeur subjective de la récompense en jeu, mais son activité pourrait déterminer l’intensité de l’effort physique, ou mental, effectué en vue d’obtenir cette récompense.
Qu’en est-il dans le domaine des pertes ? D’un côté, l’activité du réseau des valeurs diminue avec la perspective de punitions plus importantes, comme la perspective d’une perte monétaire conséquente (Park et al., 2011; Shapiro and Grafton, 2020; Talmi et al., 2009; Tom et al., 2007). D’un autre côté, l’activité du striatum ventral a été associée à la fois à l’encodage de la valeur subjective signée et de la valeur subjective non-signée (Bartra et al., 2013). De plus, dans des tâches de choix probabilistes, il a été montré qu’il existe une aversion à la perte (Kahneman and Tversky, 1984). Cette aversion s’exprime notamment par le fait que l’équivalent de la perspective de subir une perte d’un certain montant serait de 1.5 à 2.5 fois plus important pour une perspective d’obtenir un gain (Kahneman, 2012). Daniel Kahneman propose que ce type de biais soit ancré dans l’évolution. Les animaux auraient des chances de survie accrues en traitant les menaces, c’est-à-dire les punitions potentielles, de manière plus urgente que les opportunités en termes de récompenses éventuelles. Ce type de biais a cependant été très peu exploré dans des tâches impliquant d’effectuer un effort physique ou mental en fonction des enjeux chez l’homme. Le dmPFC a été identifié comme une aire cérébrale faisant partie d’un réseau neural d’alarme (Eisenberger and Lieberman, 2004). Son activité augmente en effet dans des situations associées à un signal de saillance plus important (Litt et al., 2011; Seeley et al., 2007). L’activité du dmPFC a été associée au calcul de la valeur attendue d’allouer du contrôle cognitif à une tâche en cours (Shenhav et al., 2013). Il pourrait ainsi détecter des situations saillantes et « décider » d’allouer une certaine quantité de contrôle cognitif à la tâche en cours en vue de gérer la situation au mieux. Plus les enjeux monétaires non-signés d’une tâche seraient importants, plus on pourrait s’attendre à ce que son activité augmente en vue d’allouer plus de contrôle cognitif. D’un autre côté, l’activité du dmPFC augmente à mesure que la valeur.
Méthodes Participants
Pour cette étude en IRMf, nous avons recruté 24 participants (13 femmes / 11 hommes) de 25.9 ± 3.7 ans (moyenne ± écart-type). Les participants ont été recrutés en ligne via la plateforme du RISC (Relais d’Information en Sciences de la Cognition, https://www.risc.cnrs.fr/). Les critères d’inclusion étaient d’être droitier, de parler couramment le français, d’avoir entre 20 et 39 ans, de ne pas porter de tatouage, de piercing ou tout objet métallique, de ne pas être enceinte (vérifié avec un test de grossesse effectué avant l’expérience) et de ne pas avoir de problèmes de vue. Nous avons aussi évalué les antécédents médicaux, en particulier neurologiques ou psychiatriques, et la consommation éventuelle de substances psychotropes des participants afin de les exclure le cas échéant. Enfin, les participants devaient aussi indiquer leurs traitements en cours afin de les exclure au cas où leurs traitements pourraient avoir un impact sur leur comportement et/ou leur activité neurale.