L’EFFICACITÉ DE LA LETTRE DE GARANTIE
Le processus conduisant à sécuriser une créance maritime peut prendre plusieurs formes : le gestionnaire de sinistres pourra demander une lettre de garantie, faire pratiquer une saisie conservatoire sur le navire, demander une garantie bancaire, transiger sur un montant avec le P&I Club. Le courtier va préférer l’acte le plus efficace en fonction d’éléments à l’instar du montant des dommages, de la fiabilité du P&I Club, du temps qu’il lui ait imparti avant que le navire quitte son dernier port de déchargement. Ainsi, par exemple, face à un club à primes fixes, qui ne présente pas la certitude de solvabilité des P&I Clubs faisant parti de l’International Group23, une demande de garantie bancaire sera préférée. Par ailleurs, devant une demande de lettre de garantie solide mais concernant un dommage peu important, le P&I Club pourra proposer au gestionnaire de transiger sur un montant. Ici il faut que le P&I Club ait la certitude, primo facie, que le dommage relève de la responsabilité du transporteur. L’acte choisi devra ainsi garantir la créance maritime de manière adéquate.
Néanmoins, dans la plupart des cas, le gestionnaire aura à choisir entre une demande de lettre de garantie ou faire pratiquer une saisie conservatoire. Comme relevé plus haut, la saisie conservatoire reste le moyen juridique ultime pour sécuriser une créance maritime en ce qu’elle contraindra l’armateur à garantir la créance maritime, via son P&I Club ou une banque, sans que le créancier ait forcément besoin de démontrer le bien fondé de sa créance.24 Elle engendrera donc l’immobilisation du navire et pourra, dès lors, provoquer une dégradation des relations entre les acteurs impliqués. C’est pourquoi la pratique a tendance à privilégier le recours, au moins dans un premier temps, à la lettre de garantie qui permettra d’assurer l’objectif de sécurisation de la créance tout en permettant au navire de poursuivre son voyage et donc d’entretenir les les entre les ayants droits à la marchandise et l’armateur, même en présence d’un sinistre et donc d’un litige potentiel. Cependant, la saisie conservatoire sera l’issue en ca d’échec de la négociation et provoquera l’émission d’une lettre de garantie, qui aura cette fois-ci pour objet non plus l’empêchement de la saisie conservatoire mais sa mainlevée.
La supériorité factuelle de la lettre de garantie
L’enjeu ici est de réussir à résoudre amiablement le litige né à la suite de la constatation du dommage. A ce titre, l’émission d’une lettre de garantie se fait, en tout cas de manière immédiate, gratuitement et sans recours à une juridiction. Les termes sont ainsi fixés amiablement par les parties, ce qui ne sera pas forcément le cas en pour la saisie conservatoire. Cette dernière va provoquer des frais d’avocat, engagés localement, et parfois des coûts judiciaires supplémentaires en fonction de la procédure applicable dans le pays où elle est exercée. La saisie va également coûter un temps précieux aux parties, dont l’activité est soumise aux exigences du commerce international, à savoir la rapidité et la fluidité. Enfin, si les parties n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente quant à la mainlevée de la saisie conservatoire, les modalités de cette dernière leur échapperont et seront fixées par le juge du port de déchargement, ce qui aura, dans certains cas, pour effet d’affaiblir la prévisibilité juridique dans laquelle le commerce international doit fonctionner.
Une procédure sécurisante
La procédure de l’émission d’une lettre de garantie P&I instaure une sécurité à tripleCela va d’abord permettre aux parties d’éviter de se confronter aux juridictions et au droit locaux. En effet, la négociation amiable ne concerne que les parties, alors que la saisie conservatoire forcera le recours aux juridictions locales, ce qui parfois peut s’avérer problématique compte tenu de l’insécurité juridique existante dans certains pays. La lettre de garantie va donc dans l’intérêt des parties, qui veulent éviter le recours à des juridictions exotiques et lointaines. De même, et comme dit précédemment, la procédure de négociation va sécuriser la position financière des parties, qui n’auront pas à engager des coûts dans une procédure judiciaire.
Ensuite les parties vont définir, par les termes même de la lettre de garantie, le cadre légal des discussions futures. En effet, les lettres de garantie P&I prévoient de manière très fréquente le droit applicable ainsi que la juridiction compétente concernant le litige afférent à la responsabilité du transporteur. La définition de ce cadre légal va notamment empêcher, au moment de la mise en jeux de la responsabilité du transporteur, les discussions portant sur la juridiction compétente, cette dernière étant souvent le premier argument de défense des armateurs. Ainsi, les parties n’auront plus qu’à discuter directement de la responsabilité du transporteur, le reste étant donc déterminé a priori. De même, la lettre de garantie prévoira le droit applicable et la juridiction compétente concernant l’exécution de la lettre de garantie, gage d’une prévisibilité juridique pour les parties.