L’effet rebond correspond à une réponse comportementale : celle de l’utilisateur, qui augmente l’utilisation d’un service énergétique suite à la baisse du coût de celui-ci. L’effet rebond a donc une conséquence directe sur l’efficacité de toute opération visant à réduire la demande énergétique d’un service.
L’inverse de l’effet rebond est l’effet « prébond ». Il désigne une consommation énergétique inférieure aux estimations. Cet effet est visible dans les classes énergétiques les moins performantes. Il sera détaillé plus bas que cet effet est lié à un besoin d’économie d’argent et à des habitudes de confort plus modérées.
L’exemple le plus utilisé pour expliquer l’effet rebond est celui de la voiture : si une voiture consomme moins d’essence au kilomètre, cela coûtera moins cher pour le conducteur de faire ses trajets habituels et de parcourir les mêmes distances que d’habitude. On constate alors qu’il aura tendance à prendre plus souvent sa voiture, et à faire plus de kilomètres. Les économies d’énergie ne sont donc pas aussi importantes qu’estimées et espérées. L’effet rebond est donc un pourcentage, celui qui représente la différence entre les économies d’énergies estimées et les économies réelles. Reprenons l’exemple de la voiture : imaginons un conducteur qui parcourt 50 km par jour et qui possède un véhicule consommant 10 litres/100km. En voulant réduire sa consommation d’essence, il change de véhicule et opte pour un modèle qui consomme 5l/100km. S’il continuait à faire 50 km par jour, il diminuerait sa consommation de 50%, et l’effet rebond serait de 0%. Cependant, différentes études ont montré l’existence d’un effet rebond d’environ 30%, ce qui signifie que notre conducteur parcourt désormais en moyenne 65 km par jour. Sa consommation n’a donc réduit que de 35% au lieu de 50%.
Un exemple dans les logements est l’effet rebond qui survient suite à l’amélioration de l’efficacité énergétique d’un système de chauffage. Suite à cette rénovation, l’habitant consommera moins d’énergie, et paiera donc moins cher pour chauffer son logement à 19°C, température qu’il maintenait avant la rénovation. Mais au vu des économies d’argent réalisées, l’habitant pourra profiter de ce prix réduit pour augmenter son confort thermique et chauffer dorénavant son logement à 21°C, réduisant ainsi les économies d’énergie prévues .
Khazzoom détaille un effet rebond qui dépasse 100%, appelé « backfire », traduit retour de flamme. Dans ce cas de figure, l’augmentation de la demande pour un service énergétique dépasse le niveau de demande avant son amélioration, tant l’effet rebond est important. Cette observation soulève l’aspect contre-productif de certaines améliorations énergétiques.
On distingue trois types d’effets rebonds : l’effet rebond direct, l’effet rebond indirect, et l’effet rebond à l’échelle de l’économie. Ils seront détaillés dans la cadre théorique des sciences économiques.
Dans le contexte actuel de réchauffement climatique et d’amenuisement des ressources énergétiques, l’identification de l’effet rebond et sa prise en compte lors des estimations de dépenses énergétiques sont des paramètres essentiels qui doivent être pris en compte pour parvenir à une réelle efficacité.
Économique
La grande majorité des études sur l’effet rebond sont réalisées dans le domaine des sciences économiques. Ce monopole nous complique la tâche de compréhension de toutes les informations, notamment au niveau de la méthodologie, des méthodes de calcul, ou du traitement des données. Heureusement, leur nombre important permet une sélection plus claire.
Le premier usage de l’expression « effet rebond » remonte à 1865, avec William Stanley Jevons, un économiste anglais. « Le paradoxe de Jevons » est d’ailleurs une autre expression désignant le phénomène rebond en économie. C’est seulement plus d’un siècle plus tard qu’un nouvel intérêt est apporté à l’effet rebond. Greening et al. détaillent, comme amorcé plus tôt, trois types d’effets rebonds, qui sont basés sur le même principe de réponse comportementale suite à l’amélioration technique d’un service énergétique.
Premièrement, l’effet rebond direct – celui que nous avons choisi d’étudier le plus en profondeur dans ce travail, représente l’augmentation de l’utilisation d’un service énergétique suite à la baisse du coût de celui-ci, comme dans les exemples précédents.
En second lieu, l’effet rebond indirect : il représente l’augmentation de la demande d’autres services énergétiques, suite à la baisse du coût d’un service. Par exemple, un habitant qui a économisé de l’argent en isolant les murs de son logement pourra désormais se permettre de voyager plus fréquemment en avion, ou de prendre plus souvent sa voiture.
Enfin, l’effet rebond à l’échelle de l’économie, le plus difficile à estimer, mais également celui le plus important à long terme . Il représente l’augmentation de la demande de biens qui consomment de l’énergie suite à l’amélioration de la performance de ce même bien, ou une amélioration de sa fabrication industrielle. A cause de l’effet rebond à l’échelle de l’économie, on assiste à un développement continuel de nouveaux produits et services électriques. Herring détaille « l’éclairage électrique dans les années 1900, la réfrigération domestique dans les années 1930, la télévision dans les années 1950, les micro-ondes et l’audiovisuel dans les années 1980, les ordinateurs et le réseau Internet dans les années 1990, la télévision numérique et le cinéma à domicile au début du 21e siècle, ce qui a entraîné une augmentation historique de la consommation d’énergie ». À notre époque, on peut prendre l’exemple des smartphones, dont chaque génération propose des modèles de batteries de plus en plus performants. Mais étant donné les fonctionnalités et applications de plus en plus gourmandes en énergie, les smartphones consomment toujours aussi rapidement leur batterie, et doivent être rechargés régulièrement.
Social et anthropologique
Comme observé tout au long de ce travail, l’aspect comportemental a un rôle essentiel dans la détermination de l’effet rebond, et l’une des clés de compréhension de cet aspect passe par le point de vue social et anthropologique. Ces points de vue ont pour référence principale l’ouvrage de Marie-Christine Zélem, « Économies d’énergie : le bâtiment confronté à ses occupants ». Elle y explique que l’idée de transition énergétique est très techno-centrée, comme si les améliorations techniques à elles seules pouvaient suffire à réduire suffisamment la consommation globale d’énergie. La différence entre les estimations et la réalité s’explique par une incompatibilité de certaines logiques : « […] les technologies sont porteuses de logiques (en termes d’efficacité, de robustesse, de connectivité…) qui ne sont pas nécessairement compatibles avec les logiques sociales (identitaires, distinctives, sanitaires, économiques, écologiques…). Elles reposent sur des conceptions standardisées des pratiques sociales qui renvoient à des normes techniques (comme celle du 19 °C dans les logements ou celle du 50 kwh.m2/an pour le bâtiment neuf), que le modèle constructif tend à imposer contre les normes sociales en matière de confort thermique (comme celle de chauffer à 21 ou 22 degrés), contre les aspirations sociales (vivre dans un logement climatisé, par exemple) ou contre les habitudes (se couvrir ou non, chez soi (pantoufles, gilet…), programmer ou non (différencier le confort de jour de celui de la nuit), aérer longtemps ou pas du tout, contrôler ses factures ou non…). Cette mise en concurrence entre dispositifs techniques et cet ensemble d’attitudes constitutives du « comportement énergétique» explique en grande partie la difficulté des habitants à s’approprier ce projet de sobriété pensé en dehors d’eux ».
Zélem rajoute à cela la complexification continue de la technologie, au langage parfois hermétique, qui a tendance à déresponsabiliser et déposséder les usagers de la maîtrise de leur logement et de ses propriétés. Cette confusion décourage encore plus l’usager à utiliser au mieux la performance de son bâtiment.
Pour illustrer la diversité sociale des individus par rapport à la notion de confort, elle les classe en catégories. Notons que ces catégories ne sont pas totalement rigides, et que les individus peuvent se retrouver dans plusieurs catégories ou entre deux catégories. Ce classement met bien en évidence la difficulté de calculer de manière uniforme la consommation d’énergie de tous les logements, tant la diversité de comportements est importante. Zélem distingue les éco-sceptiques, les éco essentiels, les écoresponsables et les technophiles.
– Les éco-sceptiques : ce sont de grands consommateurs d’énergie, accordent beaucoup d’importance à l’image qu’ils renvoient par leur niveau de vie et par leur niveau de confort.
– Les éco-essentiels : ce sont des consommateurs plus modestes, leur consommation est limitée pour des raisons budgétaires.
– Les écoresponsables : leur consommation modérée est guidée par un ensemble de valeurs humanistes ou environnementalistes.
– Les technophiles : ils sont plus intéressés par l’aspect technologique, l’aspect connecté. Leur consommation varie en fonction de la balance entre leur goût pour la technologie et leur éthique environnementale.
1) Introduction |