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Modèles neurobiologiques
D’un point de vue neurobiologique, le modèle de Wernicke-Lichtheim-Geschwind issu de données anatomo-cliniques, a posé les bases des connaissances neuroscientifiques du langage. D’après ce modèle, le langage serait traité par les régions périsylviennes gauches, l’aire de Broca contrôlant la production du langage, l’aire de Wernicke assurant sa compréhension et les deux aires communicant via le faisceau arqué. Bien que l’implication de ces régions ne soit pas remise en question, leur exclusivité a été relativisée par les données issues de la neuroimagerie. Pourtant, peu d’autres modèles ont été proposés depuis.
Dans la mesure où peu de modèles de discours existent, les revues de la littérature constituent un autre moyen de modéliser les réseaux en jeu de l’activité de production discursive. Les travaux de Indefrey par exemple (notamment sa revue de 2011), visent à décrire les régions impliquée dans les différentes étapes de la production lexicale proposée par le modèle de Levelt. Il décrit également le décours temporel de ces activations, du niveau conceptuel à l’articulation. Cependant, les régions associées à chaque étape ne concernent que la production de mots isolés. La revue de Price (2009) permet de rendre compte du vaste réseau impliqué dans l’activité de compréhension et production langagière. Price reprend également les étapes principales de l’activité de production décrite par Levelt (1999) afin d’y apporter des renseignements sur les régions cérébrales impliquées. Elle se base sur des tâches diverses, menées en IRMf uniquement. Ainsi, le niveau conceptuel nécessiterait l’implication de sept régions sémantiques amodales de l’hémisphère gauche : gyrus frontal inférieur et frontal médian, lobule pariétal inférieur, gyrus temporal moyen, gyrus fusiforme, gyrus parahippocampique, gyrus cingulaire postérieur. La récupération lexicale solliciterait principalement le cortex frontal inférieur et médian gauche (BA44 et BA45). L’articulation en revanche activerait bilatéralement des aires motrices et prémotrices, les gyri temporaux supérieurs, supramarginaux, temporaux-pariétaux, les parties antérieures de l’insula ainsi que le putamen gauche. Par ailleurs, l’articulation linguistique en comparaison à d’autres mouvements vocaux se caractériserait par une implication du cortex cingulaire antérieur. Le monitorage de l’activité langagière visant à limiter les erreurs de production se ferait sous contrôle du gyrus supramarginal (BA40) et du planum temporale (BA42).
Enfin, la revue de Demonet, Thierry, & Cardebat (2005) décrit également les résultats apportés par plusieurs techniques de neuroimagerie sur différentes tâches linguistiques (de la production lexicale au discours, à l’oral et à l’écrit). Cet article apporte toutefois des éléments d’informations supplémentaires (i.e. mise en lien des résultats avec les techniques utilisées) et insiste davantage sur l’organisation en réseau de l’architecture cérébrale, ce qui expose une vue moins « statique » des résultats. De plus, il souligne les limites d’une vision normalisée apportée par la majorité des études et revient sur les éléments de variabilité à prendre en compte, chez les participants tout-venant ou lors de pathologies. Ce dernier point passe également par une prise en compte d’autres fonctions cognitives participant à un réseau du langage, notamment la mémoire de travail ou la mémoire déclarative. Les quelques modèles existant se basent d’ailleurs sur l’implication d’un large réseau, qui ne peut être exclusivement linguistique.
Un modèle permet particulièrement d’illustrer la dynamique du langage bien au-delà de la simple production de mots: le modèle MUC (Memory, Unification, Control). Ce dernier a été proposé par Hagoort (2005 ; 2013) et vise à rendre compte de l’étendue du réseau langagier au-delà de l’aire de Broca et du modèle localisationniste classique (Figure 2). Trois composantes sont essentielles, tant pour la production que la compréhension du langage. La composante « Memory » se réfère à l’ensemble du savoir linguistique acquis au cours de la vie et stocké dans les structures temporales externes, mais également à la récupération de ces informations. La composante « Unification » correspond à la combinaison des éléments linguistiques acquis, dans différents contextes linguistiques et sociaux. La composante « Control » renvoie au control exécutif et attentionnel nécessaire à l’activité langagière, selon les aspects pragmatiques et sociaux de l’interaction verbale. Ce modèle envisage donc le langage en lien avec les autres domaines cognitifs, au sein d’un réseau largement distribué (régions temporales, pariétales et frontales). Il s’attache à la communication plus qu’à la production et compréhension verbale.
L’ensemble des données présentées ici apporte donc des connaissances sur la production du langage et les processus de communication de manière générale mais n’est pas propre à la production d’un discours. Cette activité étant complexe et composite, il semble difficile d’en extraire un substrat cognitif et cérébral propre. Le discours nécessite l’intégration d’aspects linguistiques et extra-linguistiques, comme mentionné dans le modèle MUC et comme nous le décrirons dans la suite de ce chapitre. Par ailleurs, le discours se compose de différents niveaux d’intégration. Au niveau le plus général il se scinde en un niveau microlinguistique et un niveau macrolinguistique. La microlinguistique concerne les phénomènes internes à la phrase tandis que la macrolinguistique considère tout ce qui est au-delà de la phrase, ce qui est nécessaire et constitutif de l’idée même de discours. Ces deux niveaux regroupent donc des phénomènes et processus très divers, que nous allons décrire à présent. Ils seront ensuite décrits en référence aux autres fonctions cognitives impliquées dans l’activité discursive.
Macrolinguistique du discours
Le discours nécessite des processus permettant de créer son sens et d’exister en tant que tel, c’est à dire au-delà de la phrase. Un discours doit donc respecter une organisation macrolinguistique. Ces aspects concernent la sélection d’un contenu sémantique adapté au thème et au contexte de discours ainsi que les aspects pragmatiques du langage. La macrolinguistique du discours dépend de facteurs à la fois linguistiques et extra-linguistiques. D’un point de vue formel, elle concerne la cohérence, la cohésion et l’informativité du discours. Ces notions ne sont actuellement pas strictement définies dans la littérature et il existe un flou notionnel sur les limites conceptuelles de chacune d’elles.
Théories fondatrices de la macrolinguistique du discours
Bien que la définition du discours ne fasse pas consensus, il est admis qu’il « n’est pas qu’une simple suite d’énoncés posés les uns à côté des autres » (Charolles, 1995; p.125) et que son but ultime vise la transmission d’informations de manière efficace (Marini & Urgesi, 2012). Aussi, les questionnements liés à la communication et la transmission d’information ont débuté il y a longtemps. Par exemple, d’après la théorie de Grice (1975), le succès d’un acte de communication que constitue le discours est lié à des « lois du discours ». En principe, le locuteur doit respecter 4 types de contraintes appelées maximes conversationnelles :
– Maxime de quantité : l’énoncé doit contenir l’ensemble des informations nécessaires à une bonne compréhension, c’est à dire ni plus, ni moins d’éléments.
– Maxime de qualité : le locuteur doit veiller à la qualité et à la véracité de l’information transmise.
– Maxime de pertinence : l’énoncé doit être adapté au contexte, et présenter un intérêt pour l’interlocuteur.
– Maxime de manière : l’énoncé doit être clair, c’est à dire construit sans ambiguïtés, de manière ordonnée et brève.
L’acte de communication est considéré comme un acte de coopération : l’ensemble des interlocuteurs est actif et participe à l’échange verbal et à son interprétation. La coopération -et donc la réussite de la communication- peut passer tant par le respect de ces règles que par leur violation ostensive, à travers des processus inférentiels.
Sperber et Wilson (1986), placent une importance particulière sur la maxime de pertinence pour étudier le système de communication. Au sein de leur théorie de la pertinence, ils s’intéressent aux processus inférentiels d’interprétation mis en œuvre par l’interlocuteur. Face à un énoncé, l’interlocuteur doit fournir deux types de processus: linguistiques/codiques (liés à la structure phonologique, syntaxique etc. de l’énoncé) et pragmatiques/inférentiels. Cette hypothèse postule donc que des processus inférentiels viennent compléter l’analyse du code linguistique pour permettre une interprétation complète de la situation. Un énoncé est pertinent lorsque le processus inférentiel d’interprétation aboutit et que les efforts fournis pour l’interprétation sont minimisés. Autrement dit, moins un énoncé demande d’efforts pour être interprété, plus il est pertinent.
D’après Charolles (1995), étudier la cohérence d’un discours revient à étudier sa pertinence. Ce parallèle tient au fait que la cohérence linguistique est ici envisagée sur le versant réceptif : elle est perçue comme l’habileté de l’interlocuteur à interpréter le sens de ce qui est évoqué par le locuteur. La majeure partie de la littérature s’attache en effet à étudier les aspects macrolinguistiques du discours sur leur versant réceptif, ceux-ci étant constitutifs même de la notion de discours. Néanmoins, bien qu’un locuteur ne soit cohérent et informatif qu’au regard de son audience (autrement dit, si le message est interprété comme souhaité), il n’est pas extérieur au processus de construction macrolinguistique. D’un point de vue expressif, la cohérence réfère à la capacité du locuteur à maintenir un but et une unité dans le discours, sur le plan global, local et thématique (Agar & Hobbs, 1982). Autrement dit, la cohérence est à la fois une intention de la part du locuteur et un processus de construction de la part de l’interlocuteur.
Une distinction entre cohérence globale et cohérence locale a été proposée par Kintsch et van Dijk (1978). Cette distinction a été faite au sein d’un modèle de la compréhension de texte. C’est par cette distinction qu’ils proposent leur définition de la cohérence: « A discourse is coherent only if its respective sentences and propositions are connected, and if these propositions are organized globally at the macrostructure level » (p. 365). Dans leur modèle de 1983, une distinction supplémentaire est effectuée afin de préciser le processus de compréhension d’un texte. Les informations seraient tirées de la « base du texte » (i.e. le contenu du texte) auxquelles s’intègrent des informations issues des connaissances sémantiques et épisodiques antérieures. Cela permettrait l’élaboration d’un modèle de situation du texte, qui est une représentation cognitive de ce qui est évoqué par le texte. Cette élaboration passe par la construction de liens de cohérence. La cohérence locale représente la construction de liens vis à vis du contenu précédent. La cohérence globale implique des liens entre des unités non-adjacentes, elle comprend également l’activation de connaissances antérieures.
Cette distinction locale/globale était également mentionnée par Halliday & Hasan (1976), pour qui un discours est cohérent à deux niveaux : par rapport à la situation et par rapport à lui-même. Ils ont été les premiers à établir les marqueurs formels de cohérence. Ces marqueurs correspondent à la cohésion du discours, c’est à dire des indicateurs de surface intra ou inter-phrastiques, permettant de créer les liens sémantiques. Ils distinguent principalement cinq types de moyens cohésifs, ayant pour but de guider l’interprétation à donner au texte et la construction du modèle de situation. Ces moyens recouvrent des phénomènes linguistiques très divers, et chacun peut être distingué en différentes sous-catégories:
– les marqueurs référentiels permettent de lier deux éléments qui se réfèrent à une même entité: « Les enfants sont sortis. Ils jouent dans le jardin. »
– les marqueurs lexicaux, lorsque l’information est maintenue par une autre forme lexicale : « J’ai retrouvé le premier livre d’Oliver Sacks. Le bouquin est génial ».
– la substitution est le remplacement de l’entité dans une construction nominale ou verbale : « Il n’y a plus de café, il faut en acheter » ; « Est-ce qu’il a pris sa décision ? Je crois qu’il l’a fait ».
– l’ellipse permet de substituer totalement l’élément sans enfreindre la cohésion :
« Jeanne a acheté des nouvelles chaussures et Sébastien [a acheté] une veste »
– les connecteurs : « Les enfants sont sortis mais ils ne sont pas loin. »
En résumé, l’intérêt pour l’informativité et la cohérence du discours existe depuis longtemps mais n’était pas envisagée comme faisant partie de la linguistique. En effet, les auteurs princeps appartenaient au domaine de la psychologie, de l’anthropologie ou de la philosophie. De plus, les questionnements initiaux étaient basés sur la communication, ce qui n’implique pas uniquement le versant expressif du discours. Depuis, l’intérêt pour ce domaine d’étude a continué à se développer majoritairement sur le versant réceptif.
Mesures de la macrolinguistique du discours
Les mesures de la macrolinguistique du discours portent donc sur des aspects de cohérence globale, cohérence locale ou cohésion. Il convient toutefois de noter que des énoncés peuvent être cohérents sans marques de cohésion, notamment quand les savoirs partagés par les deux locuteurs sont suffisamment importants. A l’inverse, ils peuvent rester incohérents par une utilisation inappropriée de ces marqueurs. Ainsi, certains auteurs choisissent de se baser sur des marques concrètes tandis que d’autres préfèrent utiliser des cotations générales. Deux types d’analyses sont donc menées dans la littérature actuelle: d’après une prise en compte des marqueurs ou non.
Les auteurs ne prenant pas en compte de marqueurs formels s’intéressent à la cohérence locale et globale d’après un score, telle la mesure sur cinq points proposée par Glosser & Deser (1991). Ces scores de cohérence globale sont attribués par la façon dont les énoncés sont liés au sujet du discours et les scores de cohérence locale d’après la façon dont un énoncé est lié au précédent. D’autres auteurs s’attachent à des marqueurs de cohérence concrets, et s’intéressent majoritairement aux erreurs. Marini et al. (2005; 2012) par exemple, mesurent un taux d’erreurs de cohérence locale et un pourcentage d’erreurs de cohérence globale. Les erreurs de cohérence locale regroupent les ambiguïtés référentielles et les changements de sujet tandis que les erreurs de cohérence globale concernent les énoncés hors-sujet, les répétitions de propositions et les modalisations. Concernant les marques de cohésion, les auteurs suivent en partie la typologie proposée par Halliday et Hasan (1976), sélectionnant généralement une partie des marqueurs proposés par les auteurs.
Au-delà des notions de cohérence et cohésion, différents auteurs ont pris en compte l’informativité du discours. Cette notion ne trouve pas de définition consensuelle dans la littérature et les indicateurs utilisés par les auteurs sont divers. Nicholas & Brookshire (1993) ont été les premiers à s’intéresser à cette question, afin de prendre en considération les capacités de communication des patients aphasiques et non les aspects microlinguistiques. Pour cela, ils ont établi une taxonomie de cotation précise, comptabilisant les « Correct Information Units ». C’est unités correspondent à des mots adaptés, pertinents et informatifs par rapport au stimulus. Autrement dit, cela correspond aux items pouvant être pris en compte dans la comptabilisation en nombre de mots des discours produits. Similairement, Marini et Ugesi (2012), ont mesuré des unités appelées « Lexical Information Units », qui correspondent à des mots phonologiquement corrects et adaptés au contexte syntaxique et pragmatique. Les deux mesures énoncées donnent donc un indice d’informativité lexicale. Marini et collaborateur précisent d’ailleurs que les hésitations, répétitions, énoncés tangentiels, paraphasies constituent les phénomènes exclus de cette mesure.
Ce type d’indice ne traduit donc pas l’importance relative des différentes unités, ni les idées omises par les locuteurs. De ce fait, d’autres auteurs se sont intéressés à des unités plus grandes que le mot. Capilouto et al. 2005, ont réalisé une analyse de « Main Events », soit des informations considérées comme essentielles à l’histoire en jeu, par différents juges indépendants. Croisile et al. 1996, ont mesuré des « Information Units », correspondant également à des items jugés essentiels à l’histoire étudiée, d’après des travaux précédemment menés sur ce même support narratif (The Cookie Theft Picture; Goodglass et Kaplan, 1972). Il en ressort ainsi 23 informations essentielles à citer portant sur : les personnages (i.e. le garçon, la fille, la mère) ; les lieux (i.e. la cuisine, l’extérieur), les objets (onze objets à mentionner) et les actions (sept actions essentielles).
Substrats cognitifs et cérébraux
La macrolinguistique passe donc par une intégration d’aspects linguistiques auxquels se greffent d’autres processus plus généraux permettant d’organiser le discours. De ce fait, les notions de cohérence, cohésion et informativité sont moins formalisables et tangibles que les aspects microlinguistiques décrits dans la section suivante. Peu d’études se sont donc attachées à étudier les substrats cognitifs et cérébraux sous-jacents et les informations viennent en grande partie d’études portant sur des patients atteints de divers troubles neurologiques. De plus, la très grande majorité des travaux porte sur la compréhension des aspects macrolinguistiques du discours et non leur production.
Les troubles macrolinguistiques du discours ne sont pas spécifiques d’une pathologie. Ils ont au contraire des origines étiologiques et physiopathologies très variées. Comme mentionné par Stemmer (2008), il semblerait que le seul dénominateur commun soit une altération des lobes frontaux. Ainsi, des difficultés de la pragmatique du discours peuvent être liées à un trouble de la théorie de l’esprit, de la cognition sociale, des conduites affectives ou une altération des fonctions exécutives (pour une revue, voir Stemmer, 2008). De plus, les difficultés touchent tant la compréhension que la production du discours.
L’essor de la neuroimagerie a permis d’apporter davantage d’éléments d’informations, notamment sur le versant réceptif, plus facilement analysable. Dans une revue de la littérature, Ferstl (2010) a rassemblé les données de neuroimagerie existant sur la compréhension du langage en contexte. L’ensemble des travaux supporte l’idée d’un « réseau du langage étendu » (« extended language network ») pour traiter des processus de compréhension au niveau discursif. Par exemple, la cohésion d’un discours, et notamment la capacité à saisir les marqueurs référentiels seraient dépendants des lobes temporaux antérieurs. La capacité à établir des inférences au cours du texte afin d’en extraire une cohérence impliquerait fortement le cortex préfrontal médian. Enfin, la construction d’un modèle de situation dépendrait de l’implication du cortex cingulaire postérieur et du précuneus. D’après cette même revue, certaines études, mais pas toutes, soulignent une implication du gyrus frontal inférieur et un rôle accru de l’hémisphère droit pour traiter du niveau texte/discours. Cette revue va dans le sens des données issues des études portant sur la pathologie. En effet, les difficultés touchant la macrolinguistique du discours ont initialement et principalement été menées auprès de patients atteints de lésions préfrontales ou touchant l’hémisphère droit, pour qui les troubles sont très marqués (Ash et al., 2006; Myers, 2005). Elle va également dans le mêmes sens que les données initialement rapportées par Démonet et collaborateurs (2005) dans leur revue.
L’étude de Xu, Kemeny, Park, Frattali, & Braun (2005), menée en IRMf illustre bien la notion de « réseau du langage étendu » et les aspects extralinguistiques liés à la compréhension du discours. En effet, en contrastant une tâche portant sur des mots isolés, sur des phrases et sur un texte, les auteurs ont pu constater un recrutement progressif d’aires extrasylviennes, parmi lesquelles le cortex préfrontal médian et le cortex cingulaire postérieur/précunéus pour la compréhension d’un discours narratif.
Le rôle de l’hémisphère droit ne serait pas immédiat mais apparaitrait progressivement au cours de la compréhension du discours, lorsque de nombreux éléments mentionnés doivent être cumulés et assemblés.
Bien que les résultats concernent exclusivement le versant réceptif, il paraît plausible que le versant expressif dépende en partie des mêmes substrats cérébraux. En effet, lors de la production d’un discours narratif, qu’il soit sur support imagé ou basé sur des événements vécus, le niveau macrolinguistique dépend également des aspects de compréhension. Tant les références, que les inférences et l’ensemble des informations verbalisées dépendent, en amont, de la bonne compréhension de la situation évoquée. Par ailleurs, une étude en TEP-H20 a spécifiquement contrasté la production et la compréhension d’un discours (Awad, Warren, Scott, Turkheimer, & Wise, 2007). Ces deux activités semblent soutenues par un réseau commun. Notamment, les lobes temporaux antérieurs se trouveraient activés tant dans la compréhension que la production d’un discours, en comparaison à la production de chiffres ou la compréhension de sons. Cela souligne leur rôle dans la sémantique au-delà d’un niveau purement lexico-sémantique. Similairement, les deux situations de discours impliquaient le cortex préfrontal médian, qui servirait les processus exécutifs et mnésiques du langage. Des régions plus postérieures (e.g. cortex cingulaire postérieur) se trouvaient également actives dans les deux conditions.
À notre connaissance, une seule étude s’est spécifiquement attachée aux substrats neuronaux des aspects macrolinguistiques lors de la production d’un discours de participants tout-venants, mais d’après un paradigme « lesion-like ». Marini et Urgesi, 2012, par une étude en rTMS, ont pu souligner que le gyrus frontal inférieur gauche était impliqué dans l’informativité du discours et la production de Lexical Information Units.
Microlinguistique du discours
Dans l’analyse du discours, la microlinguistique concerne les éléments internes à la phrase. Elle s’attache donc à la façon dont les phonèmes s’organisent pour créer des unités de sens, qui à leur tour se combinent en un contexte syntaxique approprié. En d’autres termes, elle traite des aspects phonologiques, lexico-sémantiques et syntaxiques du discours. Dans ce travail la microlinguistique sera analysée à travers les phénomènes de disfluence et les pauses.
Les phénomènes de disfluences
Les disfluences se manifestent de façon très courante lors de la production orale. Fox Tree (1995) estime en moyenne 6 disfluences tous les 100 mots et les définit comme des phénomènes qui interrompent le flot de parole et n’ajoutent pas de contenu propositionnel à un énoncé. L’ensemble des auteurs s’attachant aux disfluences s’accorde sur le fait qu’il existe une confusion liée à ce champ d’étude, dans la mesure où il n’existe pas d’harmonisation dans la terminologie et les phénomènes pris en compte. Lickley (2015) apporte une revue de la littérature concernant l’étude de la fluence. Il souligne tout d’abord le fait que le terme de fluence peut refléter différents champs d’étude: acquisition d’une langue seconde, bégaiement, production « typique », production pathologique, épreuves de fluence verbale etc. En situation de production verbale, telle qu’en discours, ce terme reste multidimensionnel car l’altération peut survenir à différents niveaux de la production (de la planification du message jusqu’à son articulation). Elle peut également être causée par d’autres facteurs cognitifs ainsi que par des facteurs situationnels.
Table des matières
Introduction générale
I LE DISCOURS
I.1 ELEMENTS DE DEFINITION
I.1.1 Modèles psycholinguistiques
I.1.2 Modèles neurobiologiques
I.2 MACROLINGUISTIQUE DU DISCOURS
I.2.1 Théories fondatrices de la macrolinguistique du discours
I.2.2 Mesures de la macrolinguistique du discours
I.2.3 Substrats cognitifs et cérébraux
I.3 MICROLINGUISTIQUE DU DISCOURS
I.3.1 Les phénomènes de disfluences
I.3.2 Différents types de phénomènes
I.3.3 Fonction des disfluences
I.3.4 Le caractère particulier des pauses
I.4 DISCOURS ET FONCTIONS EXTRALINGUISTIQUES
I.4.1 Mémoire déclarative
I.4.2 Fonctions exécutives
II LE VIEILLISSEMENT TYPIQUE ET LA MALADIE D’ALZHEIMER
II.1 VIEILLISSEMENT COGNITIF ET CEREBRAL TYPIQUE
II.1.1 Vieillissement des différentes fonctions cognitives
II.1.2 Vieillissement et mécanismes compensatoires
II.1.3 Le langage au cours du vieillissement typique
II.2 MALADIE D’ALZHEIMER
II.2.1 La maladie d’Alzheimer en 2017
II.2.2 Altération cognitives de la Maladie d’Alzheimer typique
II.2.3 Langage et Maladie d’Alzheimer
III LE DISCOURS AU COURS DU VIEILLISSEMENT TYPIQUE ET DANS LA MALADIE D’ALZHEIMER : REVUE DE LA LITTERATURE
III.1 NIVEAU MACROLINGUISTIQUE DU DISCOURS
III.1.1 Macrolinguistique du discours au cours du vieillissement typique
III.1.2 Macrolinguistique du discours dans la Maladie d’Alzheimer
III.2 NIVEAU MICROLINGUISTIQUE DU DISCOURS
III.2.1 Microlinguistique du discours au cours du vieillissement typique
III.2.2 Microlinguistique du discours dans la Maladie d’Alzheimer
IV PROBLEMATIQUE ET OBJECTIFS DE LA THESE
IV.1 PROBLEMATIQUE DE LA THESE
IV.2 PRESENTATION DES ETUDES DE LA THESE
IV.3 HYPOTHESES
PARTIE EXPERIMENTALE
V METHODOLOGIE DE L’ANALYSE DU DISCOURS
V.1 ANALYSES DISCURSIVES DU NIVEAU MACROLINGUISTIQUE
V.1.1 Informativité du discours
V.1.2 Cohérence globale du discours
V.1.3 Cohérence locale et cohésion du discours
V.2 ANALYSES DISCURSIVES DU NIVEAU MICROLINGUISTIQUE
V.2.1 Les phénomènes de disfluences
V.2.2 Les pauses
V.3 ANALYSES STATISTIQUES
VI ETUDE 1 : PROTOCOLE EPITOUL – ANALYSE D’UN DISCOURS AUTOBIOGRAPHIQUE
VI.1 DESCRIPTION DU PROTOCOLE EPITOUL
VI.1.1 Sélection des participants
VI.1.2 Déroulement de l’étude
VI.1.3 Analyses statistiques
VI.2 RESULTATS DE L’ETUDE EPITOUL
VI.2.1 Caractérisation de la population
VI.2.2 Analyse macrolinguistique du protocole Epitoul
VI.2.3 Analyse microlinguistique du protocole Epitoul : les disfluences
VI.2.4 Analyse microlinguistique du protocole Epitoul : les pauses
VI.3 SYNTHESE DE L’ETUDE EPITOUL
VII ETUDE 2: PROTOCOLE LOQUACE 2.0 – MISE EN LIEN D’UN DISCOURS A BASE MNESIQUE ET D’UN DISCOURS SUR SUPPORT IMAGE DANS LE VIEILLISSEMENT TYPIQUE ET LA MA
VII.1 DESCRIPTION DU PROTOCOLE
VII.1.1 Sélection des participants
VII.1.2 Déroulement de l’étude
VII.1.3 Analyses préliminaires et choix méthodologiques
VII.1.4 Analyses statistiques
VII.2 CARACTERISATION DE LA POPULATION
VII.2.1 Méthodes
VII.2.2 Résultats
VII.2.3 Synthèse
VII.3 DISCOURS A BASE EPISODIQUE
VII.3.1 Analyse macrolinguistique du discours épisodique
VII.3.2 Microlinguistique du discours épisodique: les disfluences
VII.3.3 Microlinguistique du discours épisodique: les pauses
VII.3.4 Synthèse de l’analyse du discours épisodique
VII.4 DISCOURS SUR SUPPORT IMAGE
VII.4.1 La macrolinguistique du discours comme marqueur d’atteinte linguistique et exécutive dans la MA
VII.4.2 Microlinguistique du discours sur support imagé: les disfluences
VII.4.3 Microlinguistique du discours sur support imagé: les pauses
VII.4.4 Synthèse de l’analyse du discours sur support imagé
VII.5 COMPARAISON DES DEUX TYPES DE DISCOURS
VII.5.1 Introduction et hypothèses
VII.5.2 Méthodes
VII.5.3 Résultats
VII.6 SYNTHESE ET DISCUSSION DE L’ETUDE LOQUACE 2.0
VIII ETUDE 3: LOQUACE – ETUDE DU DISCOURS NARRATIF DANS LE VIEILLISSEMENT TYPIQUE ET VARIABILITE INTER-INDIVIDUELLE
IX DISCUSSION GENERALE
IX.1 RESULTATS PRINCIPAUX
IX.1.1 Analyse macrolinguistique du discours
IX.1.2 Microlinguistique du discours – disfluences
IX.1.3 Microlinguistique du discours – pauses
IX.1.4 Résumé des résultats
IX.2 OU SE CACHENT LES MANQUES DU MOT ?
IX.3 LA QUESTION DES PAUSES
IX.4 QUID DE LA VARIABILITE ET DE LA NORMALITE ?
IX.5 LIMITES
Conclusions et perspectives
Références
Figures
Tableaux
Annexes
Résumé