Le vécu du stage du Diplôme de Formation Médicale Spécialisée en Psychiatrie

Le vécu du stage du Diplôme de Formation
Médicale Spécialisée en Psychiatrie

Dans le but d’élargir les horizons de leur savoir, les étudiants des universités ont à un certain moment de leur cursus, tendance à aller vers d’autres contrées poursuivre leurs études. La demande de plus en plus grande dans ce domaine a amené plusieurs universités à développer de véritables programmes d’accueil des étudiants étrangers [1]. Sur le plan historique, en Europe, les phénomènes de « migration estudiantine » peuvent être déclinés en 04 temps [2] : – D’abord le temps des « voyageurs passionnés d’autrefois », en quête de savoir, temps auquel a appartenu le savant de la renaissance ERASME, qui naquit à Rotterdam en Hollande, étudia à Paris en France et Oxford en Angleterre, enseigna le Grec à Cambridge et mourut à Bâle en Suisse. – Puis, le milieu du XIXè siècle, qui est le temps de l’élite culturelle et scientifique Européenne qui opte pour des voyages d’étude. – Ensuite, le temps de l’après-guerre, où les universités du nord font face à une demande croissante des pays du Sud pour former leurs cadres nationaux. – Enfin, les années ’80 où la mondialisation du marché de la formation a considérablement modifié les pratiques, mettant les pays occidentaux en compétition pour attirer vers eux les meilleurs étudiants. En Afrique sub-saharienne, l’apprentissage loin de sa famille d’origine est présent dans la culture depuis bien longtemps. Ainsi, l’éducation de l’enfant incombe depuis la nuit des temps à tout son groupe culturel et non à ses seuls parents. Le père et la mère biologiques afin de parfaire l’éducation de leur enfant, l’envoient à certains moments auprès d’autres familles; celles-ci, profitant de la distance affective d’avec l’enfant entretiendront une éducation plus ferme. Sur un plan plus national, les états africains après les indépendances entretiennent entre eux et avec les anciennes puissances coloniales, des relations de partenariat de formation pour les futurs cadres de leurs administrations.Tous ces facteurs contribuent à motiver les étudiants Africains à continuer leurs études vers des universités étrangères. C’est ainsi qu’au Sénégal, les étudiants en spécialisation de médecine ont pris l’habitude avec l’autorisation des responsables de leur faculté, de postuler à des stages en Europe dans le but de compléter leur savoir. Le Sénégal en Afrique est déjà lui-même le creuset de formation de plusieurs générations de médecins venus de divers autres pays d’Afrique [4]; pourtant, le nombre d’étudiants Sénégalais désirant partir pour un stage en occident croît chaque année, au point où certains départements de spécialisation se voient obligés de limiter les possibilités d’y accéder. Pour Le vécu du stage du Diplôme de formation médicale spécialisée en psychiatrie par des étudiants africains en France Page 8 exemple, de 2008 à 2012, chaque année dans le département de psychiatrie de la faculté de médecine de Dakar, 04 à 06 étudiants ont postulé pour un stage en Europe (la moyenne d’étudiants inscrits par promotion est de 10). En 2011, 04 étudiants de 3è année (sur une promotion de 12 étudiants) ont obtenu le droit de partir pour des stages en Europe, 05 étudiants en 2012. Depuis toujours, une partie des étudiants ainsi partis en Europe ne revient pas s’installer pour travailler en Afrique, renforçant de fait de part et d’autre de la méditerranée le cliché selon lequel ces stages ne seraient qu’un prétexte à l’immigration en Europe. A Dakar en particulier, vu que la demande de départ en stage devient presque systématique chez les étudiants, vu qu’en même temps il n’ya pas de référent précis pour cette activité, certains soupçonnent que ces stages deviennent pour quelques uns l’occasion d’échapper au contrôle de l’administration de l’Université Cheikh Anta Diop. Sur un tout autre plan, à l’étudiant africain qui part, s’impose un certain travail personnel sur le plan psycho-dynamique. Travail de détachement d’avec les siens (familles, amis…) laissés en Afrique, mais aussi travail d’insertion et d’adaptation au nouveau contexte de vie et d’études dans lequel il ne lui est donné aucune période d’observation. Entre ces deux rives du détachement d’avec le passé qu’il ne peut pas oublier et de l’attachement avec le présent qui s’impose, entre une famille qui parfois pousse à s’expatrier et une Europe qu’il doit apprivoiser à la veille de l’hiver, se joue la stabilité psychique de l’étudiant qui émigre. C’est dans le but de comprendre le déroulement et le vécu du stage de psychiatrie d’étudiants africains en France que nous avons accompli ce travail.

La migration des étudiants

L’histoire de la migration estudiantine a été influencée dans le temps par la culture (des langues comme le Latin ou le Grec) et par les courants politiques et religieux qui de tout temps ont offert des espaces privilégiés aux étudiants de même bord afin qu’ils puissent bénéficier de formations adéquates. SMITH et KHAWAJA [6] citant le rapport 2010 de l’OCDE3 rapportent qu’il y avait en 2008 dans le monde plus de 3,3 millions d’étudiants dans des universités étrangères à leur pays d’origine ; la moitié d’entre eux irait dans les 05 pays que sont les Etats-Unis (19%), le Royaume-Uni (10%), l’Allemagne (7%), la France (7%) et l’Australie (7%). Analysant de près les différents flux migratoires estudiantins, LATRECHE [7] remarque que les étudiants migrants originaires des pays développés restent globalement dans ces mêmes pays, ceci s’expliquant –selon lui- par la multiplication des alliances universitaires régionales en Europe et en Amérique du Nord. D’autres facteurs interviendraient dans la détermination du choix du lieu de migration étudiante tels la géographie (mutation régionale gage de stabilité et de similitude culturelle) ou encore la langue parlée. Enquêtant chez des étudiants Africains en France et en Grèce, RAMAZANI [3] trouve essentiellement 03 motivations à leur venue : -Des motivations universitaires: Recherche d’un enseignement de qualité, prestige des universités occidentales -Des motivations économiques: Niveau de vie plus élevé, monnaie plus forte permettant des aides conséquentes aux familles restées en Afrique -Des motivations politiques: Ces dernières sont la conséquence de la faveur offerte en Afrique après les indépendances, aux intellectuels ayant suivi leur cursus universitaire dans le pays de l’ancien colonisateur. La cause de cette migration massive d’étudiants en ce début de 21è siècle est triple [7]; elle serait liée tout d’abord à la découverte de nouvelles disciplines d’enseignement non disponibles dans les pays en voie de développement, à un inégal développement scientifique entre le Nord et le Sud, enfin à une internationalisation accélérée de l’enseignement supérieur ces dernières décennies. 

Les facteurs de stress rencontrés par les étudiants migrants

Les facteurs de stress liés à la langue parlée

La langue parlée ou écrite est le 1er outil de contact entre l’étudiant et son nouveau milieu de vie. Dans les cas où la langue du pays hôte est nouvelle ou inconnue de l’étudiant, l’adaptation linguistique nécessaire sera un facteur de stress de grande importance qui agira à la fois sur les plans académique et socioculturel [8]. En effet, sur le plan académique, la barrière linguistique peut avoir un impact sur la prise de notes, la restitution des connaissances durant les examens, ou simplement les échanges avec l’enseignant ou les camarades. C’est ce que décrit KUNT [9] dans son travail avec des élèves enseignants qui étudient en langue étrangère, quant il remarque que ceux-ci décrivent dans leur vécu plus de difficultés à s’en sortir que les élèves autochtones. Sur le plan social, les difficultés linguistiques peuvent être une barrière au développement de liens sociaux [10]. C’est ainsi que LEBCIR [11] montre dans un contexte anglo-saxon que plus l’étudiant étranger s’exprime bien en Anglais, mieux il se sent inséré socialement et moins il se dit stressé au quotidien. En plus, ZHANG [12] montre dans le même contexte qu’une faible capacité d’expression en Anglais est un facteur prédictif de stress et de dépression chez l’étudiant étranger. 

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Les facteurs de stress liés aux conditions académiques 

 L’adaptation au nouvel environnement académique est surtout fonction du style d’interaction enseignant-étudiant présent dans le nouvel environnement académique, par rapport à l’ancien. SMITH décrit chez des étudiants formés dans des systèmes d’apprentissage par cœur, des difficultés d’intégration dans les universités occidentales plutôt versées au système de la pensée critique, et du débat ouvert entre le maître et l’étudiant. Le vécu du stage du Diplôme de formation médicale spécialisée en psychiatrie par des étudiants africains en France .L’autre cause de stress académique décrite dans la littérature est liée au décalage entre les attentes académiques de l’étudiant étranger et l’offre qu’apporte réellement l’Université. En Chine par exemple, NZIVO montre combien la structure de la bibliothèque de l’université de Wuhan est inadaptée aux besoins des étudiants étrangers ; ceux-ci décrient le manque de documentation adaptée, la Chine s’étant ouvert aux étudiants étrangers seulement très récemment. 

Les facteurs de stress liés aux conditions socioculturelles

S’étant éloignés de leurs familles, amis et connaissances du pays de départ, les étudiants étrangers se doivent de tisser de nouveaux liens dans leurs pays d’installation. La capacité à tolérer le détachement, et celle à atteindre le nouvel objectif d’attachement dépendront entre autres de la maîtrise de la langue et de la personnalité de l’étudiant. Dans son travail avec des migrants africains en France, BENSLAMA [15] note durant les entretiens un certain nombre d’expressions qui l’interpellent; il parle par exemple du « Je suis ici, mais pas là… » que lui brandit une patiente dans un entretien. Cette expression décrit fortement la double contrainte dans laquelle vit en permanence tout migrant; la contrainte de la présence sur le sol de son pays d’accueil, tout en restant présent (même symboliquement) au milieu des siens restés dans son pays d’origine. Pour BENSLAMA , le « ici » indique l’endroit, où se trouve le migrant, tandis que le « là » décrit un locatif absolu qui désigne une présence excédant la localisation physique et allant hors d’elle. Pour l’étudiant qui est aussi un migrant, la distance entre le «je suis ici » et le « je suis pas là » sera un facteur de grande importance pour l’équilibre psychique. Le processus d’adaptation et d’ajustement ainsi engagé dépend de plusieurs facteurs. YING , travaillant avec des étudiants Taïwanais aux Etats-Unis d’Amérique trouve que les mécanismes d’adaptation sociale à l’immigration les plus influents dans leur échantillon sont le genre (les filles s’étant mieux adaptées socialement que les garçons) et la structure de personnalité de l’étudiant. ZHANG , dans une méta-analyse de 64 études publiées entre 1990 et 2009, montre que les facteurs les plus fréquemment rapportés dans l’adaptation estudiantine à l’émigration sont le niveau de tolérance au stress, le niveau de construction des liens sociaux, la maîtrise de la langue anglaise, et surtout la personnalité de l’étudiant. Le vécu du stage du Diplôme de formation médicale spécialisée en psychiatrie par des étudiants africains en France Page 15 Ainsi, l’adaptation à son nouvel environnement n’est pas chose facile pour l’étudiant migrant [5] généralement pris entre sa vie intérieure, et la façade externe qu’il présente à la nouvelle société à laquelle il doit automatiquement s’adapter.

Les conséquences de la migration des étudiants 

Les conséquences pour le pays de départ : FALL

 [18], étudiant la question de la migration des étudiants Sénégalais, s’inquiète des pertes que ce phénomène peut générer à l’Etat du Sénégal. Il note tout d’abord que ce sont en général les meilleurs qui s’en vont par le biais des concours de bourse, bourses qui elles-mêmes coûtent « environ 3000 euros par an à l’Etat » Sénégalais pour chaque étudiant. Pour cet auteur, le problème existe quand l’étudiant s’en va définitivement ; dans le cas où il va pour revenir plus tard, FALL loue la création et le transfert des connaissances, la constitution d’une main-d’œuvre instruite, qualifiée et le développement des relations commerciales. Sur le plan économique, il souligne le soutien que peut apporter l’étudiant à sa famille par le biais des transferts d’argent. Ainsi, pour le pays d’origine de l’étudiant, nous distinguons 02 situations : -Celle bénéfique, où l’étudiant revient dans son pays d’origine à la fin de ses études -Celle peu bénéfique pour son pays d’origine, où l’étudiant formé à coup de milliers d’euros depuis son cycle primaire, va servir un pays généralement développé qui n’aura pas beaucoup investi dans sa formation . Sur un tout autre plan, dans son pays ou dans son village, l’étudiant qui part laisse comme tout migrant, un groupe familial dans l’attente. Sa place vide va, pour être comblée, demander beaucoup au reste de son système familial. Il arrive souvent que l’adaptation de ce système à son absence soit un exercice difficile 

Les conséquences pour le pays d’accueil 

Dans son pays d’accueil, l’étudiant étranger apporte souvent sa différence, sa culture et sa particulière lecture des choses. Il mobilise chez l’autochtone des parties de ce dernier, des visions toutes arrêtées qui, mises en mouvement par le jeu de l’altérité, enrichissent le pays d’accueil. Quand ses études viennent à durer trop longtemps, soit il représente pour le marché du travail du pays d’accueil une opportunité bien plus facile que l’autochtone, car très souvent en marge Le vécu du stage du Diplôme de formation médicale spécialisée en psychiatrie par des étudiants africains en France Page 16 de la loi du travail locale donc payé moins cher, soit il représente un poids pour l’administration publique, et se voit par conséquent obligé de quitter le pays d’accueil [2]. Afin donc de contrôler au mieux l’arrivée et le devenir des étudiants étrangers, la plupart des pays occidentaux dont la France ont mis en place différents types de programme nationaux [7]. Nous allons nous y intéresser.

Table des matières

DEDICACES
INTRODUCTION
METHODOLOGIE
I. Cadre de l’étude
II. Période d’étude
III. Objectifs de l’étude
1. Objectif général
2. Objectifs spécifiques
IV. Type d’étude
V. Critères d’inclusion
VI. Critères d’exclusion
VII. Recueil des données
VIII. Considérations éthiques
REVUE DE LA LITTERATURE
I. La migration des étudiants
1. Les facteurs de stress rencontrés par les étudiants migrants
2. Les conséquences de la migration des étudiants
II. Le DFMS, un programme d’accueil des étudiants étrangers en France
1. De l’AFS/AFSA au DFMS/DFMSA
2. Le DFMS et le DFMSA
RESULTATS
I. Aspects Sociodémographiques, conditions d’arrivée en France et d’insertion en stage
1. Aspects sociodémographiques
2. Conditions d’arrivée en France
3. Evaluation initiale du service de stage
II. Evaluation de l’atteinte des objectifs personnels de stage
III. Evaluation des difficultés sociales durant le stage
IV. Auto-évaluation de l’évolution de l’humeur durant le stage
DISCUSSIONS
I. A propos des aspects sociodémographiques, des conditions d’arrivée et d’installation en France
1. Les aspects sociodémographiques
2. Les conditions d’arrivée et d’installation
3. L’évaluation initiale du stage
II. A propos des objectifs de stage
III. A propos des difficultés sociales durant le stage
IV. A propos de l’évolution de l’humeur pendant le stage
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .

 

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