Le travail des directeurs, l’encadrement du changement

Le travail des directeurs, l’encadrement du changement

L’analyse des propos tenus par les directeurs départementaux du travail conduit à un recensement des critères de différenciation locale assez similaire à celui dressé par les directeurs départementaux des territoires. Au regard des analyses de différenciation locale détectée dans les propos des directeurs de l’équipement et de l’agriculture, les effets de territoire ne jouent pas forcément dans le même sens. Là où les directeurs départementaux de l’équipement et de l’agriculture préfèrent presque des rapports sociaux contestataires, les directeurs départementaux du travail s’accommodent mieux, par exemple, de ne pas avoir au sein de leurs sections les délégués syndicaux les plus actifs. Là où une région de petite taille peut favoriser le travail collaboratif des directeurs départementaux des territoires autour d’un dialogue de gestion régional, les cadres du ministère du travail soulignent parfois que l’hétérogénéité de situations dans une grande région peut faciliter leur travail dans la mesure où il peut s’agir de « diviser pour mieux régner ».  « Ici, le département est en déclin, mais on a une partie moderne avec la plate-forme logistique. Le travail y est très éclaté, peu qualifié, on y développe beaucoup les chantiers d’insertion. Les agents sont bouffés par la demande locale. Cela dépend des départements. Quelquefois ils passent leur temps à répondre à de la sollicitation individuelle. Ou alors ils sont tout le temps mobilisés par les OS pour un panneau mal placé ou un crédit d’heures qui ne va pas…et pendant ce temps-là personne n’a le temps de s’occuper des actions contre les risques cancérigènes. »

Les directeurs expliquent aussi leurs difficultés à faire changer les habitudes de travail dans les sections par le fait qu’ils ne disposent que d’une très faible marge de manœuvre pour encourager la performance de leurs agents. Par exemple, à propos de la modulation des primes, ils parlent de modulation fictive ou encore de déconcentration virtuelle. « Il y a un effet de manque de confiance de nos cadres…On est un ministère assez immature dans le domaine du management…La plupart ne sont pas capables de dire autre chose que oui à un agent qui vient leur parler promotion ».727 « Ils sont souvent dans une logique de management de proximité pas courageuse, avec des actions correctives dès qu’un problème émerge…mais du coup c’est un peu du management à l’extincteur et ça crée des ressentiments surtout dans des petites DD comme les nôtres où les agents se comparent beaucoup entre eux. »728 « J’ai des collègues qui poussent les gens pour les classes sup et exceptionnelles sur des critères poussiérieux,…il va bientôt partir à la retraite etc… »729  Au fil des entretiens que nous avons menés, nous avons cherché à dépasser ces premiers niveaux d’analyse consistant à expliquer les difficultés à vaincre les formes de résistance au changement des corps d’inspection par les contextes locaux, ou encore les règles de gestion imposées par les ministères, ou encore les habitudes managériales des directeurs.

Nous proposons une analyse spécifique des entretiens conduits dans deux régions que nous évoquerons par la suite sous le vocable de région A et région B. En effet, d’après les critères de différenciation souvent évoqués dans d’autres territoires, ces deux régions ne présentent pas a priori des contextes très favorables à la conduite du changement dans le management de l’inspection du travail. Or les cadres sont parvenus à y introduire quelques innovations organisationnelles, à y limiter le boycott de CAPSITÈRE et à développer peu à peu des formes d’animation collective des agents permettant notamment de relayer les injonctions nationales relayées par les directives de la direction générale du travail. Nous avons cherché à explorer en quoi les réponses développées à la « résistance au changement » peuvent être différentes sur ces territoires. Nous avons retracé jusqu’à présent le matériel empirique collecté dans la plupart des régions où nos enquêtes ont été conduites. Nous y avons lu un sentiment de lenteur dans le processus de transformation tel que relaté par les cadres. L’analyse des entretiens conduits dans deux régions paraît, de notre point de vue, un l’entretien, il s’agit de propos tenus soit par les futurs responsables du pôle Travail de la DIRECCTE A et B (chargés auparavant de l’animation régionale des missions dans le champs Travail dans la direction régionale du travail), soit de directeurs départementaux des deux régions, que nous avons également interviewés.

 

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