Le tissu adipeux blanc un organe clé du métabolisme et ses perturbations au coeur des maladies cardiométaboliques

Composition

Deux fractions composent le TA : une fraction adipocytaire contenant les adipocytes (partieB) qui occupent plus de 90% du volume chez l’homme, et une fraction stroma-vasculaire (FSV) (partie C) , hétérogène, comprenant des précurseurs adipocytaires (préadipocytes et ASC pour Adipose Stem Cells), des cellules immunitaires (notamment les lymphocytes T et les macrophages), et des cellules du réseau vasculaire (péricytes, cellules endothéliales, cellules musculaires lisses vasculaires (CMLV) et des fibroblastes.
Des terminaisons nerveuses présentent dans le TA conduisent notamment les signaux sympathiques et parasympathiques qui régulent l’activité métabolique des adipocytes et leurs fonctions paracrine et endocrine. L’innervation joue un rôle clé dans l’activité du TA brun et blanc mais également du TA beige (Bartelt and Heeren 2014). Chaque adipocyte brun est innervé par le système nerveux sympathique. L’activation du système nerveux sympathique en réponse au froid ou à tout autre stimulus ß-adrénergique induit d’une part, l’expression d’UCP1, et d’autre part, favorise la production d’AGL via la lipolyse (partie B-adipocytes). Ces deux éléments sont nécessaires à l’adipocyte brun pour assurer la production de chaleur et donc d’augmentation de la dépense énergétique (Frontini et al. 2013, Harms and Seale 2013).
Concernant le TA blanc, le TAV étant plus innervé que le TASC, cela pourrait expliquer en partie l’effet de territorialité tel que son activité lipolytique plus intense (Bartness and Song 2007, Ibrahim 2010).Comme tous les tissus conjonctifs, l’ensemble des cellules du TA repose sur une matrice extracellulaire (MEC) (partie D) (Figure 2). Le TA s’organise en lobules. Le lobule est une entité du TA constitué d’un groupe d’adipocytes entouré d’une cloison fine constituée de tissu conjonctif contenant des fibroblastes, des macrophages, des mastocytes et des fibrilles de collagènes.

Les adipocytes

L’adipocyte est l’unité métabolique du TA car il exerce à la fois des fonctions métaboliques et sécrétrices. Les adipocytes blancs sont caractérisés par une vacuole ou gouttelette lipidique unique etcontiennent peu d’organites. Leur diamètre varie de 20 à 200 μm. Les adipocytes dans le TASC sont plus gros par rapport au TAV chez la femme alors que chez l’homme, ils ont la même taille (Lee et al. 2013). A l’inverse, les adipocytes bruns sont de petits adipocytes multiloculaires avec de petites gouttelettes lipidiques et de nombreuses mitochondries. Grâce à leur protéine découplante UCP1, présente au sein de la chaine respiratoire mitochondriale, ils jouent un rôle dans la thermogenèse induite par le froid et les catécholamines (Cypess et al. 2013). Ils possèdent une signature sécrétoire qui leur est propre (Villarroya et al. 2019).
L’adipocyte beige possède des caractéristiques à la fois du brun et du blanc. Il est différencié à partir d’un précurseur différent du précurseur brun dans le TASC blanc ou transdifférencié à partir d’adipocyte blanc préexistant (Harms and Seale 2013).

Fonctions métaboliques de l’adipocyte blanc

L’adipocyte joue un rôle important dans la régulation de la balance énergétique et le métabolisme lipidique. L’une des fonctions clé du TA est sa capacité à stocker de l’énergie sousforme de triglycérides (TG) (lipogenèse et estérification) en réponse à l’insuline et libérer des acides gras libres (AGL) et du glycérol (lipolyse) en réponse aux catécholamines.

Stockage de l’adipocyte

Les AGL proviennent en majorité du sang circulant et sont le résultat de l’hydrolyse par la LPL (Lipoprotéine Lipase) des TG contenus dans les chylomicrons et les VLDL (Very Low density Lipoprotein). Ils entrent dans l’adipocyte par des transporteurs comme les FATP (Fatty Acid Tranport Protein) et le récepteur scavenger CD36, et se fixent à des protéines de liaison des AGL comme la FABP4 (Fatty Acid Binding Protein 4). L’insuline favorise l’expression et la localisation à la membrane plasmique de ces transporteurs (Bose et al. 2002). La sensibilité à l’insuline du TA et ses voies de signalisation dans l’adipocyte seront abordées dans la partie EPathologies du TA.
Afin de permettre le stockage de substrats énergétiques en période postprandiale, deux mécanismes anaboliques se distinguent : l’estérification des AGL en TG et la lipogenèse de novo. La lipogenèse de novo, définie comme la synthèse de TG à partir de glucose, est très faible dans les adipocytes humains (Lee et al. 2013). Une fois entré dans l’adipocyte, le glucose subit la glycolyse et entre dans la mitochondrie afin de suivre le cycle de Krebs pour obtenir de l’acétyl- CoA. Il devient le malonyl-CoA catalysé par l’acétyl-CoA carboxylase (ACC). Ensuite, une succession de malonlyl-CoA est ajoutée à un acétyl-CoA afin de former un AGL comme un palmitate, un myristate ou un stéarate sous l’action d’une enzyme clé de la lipogenèse, la FAS (Fatty Acid Synthase) (Vijayakumar et al. 2017). L’AGL nouvellement synthétisé est ensuite soit allongé par des élongases, soit insaturé par la SCD1 (Stearoyl-CoA desaturase 1), soit estérifié.
L’estérification permet la formation d’un TG à l’aide d’un complexe enzymatique dans le RE (réticulum endoplasmique). Le TG va ensuite être stocké dans la gouttelette lipidique de l’adipocyte mature.

Fonction sécrétoire de l’adipocyte blanc

Le TA sécrète de nombreuses hormones et cytokines appelées adipokines telles que l’adiponectine, la résistine ou le TGF-β (Transforming Growth Factor-β), ou encore l’IGF (Insulin Growth Factor). Il active les hormones sexuelles et les glucocorticoïdes, et produit également des composants de la MEC, des métabolites lipidiques et des exosomes contenant des microARN (miR). Cette fonction endocrine a été découverte avec l’identification de la leptine en 1994 (Zhang et al. 1994). Le TAV a une fonction sécrétoire augmentée par rapport au TASC (Scheja and Heeren 2019).

Protéines secrétées spécifiquement par l’adipocyte

La leptine est une adipokine codée par le gène LEP qui se fixe à son récepteur (db) (Aleffi et al. 2005). Elle est produite en majorité par les adipocytes du TASC (Zhang et al. 1994). Sa concentration plasmatique est corrélée à l’IMC (Indice de Masse Corporelle) et à la masse de TA (Mantzoros et al. 2011). Elle diminue la prise alimentaire en agissant sur l’hypothalamus etaugmente la production de chaleur (Friedman and Halaas 1998) et favorise l’innervation sympathique du TA blanc (Wang et al. 2020). Cette hormone agit également sur le renouvellement osseux et la fertilité (Scheja and Heeren 2019). La leptine a une action proinflammatoire sur les monocytes/macrophages et les lymphocytes T CD4+ (Loffreda et al. 1998, Lord et al. 1998, Santos-Alvarez et al. 1999, Zarkesh-Esfahani et al. 2004).
L’adiponectine (ACRP30 ou ADIPOQ) est présente dans le sang sous forme de monomère, d’homotrimère mais sa forme active est l’oligomère (constitué de 2 à 6 homotrimères) (Scherer et al. 1995, Nakano et al. 1996, Scheja and Heeren 2019). Sa concentration plasmatique est inversement corrélée à l’IMC (Ryo et al. 2004). Elle est d’avantage sécrétée par le TAV par rapport au TASC (Motoshima et al. 2002). D’une part, elle active l’AMPK (AMP-activated protein kinase) et favorise la β-oxydation des AGL dans le muscle et le foie, et d’autre part, elle inhibe la production hépatique de glucose. L’adiponectine participe donc la sensibilité àl’insuline (Yamauchi et al. 2014). Elle possède également des propriétés anti-inflammatoires (Kumada et al. 2004, Ohashi et al. 2010). De plus, elle joue un rôle protecteur contre l’athérosclérose mais de façon paradoxale, elle est augmentée et délétère à un stade avancé des maladies cardiovasculaires (Woodward et al. 2017).

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Cytokines et chimiokines

Au sein du TA, l’adipocyte est également capable de sécréter certaines cytokines et chimiokines en réponse aux signaux environnementaux (inflammation, hypoxie). Parmi ces cytokines pro inflammatoires se trouvent l’IL-6 (interleukin-6), l’IL-8, TNFα (Tumor Necrosis Factor α), PAI1 (Plasminogen Activator Inhibitor-1) ou encore MCP1 (Monocyte Chemoattractant Protein 1). L’IL-6 est une cytokine pro-inflammatoire dont le tiers de sa concentration circulante est sécrétée par le TA (Fried et al. 1998). Sa sécrétion est induite par des cytokines pro-inflammatoires, lors d’une lipolyse excessive et de l’exercice physique (Pedersen 2007, Matsubara et al. 2012, Zhang et al. 2014). Ses concentrations dans le sang et dans le TA sont corrélées à l’IMC et à la résistance à l’insuline (Vgontzas et al. 1997, Fried et al. 1998, Bastard et al. 2002). Par ailleurs, l’IL-8 ou CXCL8 est une chimiokine pro-inflammatoire produite par les adipocytes mais aussi par les macrophages, les lymphocytes T, les cellules endothéliales et les précurseurs adipocytaires (Bruun et al. 2001). L’IL-8 est plus exprimée dans le TAV que dans le TASC. Les concentrations d’IL-8 plasmatiques et secrétées par le TA sont corrélées à l’IMC et à la résistance à l’insuline (Straczkowski et al. 2002, Bruun et al. 2003, Bruun et al. 2004). L’IL-8 favorise également la résistance à l’insuline des adipocytes (Pradhan et al. 2001, Kobashi et al. 2009).
Cependant, dans un contexte physiologique, le TA est un environnement anti-inflammatoire grâce une coopération entre les adipocytes et des cellules de la FSV : les cellules immunitaires et les précurseurs adipocytaires (Ding et al. 2009, Lee et al. 2017).

Les cellules de la fraction stroma-vasculaire

Les cellules de la FSV correspondent à toutes les cellules autres que les adipocytes qui composent le TA. Elles sont plus nombreuses dans le TAV comparé au TASC rapportées à la masse du TA (Van Harmelen et al. 2004, Russo et al. 2014).

Les précurseurs adipocytaires

Définition et caractérisation

Les précurseurs adipocytaires représentent 20 à 40% des cellules de la FSV et regroupent les ASC et les préadipocytes. Les ASC sont des cellules souches mésenchymateuses (CSM)spécifiques du TA multipotentes et capables de se différencier en ostéoblastes, myocytes, chondrocytes et adipocytes in vitro et in vivo (Erickson et al. 2002, Lee et al. 2003, Choi et al. 2006, Zheng et al. 2006 , Mauney et al. 2007, Rodeheffer et al. 2008, Maumus et al. 2011, Frazier et al. 2016). La majorité des précurseurs adipocytaires se situent à proximité des vaisseaux mais les ASC sont aussi présentes autour des adipocytes (Maumus et al. 2011, Frazier et al. 2016). Les préadipocytes sont unipotents et enchâssés dans la membrane basale (Tang et al. 2008, Traktuev et al. 2008, Baer et al. 2013).

L’adipogenèse

L’adipogenèse est définie comme la différenciation des précurseurs en adipocytes matures (Sarjeant and Stephens 2012). Elle dépend de l’expression séquentielle et coopérative de facteurs de transcription, ce qui permet de distinguer des phases précoces et tardives de la différenciation adipocytaire. Durant la phase précoce, les facteurs de transcription C/EBP β et δ sont exprimés et augmentent l’expression de PPARγ et SREBP1c (Sterol Regulatory Element Binding Protein 1c). Durant la phase tardive, l’expression des facteurs C/EBP β/δ diminue au profit de l’expression des facteurs C/EBPα et de PPARγ, qui activent à leur tour l’expression de marqueurs de différenciation terminale. En parallèle, SREBP1c favorise l’expression des gènes du métabolisme glucido-lipidique comme la FAS et l’ACC. Les ASC du TASC ont une plus grande capacité à accumuler des lipides et à exprimer des facteurs proadipogéniques comme PPARγ ou C/EBPα. L’adipogenèse des précurseurs adipocytaires du TAV nécessite l’ajout deBMP4 in vitro (Macotela et al. 2012). Les marqueurs de différenciation terminale comme FABP4 ou FAS sont impliqués dans le stockage et l’accumulation de lipides. Ainsi, l’adipocyte blanc mature acquiert une sensibilité à l’insuline et une forte capacité de stockage des substrats énergétiques au sein de sa gouttelette lipidique (Figure 3). Cette dernière est composée d’une membrane qui contient des lipides et des protéines comme PLIN-1 ou CGI-58 (Tansey et al. 2004). Ces protéines sont les gardiennes de la gouttelette lipidique en assurant son intégrité et le bon fonctionnement du métabolisme adipocytaire. Voici plus en détails, les grandes familles des acteurs transcriptionnels de l’adipogenèse.

Les cellules de l’immunité

Les cellules de l’immunité innée et acquise représentent une part non négligeable de la FSV et sont présentes en différentes proportions dans le TA. Le TA contient un réservoir de cellules souches hématopoïétiques capables de se différencier en cellules immunitaires. Les macrophages et les mastocytes appartiennent au système immunitaire inné et sont les premières lignes de défenses contre les pathogènes. Les mastocytes régulent la croissance des vaisseaux au sein du TA chez les sujets sains (Lee et al. 2018). Les cellules immunitaires sécrètent la majorité des cytokines et chimiokines dans le TA (Cildir et al. 2013). Parmi les cellules immunitaires adaptatives, le TA contient des lymphocytes T, B et iNKT (invariant natural killer T). Les macrophages et les lymphocytes T sont les deux fractions les plus représentées parmi les cellules immunitaires du TA blanc (Zatterale et al. 2019). La proportion de cellules de l’immunité est plus importante dans le TAV que dans le TASC. En effet, le TAV contient des structures appelées « milky spots » correspondant à des clusters de leucocytes ayant une compositionvariable de lymphocytes T (Kaminski and Randall 2010, Meza-Perez and Randall 2017).

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