Le terrorisme : impacts sur la mondialisation et stratégies d’éradication
Problématique de la définition du terrorisme
Genèse du terrorisme
Nous vivons le phénomène du terrorisme et pourtant nous ignorons son histoire. Retracer ici toute l’histoire du phénomène du terrorisme depuis l’antiquité jusqu’à ses nouvelles formes actuelles est bien sûr impossible. Cependant, nous avons fait le choix de nous focaliser plutôt sur une approche historique brève du terrorisme afin de faire le lien entre ses orientations doctrinales et ses différentes typologies. De par son sens étymologique, le terme « terrorisme » signifie la terreur alors que cette dernière indique vers 1356 en latin classique « terror ». Elle désigne par métonymie l’intensité d’un effroi. Ce terme est employé pour le sentiment de peur intense d’où terreur panique. Par ailleurs si nous nous référons du dictionnaire français, le mot « terrorisme » trouve ses sources sur le terme « terreur » qui indique : « Peur extrême qui bouleverse, paralysie (effroi-épouvante, frayeur) 2 et en d’autres termes : la « peur collective qu’on fait régner dans une population, un groupe pour briser sa résistance : régime fondé sur l’emploi de l’arbitraire imposé et de la violence »3 . Cependant, cette terreur règne dans une population, dans un groupe pour briser sa résistance, son régime et son procédé politique. Ainsi, le terrorisme est : un « emploi systématique de la violence pour atteindre un but politique ; ces actes de violences, attitudes d’intolérance, d’intimidation. »4 En effet, Carl Pépin montre historiquement dans son article, « Le terrorisme : une analyse historique et contemporaine » que le phénomène existait depuis l’antiquité, il dit que : «Le phénomène du terrorisme est vieux comme le monde. Il a pris à travers l’histoire diverses formes, couleurs et textures faisant en sorte qu’il est toujours difficile de cerner ce qu’est réellement le terrorisme ». 5 Le terrorisme, donc ne date pas aujourd’hui parce que nous retenons d’autres formes de terrorisme pratiquées depuis le XXe siècle, dans une ère où les historiens commençaient à documenter et à poser des analyses plus poussées d’ordre éthiques sur le phénomène. C’est ainsi que nous pouvons affirmer que cette notion est hautement polysémique du fait que ces analyses révèlent des phénomènes diverses et complexes qui peuvent faire l’objet d’appréciation subjectives qu’objectives. Il est une réalité multiforme qui évolue dans le temps et dans l’espace avec des modes opératoires différents selon sa propagation. Le mot terrorisme a été utilisé pour la première fois en novembre 1794 pour désigner la doctrine des partisans de la terreur pendant la révolution française de 1789. Cependant, après la chute du régime de la terreur, l’emploi du terme demeure mais cette fois-ci pour désigner la répression. De plus, si on se réfère aussi aux dictionnaires de langue arabe, on constate que le mot « terrorisme » renvoie essentiellement à l’idée de la terreur. Le vocable rahaba : َب َه َرَ (terroriser) a étymologiquement deux sens distincts : le premier renvoie à la terreur ; le second à la précision. Ici nous nous intéressons à la première signification rahabaَب َه َر) َterroriser) ; ْر َهبَهَُ : arhabahu dérivés leurs et) crainteَ (ر ْهبَانَrahbane et) terreurُ (ر ْهبَانَrohbâne َ et أ « istarhabahu هبه َاسترsignifient (terroriser et menacer) quelqu’un, exemple : il l’a terrorisé. Le ْر َه َبَ: « arhaba « verbe َ أ)terroriser) est dérivé du substantif «ir’hâb » (terrorisme) et les toutes autres formes verbales de ce verbe renvoient tous à la peur et à la terreur. Dans le noble Coran, nous trouvons que le radical « rahaba » َب َه َر َet ses dérivés apparaissent douze fois (12) dans le Coran. Mais cela ne signifie pas que l’Islam invite les musulmans au terrorisme. La plupart de ses occurrences portent sur la peur ou la crainte et à la révérence d’Allah. Par son sens conceptuel, beaucoup de chercheurs et historiens considèrent que la notion de terrorisme peut prêter à une confusion parce que pour certains d’entre eux, force est pourtant de constater que la présence du suffixe« isme » renferme une certaine idée de connotation idéologique ou doctrinale. Il s’agit pour eux d’une doctrine ou d’une idéologie comme : capitalisme, socialisme, nationalisme, marxisme, communisme….etc. Pour d’autres, 5 Pépin, Carl, « Le terrorisme : une analyse historique et contemporaine », histoire engagée.ca, 13 septembre 2010, p5 12 le terrorisme n’est ni une doctrine, ni une idéologie, c’est plutôt une méthode qui se fonde sur l’usage de la terreur. Pour la communauté internationale, il n’existe pas une définition structurante et consensuelle du phénomène. En effet, il y a des définitions diverses et que tous les chercheurs ne s’accordent pas sur une seule définition du terrorisme du point de vue de la diversité ou de la multiplicité de compréhensions subjectives à la question en raison du caractère multiforme du phénomène. Mais certains le définissent communément comme étant l’usage de la violence envers des innocents à des fins politiques ; d’autres soutiennent que celui-ci vise des fins religieuses voire idéologiques. En plus, face à la complexité de ce phénomène, on peut distinguer, en exemple, des types de terrorismes tels que : le terrorisme d’État : exercé par l’État qui use de façon excessive de son monopole de violence ; le terrorisme individuel, c’est-à-dire perpétré par des rebelles ou des anarchistes ; le terrorisme organisé, provoqué par des groupes aux différentes idéologies, etc. A travers sa propagation universelle notamment au début du 21e siècle, les historiens et les chercheurs s’interrogent profondément sur le terme « terrorisme » qui nous est devenu aujourd’hui familier et qui est l’un des mots les plus émotionnellement chargés de notre siècle pour la simple raison qu’il fait l’objet d’instabilité dont le fléau devient de plus en plus menaçant. C’est pourquoi il est vrai de dire qu’il n’est pas de mois parfois même de semaine où l’actualité internationale ne soit marquée par un acte qualifié de terroriste c’est-à-dire détournements ou explosions d’avion, assassinats politiques, attentats à la bombe dans les lieux publics, prises d’otages…etc. appartiennent désormais à notre paysage quotidien. Ainsi, en l’occurrence de ces manifestations nous considérons que la vocation du terrorisme est la violence destinée à répandre la terreur, à faire la pression sur un État, à atteindre la population civile tout en transmettant un message à caractère idéologique par l’effroi. Mais tout d’abord, pourquoi s’interroger sur l’histoire du terrorisme ? Pour une raison très simple : chercher à avoir une certitude sur son histoire alors que l’apparition de ce phénomène pose beaucoup de difficultés aux chercheurs, car ils n’arrivent pas à trouver une date exacte marquant l’avènement de celui-ci. De ce fait, sa définition reste une tâche très difficile soulevant ainsi des controverses. Ainsi Isabelle Sommier, confirme en ses termes que : «S’agit aussi d’un mot mystérieux dans la mesure où personne ne s’accorde sur sa définition » .Toutefois, Sommier soutient que le terme terrorisme tire ses origines dans l’antiquité en disant que : « Nul doute en effet que le terme même soit de création récente, puisqu’on le trouve exposé pour la première fois dans le supplément de 1798 au dictionnaire de l’Académie française. »
Le terrorisme contemporain
A première vue, le trait spécifique du terrorisme dans le monde contemporain est sa liaison avec les médias comme moyen de propagation de son hégémonie et de son rayonnement. Sur ce point, c’est le spectre du terrorisme alimenté par l’ère internet qui semble se proposer comme la véritable menace des années à venir. En outre, considéré comme une psychose, le terrorisme actuel a aujourd’hui hanté nos opinions publiques. Comme nous le voyons actuellement, l’action du terroriste est hautement médiatisée, ce qui lui fait occuper une place galopante dans le monde moderne. Selon l’auteur de l’ouvrage Vivre ensemble, Andrea Riccardi : « Dans le monde contemporain, nous vivons ensemble et les distances se raccourcissent : les instabilités se communiquent. »C’est par cette communication des instabilités et les raccourcis des distances qui justifient que le terrorisme contemporain dont parlent aujourd’hui les chercheurs n’est qu’un processus de continuité de celui qu’on avait assisté depuis l’antiquité. Aujourd’hui, l’une des principales questions qui ne cesse de bouleverser l’humanité toute entière reste le phénomène terroriste. Il a métamorphosé le monde à cause des catastrophes et des calamités qu’il a engendrées avec tous les actes criminels qui s’y rapportent : assassinats, attentats suicides, prises d’otages, kidnapping, kamikazes, embuscades, explosions, détournements, attaques meurtrières, bombardement, semer la peur, la panique ou la terreur dans certain pays du monde. Il est important de savoir qu’il y a un peu plus d’une cinquante d’années, la carte géographique du monde avec toutes ses couleurs dont la mondialisation veut homogénéiser nage dans une idée de l’amplitude du phénomène terroriste qui occupe une place prépondérante dans l’actualité internationale. En outre, Riccardi continue en allant même jusqu’à confirmer que : « Le monde contemporain n’est pas facile à comprendre. Il est complexe et confus. On parle souvent d’un « nouveau désordre » mondiale. »23Effectivement, l’auteur faisait allusion au nouveau phénomène en considérant le terrorisme, comme étant un nouveau désordre mondial. En effet, Isabelle Sommier définit le terrorisme à ces termes : « C’est une violence physique qui fonctionne à l’économie et à l’outrance de symbolique. En cela, on peut dire que le terrorisme est un phénomène moderne propre aux sociétés pacifiées. »Au cours de la fin du XXe siècle, le terrorisme a subi une mutation sémantique plus radicale pour acquérir son ampleur et sa dimension inédite qu’on lui reconnait aujourd’hui, c’est-à-dire la stratégie de violence principale, commettre des attentats, semer un climat de terreur dans presque tous les pays du monde entier, l’internationalisation des conflits, ce que certains chercheurs appellent le « terrorisme transnational ». De plus, la nouvelle nature de ce phénomène s’inscrit dans le changement global du monde. De même, il faut souligner que c’est au milieu des années soixante que se développe la plus spectaculaire manifestation du terrorisme, portée par le progrès de la technologie, la diffusion d’armes légères et efficaces plus la publicité qui vient accompagner tout acte terroriste par des photos et par des vidéos. Il est important de dire que ce soit en Afrique, en Asie, en Amérique du Nord et du Sud, en Europe ou au Moyen-Orient, tous les attentats terroristes connaissent un processus d’évolution. A partir de 1968, plusieurs évènements ont eu lieu tels que : la bataille de Karameh entre les troupes israéliens et les Palestiniens.25 Elle est aussi souvent considérée comme la naissance du terrorisme contemporain avec le détournement d’un avion qui reliait Rome à Tel-Aviv par le FPLP. C’est dans cette période également qu’Israël a commencé ses bombardements comme le soulignent Alain Gresh et Dominique Vidal : « La stratégie d’Israël au Liban à partir de 1968 avec le bombardement systématique des camps de réfugiés- ou dans les territoires occupés – punitions collectives, arrestations arbitraires, tortures, etc.,- est un exemple de terrorisme d’État.»26 Ceci se passe quelques années après, la création de l’OLP (Organisation pour la Libération de la Palestine) en 1964 dirigée par Yasser Arafat dont le but est de défendre les intérêts de la Palestine. Selon, Alain Gresh et Dominique Vidal : « Pour Yasser Arafat et la plupart des palestiniens le seul vrai terrorisme est celui de l’État d’Israël qui les a dépossédés de leur terre, et a multiplié, depuis plus de quarante ans les actions armées contre la population civile en Cisjordanie, dans les camps du Liban, à Gaza » 27 . Ils poursuivent : « Pour le gouvernement d’Israël et la majorité de son peuple, le terrorisme est incarné par l’OLP qui pose des bombes et s’attaque à des civils sans défense »28 Ainsi, il est impossible de confondre le terrorisme avec l’utilisation de la violence, à laquelle des résistants, des combattants ont eu recours pour la libération nationale. Par contre, « On peut, en premier approximation, qualifier de terrorisme les actes de violences qui touchent des populations civiles innocentes dans le but de créer un climat d’insécurité et atteindre certains objectifs politiques»29 déclarent Alain Gresh et Dominique Vidal. C’est peut-être dans cette période que le phénomène s’attaque à tout type d’espace pour une cause idéologique notamment l’islamisme qu’ils en ont fait également un moyen de contestation contre toute attaque des États occidentaux en vue de la radicalisation, l’effritement et la montée en puissance des mouvements dits islamistes. En effet, on assiste à une multiplication et dissémination des actes terroristes et des assassinats dans certaines zones occidentales. C’est à partir de 1968 que le terrorisme se systématise par la pratique de la violence de stigmatisation jusqu’à devenir, aujourd’hui, le seul mode d’action de certains groupes ou mouvements. Retenons qu’entre 1968-1977, le nombre d’attentats terroristes se multiplie et atteint jusqu’à 1022 cas d’attaques terroristes selon la Rand Corporation et 2698 selon la CIA30. Une nouvelle ère s’ouvre, c’est celle du terrorisme religieux ou « mal du siècle », une idéologie qui gagne du terrain jour après jour et qui s’oppose à la religion musulmane : à sa législation, à ses fondements, lois et finalités ; envenime les esprits de la population mondiale mais aussi à toutes les valeurs humaines. Ainsi, nous remarquons une énorme typologie de définitions divergentes des auteurs selon leur vision du monde, il n’y a point d’unanimité autour de la signification du concept. Ce terme a créé une multiplicité des formes du terrorisme et une controverse entre penseurs qui cherchent à le définir. Par conséquence, il y des difficultés de délimitation de la frontière entre terrorisme, guérillas et guerre conventionnelle. Chacun a élaboré sa propre définition du phénomène pour pouvoir le comprendre afin de mettre des stratégies pour contrecarrer ledit phénomène. Ainsi, nous estimons que la définition du terrorisme la plus pertinente et la plus appropriée qui englobe tous les aspects du terrorisme et prend en considération les décrets et la terminologie jurisprudentielle est celle de l’Académie Islamique de Jurisprudence rattachée à la Ligue Islamique Mondiale qui dit : « le terrorisme est l’agression que mènent injustement des personnes, des groupes ou des États contre un individu, et ce, en ciblant sa religion, sa vie, ses biens ou son honneur.» Quant aux définitions des Nations Unies, le comité de cette organisation considère lors de sa première résolution en 1998 que le terrorisme est tout acte criminel qui vise par définition, à semer la terreur et la peur parmi des personnes ciblées. Elle le définit, encore à la résolution 1904 (2009) du 17 décembre 2009 comme suit : « Le terrorisme, sous toutes ses formes et dans toutes ses manifestations, constitue une des menaces les plus sérieuses contre la paix et la sécurité et que tous les actes de terrorisme, quels qu’ils soient sont criminels et injustifiables, quels qu’en soient les motivations, l’époque et les auteurs, »32 D’autres penseurs essayent de le circonscrire, chacun par sa culture et sa propre vision du monde. Ainsi, Alain Choupet, dans son article intitulé : « le Terrorisme : mal du siècle ou art renouvelé de la guerre ? », nous définit le terrorisme comme : « C’est une espèce de mal du siècle qui frappe de façon révoltante, inattendue, indifférenciée et absurde des victimes innocentes sans que l’on trouve de parade à son développement ou à son extension » En outre, des auteurs musulmans comme Abderrahim Lamchichi décrit le phénomène comme tel : « Le terme terrorisme est pernicieux, difficile à définir. Outre, le fait qu’il est une manifestation, spectaculaire de violence extrême, visant à créer un climat de peur et d’effroi dans la population et qu’il s’inscrit volontairement dans une perspective de rupture totale avec le droit et avec toute considération morale, il peut prendre diverses formes, selon les acteurs impliqués (gouvernements, mouvements d’émancipation nationale ou régionale, groupuscules religieux, idéologiques ou mafieux, etc.), les méthodes utilisées et les revendications exprimées et sert souvent de justification pour disqualifier un adversaire » . C’est l’un des phénomènes qui constitue le socle de notre histoire contemporaine. Il attire l’impression collective que tout peut arriver partout à tout moment et que ceux qui ont pour mission d’informer la population et de la protéger sont aussi totalement surpris et désemparés que tout autre.
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