DE QUOI PARLONS-NOUS ?
• La e-santé
Le terme e-Health serait né fin 1999 à l’occasion de la présentation d’une étude australienne, lors du 7e congrès international de télémédecine. Son auteur, John Mitchell, l’a alors défini comme « l’usage combiné de l’internet et des technologies de l’information à des fins cliniques, éducationnelles et administratives, à la fois localement et à distance ». Sa traduction française, e-santé, s’est rapidement imposée dans l’Hexagone : dès l’an 2000, les premiers appels à projet de la direction des hôpitaux, au ministère de la Santé, pour déployer les TIC, s’intitulaient e-santé. Le terme s’est, depuis, banalisé pour qualifier tout ce qui contribue à la transformation numérique du système de santé voire, au-delà du seul secteur santé, le médico-social. Il s’est répandu par analogie à l’e-commerce, par exemple, qui s’est imposé sur la même période pour définir les activités de commerce dès lors qu’elles étaient dématérialisées. Le concept d’e-santé et cette référence à l’émergence d’un nouveau « business » a été d’autant plus facilement retenu au plan international que nous étions, à cette époque, dans une période d’euphorie technologique (la « bulle » internet du début des années 2000) à laquelle la santé n’a pas échappé. On peut observer, une quinzaine d’années plus tard, qu’une frénésie similaire est née du phénomène des « applis », des objets connectés et de l’internet des objets. On y retrouve un engouement comparable de la part des entrepreneurs, avec sa multiplication de start-up et ses levées de fonds parfois démesurées
• La m-santé
Six ans après la consécration du terme e-Health, celui de Mobile Health (mHealth ou m-health) est apparu, en 2005, sous la signature du Pr Robert Istepanian, universitaire londonien, pour désigner « l’utilisation des communications mobiles émergentes en santé publique ». Phénomène mondial, la santé mobile n’a ensuite pas tardé à être définie par l’OMS (2009) comme recouvrant « les pratiques médicales et de santé publique reposant sur des dispositifs mobiles tels que téléphones portables, systèmes de surveillance des patients, assistants numériques personnels et autres appareils sans fil ». Sur le plan des usages, le périmètre s’étend des fonctions basiques du téléphone (voix et textos, ou SMS) aux fonctionnalités les plus sophistiquées faisant appel aux technologies les plus récentes. Pour une part croissante de la population, partout dans le monde, le Smartphone et la tablette sont devenus les points d’accès Internet quasi exclusifs. Pour faciliter la conduite d’une analyse mondiale, l’organisation a classé les services de la santé mobile en 14 catégories, des centres d’appel aux systèmes d’aide à la décision, en passant par l’accès à l’information, l’aide à l’observance, le rappel de rendez-vous et … la télémédecine mobile. Sa dernière étude, auprès de 114 pays, montre que la télémédecine mobile, vue sous l’angle de la communication entre professionnels de santé, fait partie, avec les centres d’appel, des 4 types de programmes les plus fréquemment mis en œuvre dans la plupart des Etats interrogés. On peut également noter que la définition OMS intègre la notion de surveillance/ monitoring des patients.
• La télésurveillance dans le champ de la télémédecine
En France, la télémédecine est définie par la loi et par le cadre réglementaire posé par le décret du 19 octobre 2010. Ce texte décrit les 5 actes constitutifs de la télémédecine : téléconsultation, téléexpertise, télésurveillance médicale, téléassistance médicale, réponse médicale apportée dans le cadre de la régulation médicale. En matière de télémédecine, les attentes vis-à-vis de la m-santé s’expriment essentiellement dans le contexte de la télésurveillance médicale, en raison du potentiel des technologies à faciliter le suivi des paramètres cliniques et la transmission d’alertes. La télésurveillance médicale est en effet décrite dans le Code de la santé publique comme ayant pour objet de « permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient. L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patient lui-même ou par un professionnel de santé ». Parmi les actes de télémédecine recensés en France (Cartographie DGOS de 331 activités, fin 2012), la télésurveillance est encore assez peu développée (22 % des projets) comparativement à la téléexpertise (65 % des projets), voire à la téléconsultation (49 %). Dans le monde, ce sont environ 3 millions de patients, équipés sous le contrôle de professionnels de santé, qui utilisaient des dispositifs de monitoring à domicile à fin 2013. L’institut d’études Berg Insight, auteur de cette évaluation, estime que ce nombre va flamber d’ici 2018 pour passer à plus de 19 millions, avec un taux de croissance annuel de 44,4 %. La télésurveillance concerne en premier lieu (pour les deux tiers) les patients équipés de dispositifs cardiaques implantables. 70 % des transmissions reposent encore sur des solutions classiques (réseau téléphonique commuté par exemple), mais la proportion devrait s’inverser dans les 4 ans à venir au profit des technologies mobiles.
DE L’AUTOMESURE À L’UBIMÉDECINE
• Le quantified self, la mesure de soi Pratique marginale ou signe précurseur d’une transformation sociétale ? Demeuré confidentiel, pendant ses premières années, au sein d’une communauté de geeks, le mouvement du quantifed self prend une envergure internationale en 2011 lors d’une conférence en Californie. Initié par deux journalistes du magazine Wired, il a ses émules en France avec l’auteur du « Guide pratique du Quantified Self ». Emmanuel Gadenne en donne cette définition dans son introduction : le quantified self « regroupe de façon
générique les outils, principes et méthodes permettant à chacun d’entre nous de mieux nous connaître, de mesurer des données relatives à notre corps, à notre santé, à notre état général ou aux objectifs que nous nous fixons ». On peut ajouter que la principale originalité de cette pratique tient à sa dimension de partage, voire de comparaison, entre adeptes.
• Et la maison intelligente ? Notre habitat va-t-il à l’avenir surveiller notre état de santé ? Universitaires et centres de recherche y travaillent depuis plus de 10 ans (on peut citer les travaux du laboratoire TIMC-IMAG à Grenoble) et les premiers appartements témoins ou prototypes existent déjà. Il s’agit ni plus ni moins que de truffer les pièces de capteurs dotés de toutes les fonctionnalités imaginables. Ainsi la maison intelligente pourrait assumer divers rôles. D’alarme, bien sûr, en notifiant un changement digne d’intérêt dans les habitudes de l’occupant. Mais aussi de diagnostic, en mesurant par exemple des signes de détérioration cognitive. Cette « intelligence » comporte cependant le défaut de se révéler trop intrusive, et c’est ce qui explique sans doute que le concept n’ait pas encore percé alors que de nombreuses technologies sont d’ores et déjà disponibles.
DANS CE MONDE DE LA SANTÉ CONNECTÉ, LE CNOM OBSERVE :
1. Une triple évolution. Si l’on admet que le terme e-santé recouvre la représentation la plus globale, voire fourre-tout, de l’usage d’internet et des TIC dans un but de santé au sens large (de la prévention aux soins, en passant par la vente en ligne de services ou de produits), on peut noter que son périmètre s’est considérablement étendu au fil du temps. Les frontières de la e-santé ont en effet été repoussées depuis la fin des années 90 sous l’influence des usages grand
public, comme on peut le constater avec l’apparition de la m-santé et, aujourd’hui, de l’expression « santé connectée ». Cette dernière formule illustre la naissance (espérée) d’un marché, fruit d’une triple évolution : sociologique, marquée par l’« empouvoirement » des patients, technologique (avec une explosion d’innovations dans le monde des smartphones, capteurs et objets connectés), politico-économique (avec la recherche de solutions pour améliorer l’efficience des systèmes de santé). 2. Un Débat nécessaire sur la régulation. Pourquoi distinguer les différentes composantes de la e-santé et tenter de les définir précisément ? Les activités qui s’exercent sous ce vocable sont régies par des réglementations et des régimes juridiques différents ; certaines ne sont d’ailleurs pas régies du tout. Or le débat sur la régulation s’est intensifié, en France et un peu partout dans le monde, avec le développement des applications mobiles dédiés au bien-être et à la santé..