Le tangena comme moyen de preuve en matiere penale

L’histoire du droit pénal était dominée dans les temps anciens par la vengeance. Ce qui signifie que les différends se résolvaient par des règlements de compte. Donc des clans et des familles qui s’entretuaient.

Mais avec l’affermissement du pouvoir central, ce dernier avait petit à petit pris la direction de la vengeance qui était devenue publique et plus structurée. Avec ce début d’installation d’un système répressif se sentait aussi les besoins d’apporter la preuve de la culpabilité ou de l’innocence de l’accusé. Aussi, face à des situations de suspicion d’infraction, le recours à des systèmes de l’ordalie était-t-il le moyen utilisé pour prouver l’innocence ou la culpabilité de l’individu. L’ordalie était donc utilisée par les hommes pour régler des problèmes à propos desquels la vérité n’était pas évidente.

Les pratiques du tangena à Madagascar 

Les cas d’application du Tangena 

On peut observer deux cas d’application du tangena: en matière civile et en matière pénale. En matière civile par exemple, le tangena était appliqué quand il y avait de conflit entre les héritiers pour le partage de biens, les qualités de successibles,…. Mais ce qui nous intéresse ici ce sont les cas d’application en matière pénale, et par là, les actes pour lesquels les tangena sont pratiqués et les personnes à qui les tangena doivent être appliqués.

Les actes

Les infractions susceptibles de peine de mort dans l’article 1ere du code de 305 articles

Le Tanguin ce sont des solutions profanes à mettre en œuvre pour régler leurs problèmes . C’est donc une épreuve judiciaire dont l’issue réputée dépendre d’une puissance surnaturelle, établit la culpabilité ou l’innocence d’un individu quand, dans la généralité des cas, la justice des hommes se révèle impuissante à le faire. Ce tangena était utilisé pour les douze crimes punis de mort et entraînant la confiscation des biens pour les hommes comme pour les femmes. Ces crimes sont prévus dans l’article 1er du code de 305 articles. En premier lieu, le fait de fabriquer ou faire usage de sortilège pour tuer le souverain. C’était logique qu’on protège le roi car il était le représentant de Dieu et il avait d’occupation importante vis-à-vis de la population. C’était le roi qui assurait le bonheur de la population. C’est pour cette raison que celui qui voulait tuer le roi ou fabriquer le moyen pour le tuer était l’objet de l’épreuve du tangena car il voulait porter de préjudice à tout le monde.

En second lieu, le fait de porter le peuple à se révolter était susceptible de subir l’épreuve du tangena. Ici le tangena était utilisé pour des raisons politiques. Au temps du royaume, la tyrannie régnait, ce qui avait de force emportait de pouvoir. Par conséquent, le roi était strict pour la personne qui voulait se révolter contre lui. On utilisait le tangena pour que le malfaiteur subisse le malheur c’est-à-dire la mort. En troisième lieu, le fait d’être complice de rebelle pour se révolter était admis à l’épreuve du tangena. Cela signifie que le roi était strict de sa royauté. Si une personne était suspectée d’être complice, elle devait subir l’épreuve du tangena pour prouver sa culpabilité ou non. Quatrièmement, le fait d’encourager le peuple à se révolter constitue un acte pour l’application du tangena. En plus de cela, le fait d’exciter les intelligents et entraîner les sots à se révolter constituait un acte objet du tangena. Ceci est considéré comme très dangereux car les intelligents peuvent aider à planifier la révolte.

Ensuite, le fait de dénigrer le gouvernement pour causer la révolte incitait le roi à utiliser l’épreuve de tangena. Et puis, le fait d’escalader l’enceinte du palais dans un but de révolte entraîne l’utilisation de tangena. Cela signifie que le palais du roi était sacré et assimilé à une zone rouge actuellement. Et pour de l’argent et de richesse, accepter de se révolter constituait encore un acte susceptible d’épreuve du tangena car cela entraînait l’instabilité du royaume. En outre, l’homicide entraîne aussi le tangena car la personne humaine est sacrée et importante. Il était logique que le roi protège l’homme en introduisant l’homicide dans la liste des actes susceptibles de l’épreuve du tangena. Par ailleurs, le fait de porter et de fabriquer des sagaies courtes (lefom-pohy) dans un but de révolte y figurait également. La dangerosité de l’arme justifiait l’épreuve du tangena. Le fait de proclamer un autre prince pour causer la révolte constituait un coup d’Etat et c’était logique que le roi impose l’administration du tangena pour éliminer les malfaiteurs. Dans le plus part de ces cas, le roi les utilisait comme une arme politique pour éliminer ceux qui lui étaient infidèles.

Les autres infractions

En 1831, un témoin oculaire, le révérend Freeman de London, Missionairy Society, écrit une lettre sur le renouveau du poison d’épreuve en Imerina sous le règne de Ranavalona 1ere qui accéda au trône après la mort de Radama. Sont soumises au poison d’épreuve les personnes soupçonnées de sorcellerie ou d’être ensorcelées.Ici c’est la protection de la valeur humaine qui pousse à l’épreuve du tangena. Donc le tangena était moyen de prouver si un individu était malfaiteur ou non. En outre, l’épreuve du tangena était aussi utilisée si une personne était soupçonnée d’avoir fabriqué la fausse monnaie ou de l’avoir utilisée . On constate que le roi protégeait la souveraineté de la nation car la monnaie était le symbole de la souveraineté. Donc pour établir la culpabilité ou non d’un individu, on utilisait le tangena. En plus de cela, le tangena était utilisé aussi pour le vol avec effraction qui était prévu par l’article 18 du code de 305 articles « ceux qui, par effraction, pénètrent dans une maison seront mis aux fers pendant dix ans et leurs biens seront confisqués. Par ailleurs, avant la circoncision, Andrianapoinimerina déclare l’utilisation du tangena pour la méfiance aux méchants gens qui veulent faire du mal aux enfants. Ici, c’est la protection des enfants vis-à-vis des personnes jalouses qui motive l’épreuve. L’institution du tangena par Andrianapoinimerina s’accompagna de protection de fidélité au roi. Dans l’article 7 du code des 305 articles « si une personne manque d’égards envers la majesté du roi du souverain, elle payera 100 francs à titre de vidin-doha et de 150 francs de tovon’andriana ; si elle ne peut payer, elle sera mise aux fers pendant cinq ans » De surcroît, des circonstances historiques particulières, l’expansion merina pendant le règne d’Andrianapoinimerina (1787-1810) permettent aussi d’appréhender l’utilisation « politique » qui a pu en être faite. Donc, on trouve une voie de justice dans le tangena, grâce à lui, les sorciers, les possesseurs d’amulettes malfaisantes, de charme d’amour, les menteurs et les gens sincères peuvent être découverts.

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Enfin, le tangena était utilisé en cas de meurtre.

Il est prévu dans l’article 4 du code de 305 articles « si une personne en frappe intentionnellement une autre avec un objet ayant le caractère d’une arme, elle sera mise à mort même au cas où sa victime ne succomberait pas». Donc, la qualification de meurtre ici ne dépend pas de résultat de l’acte. C’est seulement le désir de protéger l’être humain qui fonde cette législation.

Ces actes que nous venons d’exposer peuvent être commis par diverses personnes. Et ce sont celles-ci qui subiront l’épreuve du tangena.

Les personnes 

Les personnes qui subissent l’épreuve du tangena méritent d’être identifiées car elles varient d’un cas à l’autre. Le fait est que ce sont toujours les suspects. Mais ces suspects sont variés. Le roi faisait subir le tangena aux gens d’un village et aux autres personnes.

Les gens d’un village 

D’abord, dans certaines occasions, l’épreuve concernait un grand nombre de personnes. Elle était alors appelée tavibe (littéralement: la grande cuvette) que le roi faisait administrer le poison aux gens d’un village ou d’une région si un envoyé du roi avait été ensorcelé. Ensuite, le roi faisait prendre aussi le tangena aux habitants d’un village quand ces derniers avaient mauvaise réputation. Cela signifie que si les gens d’un village étaient soupçonnés de mauvais acte , on leur appliquait l’épreuve du tangena pour prouver l’innocence ou la culpabilité des gens. Pour les rites accomplis c’est l’ensemble des gens d’un village qui subit l’épreuve.

Dans le cas du tavibe, tous les gens du village devaient s’associer au serment fait à la grande porte d’entrée. Les gens déclaraient: «En prêtant serment, nous aidons à la recherche des sorciers et ceux quoi ne le sont pas ». Il ne s’agit pas de dire « je déteste » ou « je n’aime pas ». « Nous tous ici, petits et grands, nous respectons : puissent les os du menteur être dispersés ; puisse-t-il mourir sans enfant puisse-t-il crever comme ce mouton que voici, vaincu par ce serment qui nous fait à la porte, car c’est ici qu’on soit et ici qu’on entre . » Pour ces rites, tous les gens du village subissaient l’épreuve du tangena car c’était difficile de distinguer la personne qui avait fait l’acte malfaisant. Mais il n’y avait pas la distinction entre les grandes personnes et les petits enfants. En plus de cela, il n’y avait pas aussi de faire aussi la distinction entre le sexe masculin et le sexe féminin. Si une personne était prouvée d’habiter dans un village concerné, elle ne peut échapper à l’épreuve.

Enfin, dans un problème en matière de sorcellerie, il faut connaître l’auteur en faisant absorber du tangena à toutes les personnes habitant le village. « Si celui, qui est responsable de sa mort est parmi nous, qu’il meurt en absorbant ce breuvage ». Si l’éventuel coupable se désigne d’évidence en excluant de cette imprécation; c’est une ordalie directe. Cette pratique éclaire la situation des gens du village car le soupçon pèse sur tous alors qu’en réalité une seule personne est coupable. Donc, pour éliminer ce malfaiteur du village, il faut faire l’épreuve du tangena. Par conséquent, les personnes qui restent vivantes après cette épreuve sont présumées innocentes. En dehors de gens du village, d’autres catégories des personnes peuvent également subir l’épreuve du tangena.

Les autres personnes

De toute une population en passant par une famille entière, l’épreuve peut viser des gens du palais, un seul individu ou une seule personne suspectée. D’abord, la population toute entière subissait de l’épreuve si on ne connaissait pas l’auteur précis de l’acte. Quand un personnage important mourait, la population au milieu de laquelle avait vécu le défunt, devait se disculper de tout soupçon de maléfice à son égard. Cette même mesure était prise en cas de circoncision, le roi Andrianapoinimerina déclare l’utilisation de tangena pour la méfiance aux méchants gens qui veulent faire le mal aux enfants. La circoncision étant une épreuve très délicate et parfois dangereuse, il fallait éliminer toute possibilité d’entrave à son déroulement.

Ensuite, il y a aussi l’administration générale du tangena à tous les suspects, c’était le cas lors du projet de déplacement du roi qui ordonnait suivant l’expression consacrée, de tuer les rats au long du chemin qu’il pensait parcourir, c’est-à-dire d’exterminer tous les suspects. En outre, tout le peuple, officiers, devin, jeteurs d’anathèmes et d’autres; « environ plusieurs centaines, ont été forcés de boire le tangena pendant ces derniers mois (règne de Radama) et une vingtaine ont péri, fauchés en pleine santé et force. Leurs biens ont été confisqués et leurs familles sont réduites à la misère et à la ruine ». Par ailleurs, tous les membres de la famille subissent l’épreuve du tangena s’il y a parmi eux une personne soupçonnée. Cela signifie que tous les membres de la famille subissent les mauvaises conséquences d’un acte d’un seul membre. Il s’agit donc dans une certaine mesure d’une responsabilité solidaire de toute la famille.

Table des matières

INTRODUCTION
Première Partie Les pratiques du tangena à Madagascar
Chapitre premier L’HISTOIRE DU TANGENA A MADAGASCAR
Section première Les cas d’application du Tangena
Section 2 Les systèmes utilisés
Chapitre II LA RIVIERE ADMISE COMME PREUVE
Section première Les caractéristiques de cette rivière
Section 2 Les infractions concernées
Section 3 La force probante de la rivière
Deuxième Partie L’EPREUVE DE LA RIVIERE
Chapitre premier LES MECANISMES D’APPLICATION DE LA PREUVE
Section première Les règles fixées par la coutume
Section 2 Les règles légales en matière de preuve
Chapitre II LES CRITIQUES
Section première Pratique du tangena et droits fondamentaux
Section 2 A propos de la vie en société
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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