Viabilité des Institutions de Microfinance et adoption des technologies de l’information et de la communication
L’effet des TIC sur la performance et l’efficience des institutions bancaires : revue de la littérature théorique
Cette section est consacrée à la présentation du modèle théorique de l’effet des TIC sur le fonctionnement des institutions bancaires. L’impact des technologies sur la performance de ces structures est d’abord traité. Ensuite, le modèle théorique du lien entre ces outils et l’efficience est mis en évidence.
La performance des institutions bancaires
Avec l’essor du secteur de la Microfinance, les IMF sont contraintes d’être performantes. Avant d’exposer le modèle, il est important de définir le concept de performance.
Le concept de performance des IMF
On distingue deux (2) types de performance : la performance financière et la performance sociale. a. La performance financière La performance financière consiste à dégager un résultat positif et suffisant afin de couvrir les charges d’une institution. Les IMF doivent construire leur viabilité financière en couvrant leurs coûts par le produit de leur activité (AFD, 2008). Les charges concernent celles en relation avec la formation des clients à la vie économique, l’animation des groupes solidaires, les frais de couverture du risque. La prise en charge de ces dépenses n’est pas aisée pour les IMF car les produits d’intérêt provenant des petits prêts sont réduits. Elles doivent donc trouver des voies et moyens pour les maîtriser. Il s’agira de se comporter comme une société, qui a pour but de dégager un résultat positif et à être productive. Elles adopteront une gestion efficace et rigoureuse, mais aussi l’application d’un taux d’intérêt assez élevé pour leur permettre de se développer. Cependant, lors de la fixation du taux d’intérêt, elles se doivent de tenir compte de la population cible : ne pas fixer un taux qui va finir par décourager les membres. A ce niveau, les autorités de régulation joueront un rôle important. En effet, comme le constat a été fait dans certains pays, seules les institutions avec un volume d’activité élevé sont surveillées par les autorités. Les autres bénéficient d’un certain laxisme, dangereux pour le secteur, car les premières seront contraintes de fixer un taux élevé en relation avec les pressions des autorités. Alors que les secondes peuvent poursuivre leurs activités même si elles ne sont pas conformes à la réglementation (Kota, 2007). Dans le but d’atteindre la performance financière, les IMF sont également contraintes de ne plus dépendre de l’extérieur. La plupart fonctionnent à l’aide 12 Les notions de viabilité et de performance sont confondues dans la littérature sur les IMF. Les auteurs utilisent les deux (2) pour décrire la même situation. Nous utilisons le terme viabilité pour être en conformité avec les auteurs cités dans les paragraphes. 89 des subventions de l’Etat et des partenaires. Elles utilisent ces fonds afin de couvrir leurs charges. Le modèle à mettre en œuvre passe par la réduction de l’aide reçue par les structures qui constituent une contrainte importante à laquelle doivent faire face les IMF (chapitre 1). Plus généralement, l’aide extérieure peut être dangereuse pour le secteur entier ; car les structures bénéficiant d’abondantes subventions risquent d’évincer les institutions viables (Kota, 2007). En effet, celles qui sont autonomes doivent lutter afin de chercher les ressources nécessaires pour leurs opérations. Celles qui sont subventionnées se contenteront d’utiliser les fonds perçus, elles ne se préoccuperont pas du comment trouver les ressources, ni des résultats à la fin de l’année. La recherche de la performance financière est dans tous les cas indispensable pour la Microfinance afin de poursuivre son objectif d’intermédiation financière et d’accroitre ses membres. b. La performance sociale La performance sociale est l’aptitude d’une structure à atteindre un grand nombre d’utilisateurs. C’est un critère important pour juger de la productivité d’une IMF. Certes, la performance financière est indispensable pour des services en plein essor, mais elle ne garantit pas automatiquement la satisfaction des clients (Hachemi, 2007). Elle est donc insuffisante pour le développement de la Microfinance dont l’objectif premier est d’assurer des services bancaires aux populations pauvres. En plus de la performance financière, il est également indispensable de toucher les pauvres, les plus pauvres, de fournir des services de qualité et, surtout d’améliorer le niveau de vie des clients…, assumer la responsabilité sociale envers les clients, les employés et la communauté servie (Hashemi, 2007). La conformité des produits offerts aux besoins des populations ciblées doit être assurée. Ainsi, pour atteindre la performance sociale, les IMF doivent faire coïncider les intérêts de chaque acteur de l’institution et aussi faire des compromis si 90 nécessaire. Le partenariat ne peut se faire qu’en faisant participer les membres à l’activité des IMF notamment en discutant avec eux afin de recenser les problèmes auxquels ils sont confrontés et également en les consultant lors de la mise en place de nouveaux produits. L’association des membres à la prise de décision des IMF permettrait à ces acteurs de développer un sentiment d’appartenance et donc de mener à bien leurs activités. L’évaluation par l’IMF de la performance sociale est également indispensable. Elle suit un processus qui va de l’appréciation des produits par les clients à l’atteinte de l’objectif. Le Groupe de travail du Groupe Consultatif d’Assistance aux Pauvres (CGAP) énumère quatre (4) étapes pour effectuer cette évaluation (Annexe 6) : les IMF doivent d’abord savoir si leurs missions sociales coïncident avec les objectifs sociaux. Ensuite, elles procèdent à l’évaluation des systèmes et activités internes pour savoir si elles permettent de les atteindre les objectifs. Puis, les IMF vérifient l’effet des résultats obtenus, en particulier s’ils améliorent les conditions économiques et sociales des populations et si elles sont à la base de ces modifications. Cependant, les praticiens se demandent s’il est possible pour une IMF, d’être à la fois financièrement et socialement performantes. c. La performance financière et/ ou la performance sociale L’adéquation entre la performance financière et la performance sociale fait l’objet d’un débat entre les acteurs de la Microfinance. Certains pensent que les deux (2) performances ne sont pas compatibles, pour d’autres il est possible de les concilier. En effet, à la création des structures de Microfinance, la plupart d’entre elles n’avaient pas pour objectif de dégager un résultat. Elles étaient mises en place dans le cadre de projets de développement afin de servir des populations ciblées. Ces institutions sont dans ce cas de figure subventionnées par l’Etat et les bailleurs de fonds. Elles assuraient l’exercice de leurs activités à 91 l’aide de ces fonds extérieurs. Mais avec le temps et l’évolution du secteur de la Microfinance, les structures sont contraintes d’être financièrement performantes. En effet, les partenaires n’assistent pas financièrement les IMF au delà de la période projet ; et, ces dernières années la tendance est de plus en plus de passer à des formes d’organisation qui sont autonomes. Celles-ci sont contraintes dans ce cas de mettre en œuvre des mécanismes pour dégager des produits indispensables à la continuité de leurs activités, d’où leur tendance à chercher cette performance financière, objectif qui préoccupe certains acteurs du secteur. Pour ces acteurs les IMF ne peuvent pas être à la fois financièrement performantes et servir les populations à faible revenu. En se focalisant sur des objectifs commerciaux, elles risquent de délaisser les pauvres au profit des clients à revenu élevé. Selon les adeptes de cette thèse, en voulant être financièrement performantes, les IMF risquent d’utiliser des ressources qui pourraient accroitre leurs charges de fonctionnement. Les coûts des services proposés aux clients seront alors majorés. Etant donné que la population ciblée est pauvre, elle aura des difficultés à accéder aux services. Les individus riches seront dans ce cas les uniques bénéficiaires des services de la Microfinance au détriment des pauvres. Aussi, les IMF vont de plus en plus recentrer leurs activités vers les zones urbaines, qui sont plus faciles à servir… (Kota, 2007). Pour d’autres acteurs, il est possible de concilier la performance financière et la performance sociale. Ces deux (2) objectifs ne sont pas nécessairement contradictoires (Hachemi, 2007). Des réaménagements permettront de les atteindre. L’avenir de la Microfinance réside dans l’innovation : nouveau management, nouveau contrat et nouvelle attitude (Morduch, 1999). En moins de dix (10) ans, la Microfinance moderne a réussi à multiplier par six (6) le nombre de ses clients bénéficiaires ; les institutions sont de plus en plus nombreuses et elles se sont diversifiées (Labie, 2007). Ainsi, en dehors des produits de crédits et d’épargne, les IMF proposent également des produits 92 d’assurance et de transfert de fonds. Cestes, ces opérations auront des coûts élevés, mais l’histoire de la Microfinance a montré qu’un taux d’intérêt élevé ne décourage pas les pauvres. Avec l’utilisation des technologies, il est possible pour ces institutions de réduire leurs charges. 2. Modélisation de la performance des institutions bancaires Atteindre la performance nécessite la prise en compte de certaines variables notamment le contrôle, le portefeuille de crédit, les dépôts des membres, les TIC. a. L’impact de la qualité du portefeuille sur la performance L’activité d’intermédiation permet aux IMF d’accorder des crédits à leurs membres. Ces derniers doivent à la date d’échéance rembourser le montant perçu. Cependant certains mauvais payeurs tardent à s’acquitter de leur dette. Cette situation devient inconfortable pour l’institution. La qualité du portefeuille de prêt est un critère essentiel à maîtriser pour la réussite de l’institution (Barrès, 2006). Une étude de Abdou (2002) montre qu’elle a un impact positif pour les crédits à court terme, la stabilité macroéconomique et la capacité des établissements de crédit à distinguer, ex ante, les bons projets de ceux qui sont potentiellement mauvais. Aussi, l’histoire de la Microfinance, bien que récente, nous apprend que les problèmes de rentabilité des réseaux et des institutions sont presque toujours directement reliés aux problèmes de la délinquance (Royer, 2005), qui fait référence au nombre de prêts non remboursés d’une structure, car un portefeuille de prêt de mauvaise qualité entraine des conséquences importantes aux IMF. En effet, la délinquance apporte inévitablement des situations de pertes sur prêts et des coûts additionnels aux institutions (Royer, 2005). La mauvaise qualité du portefeuille, dans beaucoup de cas contraint les donateurs à recapitaliser ou à abandonner des projets sur 93 lesquels ils travaillent depuis des années (Christen et Flaming, 2009) et donc la disparition des structures qui appuient les populations à faible revenu. Aussi, un portefeuille à risque élevé aurait pour conséquence de limiter les produits tirés des activités de micro crédit et donc moins de fonds à prêter. Certaines IMF, surtout celles qui sont autonomes, comptent sur les remboursements des crédits afin d’assurer la continuité de leur activité. Lorsque le nombre d’impayés est élevé, les fonds prêtables s’amenuisent. Cette situation aura pour résultats le rationnement du crédit et à long terme l’impossibilité de fournir de façon durable des services de qualité à leur clientèle et par conséquent avoir un impact négatif sur leur résultat financier pour atteindre l’autosuffisance financière (Sène, 2007). La qualité du portefeuille a également un effet sur le refinancement des IMF. Lorsque les crédits impayés sont élevés, les banques deviennent plus méfiantes, ce qui explique que les IMF dont les portefeuilles sont plus risqués, aient moins de chance d’obtenir des financements auprès des banques (Fall, 2011). La qualité du portefeuille démontre aussi le niveau de risque que prend l’IMF. Selon Mersland et Strom (2007), plus l’institution a de l’expérience, plus les dirigeants acceptent des prêts à grand risque. Le non remboursement de ces prêts n’est donc pas favorable à l’IMF. A ce niveau, la réglementation sera importante. b. L’effet de la réglementation sur la performance L’existence d’un environnement réglementaire adéquat est indispensable pour la réussite des opérations d’une institution. La régulation a pour objectif de protéger les clients des banques notamment les épargnants et de prévenir les faillites des banques (Black et al. 1978). L’absence d’un tel cadre peut entrainer des effets néfastes sur leurs performances, car ces organisations peuvent prendre des risques élevés. Au nombre des difficultés des IMF de ces cinq (5) dernières 94 années, l’évolution exponentielle des risques financiers et opérationnels constitue une menace réelle pour la viabilité financière et la pérennisation du secteur (Honlonkou, 2009). Les risques sont notamment l’absence de contrôles des opérations à travers les états financiers et comptables, la réduction des précautions dans l’octroi des crédits. Pour réduire les risques spécifiques aux banques, les autorités devraient mettre sur place un cadre légal approprié et une supervision adéquate des banques (Powo Fosso, 2002). En Microfinance, le terme régulation vise à couvrir l’ensemble des mécanismes et des institutions qui encadrent le développement du secteur (Labie, 2007). A mesure que se développeront les activités de micro financement, les autorités réglementaires devront s’organiser de manière à pouvoir en assurer le contrôle (Roch et al., 1996). En effet, les activités des IMF doivent être suivies par les autorités compétentes pour s’assurer de leur bon fonctionnement. Ces contrôles concernent les informations fournies par les dirigeants à travers les documents financiers et comptables, destinés aux membres du conseil d’administration et aux investisseurs extérieurs. Ces parties concernées souhaitent obtenir confirmation, par un organisme indépendant, de la validité des ces informations et des systèmes qui les produisent (CGAP, 1998). La faible performance des IMF peut être aussi expliquée par le faible taux de respect des procédures, dû à la faible intensité du contrôle, la faible probabilité de détection des infractions lors des contrôles, … l’irrégularité du contrôle externe qui ne permet pas un bon contrôle des contrôleurs internes (Honlonkou, 2009).
INTRODUCTION GENERALE |