Le syndrome de lyse tumorale (SLT) est une urgence hémato- oncologique ayant des conséquences métaboliques potentiellement graves. Il s’agit d’un ensemble de troubles métaboliques observés essentiellement, mais non exclusivement, dans les hémopathies malignes à temps de dédoublement rapide. Le SLT résulte du relargage massif de produits de la dégradation cellulaire dans la circulation sanguine, dépassant les capacités d’épuration rénale. Les anomalies biologiques observées sont représentées par une hyperuricémie, une hyperkaliémie et une hyperphosphorémie associée à une hypocalcémie [1].
Le syndrome de lyse tumorale (SLT) apparait spontanément en cas de pathologie maligne, du fait de l’évolution tumorale dans quelques tumeurs ayant un taux de prolifération très élevé, tels le lymphome de Burkitt ou la leucémie aigue lymphoblastique. Habituellement, il est déclenché par la chimiothérapie anti-tumorale chez des patients ayant une tumeur très proliférante et sensible au traitement [2].
Les risques immédiats sont liés à l’hyperkaliémie et à la précipitation tubulaire d’acide urique et de phosphates pouvant être responsables d’insuffisance rénale qui constitue une complication métabolique sévère.
L’incidence du SLT reste sous-estimée ; en dehors des lymphomes de Burkitt et des leucémies aiguës lymphoblastique, où il est particulièrement fréquent et a été bien étudiée. Ce syndrome est associé à une morbidité ainsi qu’à une mortalité importante, rendant nécessaire sa reconnaissance et son traitement rapide et adapté [3-10].
Historique
Historiquement, le SLT a été décrit pour la première fois en 1929 par Bedrna.J et Polcak J. Le 1er cas était rapporté chez des patients suivis pour leucémie chronique présentant des précipitations intra-rénale de l’acide urique. Bedrna.J et Polcak J ont constaté que les précipitations se produisaient spontanément en raison d’une augmentation du renouvellement cellulaire ou comme une complication de la chimiothérapie conduisant à la destruction cellulaire rapide, comme décrit dans les leucémies et les lymphomes[11]. Zusman a rapporté dès 1973 des cas d’hyperphosphorémie avec hypocalcémie au décours du traitement de LAL [12].
Arseneau en 1975, à partir d’une série de 30 lymphomes de Burkitt a souligné, outre la corrélation entre les taux de LDH et l’importance de la masse tumorale, le lien entre cette dernière et la survenue de complications métaboliques, en raison de la grande chimio-sensibilité des cellules néoplasiques [13]. Ettinger a décrit en 1978 un cas de néphrocalcinose au cours d’une LAL avec hyperphosphorémie, hypocalcémie, insuffisance rénale transitoire et présence d’un calcul dense à l’échographie [14]. Kanfer a décrit en 1979 un cas de lymphome peu différencié qui a développé, après chimiothérapie une IRA liée à une hyperphosphorémie avec des lésions histologiques typiques de néphrocalcinose [15].
Le SLT est reconnu comme une entité clinique depuis 1980, première description complète, suite à la publication par Cohen L.F, des altérations observées chez 8 patients sur une série de 37 cas atteints d’un lymphome de Burkitt traités par chimiothérapie [16]. Il a mis en évidence le rôle tenu par l’importance de la masse tumorale dans la survenue des complications métaboliques et rénales et la primauté de l’acide urique à la phase pré-thérapeutique dans la genèse de ces troubles, et celle du phosphore en post-thérapeutique. D’autres auteurs ont cependant déjà souligné certains aspects de ces perturbations métaboliques et suggéré des mécanismes de la défaillance rénale rencontrée dans le SLT. Ainsi, la néphropathie uratique fut caractérisée la première [17-19] .
Le SLT a été identifié comme l’une des complications métaboliques fréquentes et graves des traitements anticancéreux nécessitant un traitement spécifique anticipé [20]. Il est principalement décrit dans les hémopathies malignes (Burkitt, LAL) par l’identification des troubles métaboliques secondaires à la chimiothérapie de type hyperkaliémie [21], hyperphosphorémie, hypocalcémie [12,22,23] et insuffisance rénale [14,24].
Plus récemment, l’émergence de nouveaux traitements anticancéreux a permis de mettre en évidence de véritables SLT secondaires à ces nouvelles thérapeutiques de plus en plus utilisées tels les anticorps monoclonaux [25-29].
Ainsi l’introduction de certains médicaments hypouricémiants notamment la rasburicase (Fasturtec®), a créé un réel progrès permettant de supprimer les complications observées lors de la mise en place d’un traitement curatif dans certaines hémopathies et tumeurs solides. Cela n’a pas fait disparaitre le SLT mais il a modifié les complications potentielles. La prévention et la surveillance restent donc nécessaires pour la bonne gestion de cette complication [30].
RAPPELS PHYSIOPATHOLOGIQUES
Le SLT se définit par l’ensemble des troubles métaboliques dû au relargage massif et rapide de composants intracellulaires dans la circulation sanguine, secondaire à la destruction des cellules tumorales .Ce relargage dépassant les capacités d’épuration rénale, est responsable des anomalies biologiques observées associant ainsi une hyperuricémie, une hyperkaliémie, une hyperphosphorémie avec une hypocalcémie. Les signes cliniques sont ceux associés à chacune de ces anomalies biologiques. Les risques immédiats sont liés à l’hyperkaliémie et à la précipitation tubulaire d’acide urique et de phosphores pouvant être responsables d’une insuffisance rénale. Les désordres métaboliques et fonctionnels engendrés, principalement au niveau rénal et cardiaque, peuvent mettre en jeu le pronostic vital du patient [31].
Le SLT se produit généralement après l’initiation de thérapies anticancéreuses englobant les médicaments cytotoxiques, les agents biologiques, les corticostéroïdes, les hormones et la radiothérapie, chez des patients atteints d’hémopathies malignes ou des tumeurs solides qui sont très sensibles au traitement. Plus rarement, le SLT apparaît spontanément comme une conséquence de l’augmentation de la lyse des cellules tumorales avant initiation de tout traitement anti-tumoral. On peut distinguer le SLT biologique, défini par l’ensemble des anomalies spécifiques dans les concentrations sériques d’acide urique et/ou des électrolytes, et le SLT clinique, défini comme SLT biologique accompagné de complications symptomatiques des déséquilibres métaboliques sous-jacents.
Les manifestations cliniques du SLT surviennent généralement 12 à 72 heures après le début du traitement et peuvent inclure une insuffisance rénale, des convulsions et une arythmie cardiaque [32].
En raison de la rapidité avec laquelle le SLT progresse et la gravité des conséquences cliniques courantes telles que l’IRA, le SLT est associé à une morbidité et une mortalité importantes. La prévention du SLT repose sur l’identification des patients à risque qui peuvent bénéficier d’une surveillance étroite et la mise en œuvre rapide de mesures prophylactiques. Compte tenu de la complexité de la prévention et du traitement du SLT, une approche multidisciplinaire impliquant la collaboration des oncologues médicaux, hématologues et les néphrologues a le plus grand potentiel d’assurer des résultats optimaux pour les patients.
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