Le superviseur musical, nouvel élément d’un paysage en mutation

Le superviseur musical, de sa genèse à aujourd’hui

Afin de mieux cerner le rôle que peut avoir le superviseur musical aujourd’hui en France, commençons par nous intéresser aux origines de la profession.
Si les fonctions principales qu’assument aujourd’hui les superviseurs musicaux ont toujours existé, la dénomination de « superviseur musical » n’est apparue qu’à la fin des années 1910 aux États-Unis. En 1917, la Cour Suprême des États-Unis met en place une nouvelle loi concernant l’exploitation musicale. Cette dernière prévoie que pour l’emploi à des fins commerciales de toute oeuvre déposée au registre de L’ASCAP (American Society of Composers, Authors and Publishers), une rémunération devra être versée à ses ayants-droit. Ce changement dans la législation a eu un impact important sur le septième art. Muet à l’époque, le cinéma faisait alors abondamment appel à des musiques lors des projections. La question de l’obtention des droits de ces dernières devint centrale, ce qui eut pour conséquence la création d’une nouvelle profession, celle de superviseur musical. Pendant de nombreuses années, le rôle du superviseur musical est resté cantonné à une partie administrative : il se contentait de valider ou non les choix musicaux des réalisateurs en fonction de leur faisabilité et de leur pertinence juridique.
C’est à partir des années soixante, et toujours aux États-Unis, que le travail pris en charge par les superviseurs musicaux s’est développé. Peu à peu, ses fonctions ont connu une extension significative qui l’a fait passer de simple valideur à un véritable acteur dans la responsabilité des choix en matière de musique de film. Les superviseurs musicaux ont pu ainsi prendre en charge le spotting (le choix des interventions musicales dans une oeuvre audiovisuelle), le placement des temp-tracks (musiques utilisées temporairement lors du montage dans l’attente des musiques définitives, qu’il s’agisse de musiques originales ou additionnelles), la gestion du budget alloué à la musique, la recherche et la sélection de musiques additionnelles, ou de compositeurs pour la musique originale, la promotion de certaines oeuvres musicales, l’organisation des sessions d’enregistrement ou encore les propositions sur la place de la musique au sein d’une production audiovisuelle.

Le superviseur musical, nouvel élément d’un paysage en mutation

Le développement de cette profession aux États-Unis a eu un impact sur les autres professionnels du milieu, notamment chez les compositeurs comme le souligne James Wierzbicki dans Film music : a history, son ouvrage sur la musique de film : « Pourtant il semble clair que, dans certains cas de figure au moins, le superviseur musical, ayant un pouvoir de décision sur la pertinence dramatique d’une oeuvre musicale spécifique voire d’une bande originale entière, a pris une part des responsabilités artistiques qui, au cours l’âge d’or de la musique de film [comprendre « de l’apogée du symphonisme hollywoodien »] appartenaient presque entièrement au compositeur. »3
Si aujourd’hui la profession de superviseur musical fait partie intégrante de l’industrie cinématographique aux États-Unis où sa place semble être incontournable dans la production d’un film, on ne peut pas dire qu’il en soit de même en France où ce métier manque encore de reconnaissance.

Processus de travail

Nous avons déjà évoqué certains aspects de la supervision musicale à travers certaines de ses missions mais nous essaierons à présent de définir les contours de ce métier.
Il est important de commencer par préciser que les termes de superviseur musical en France et de music supervisor aux États-Unis ne renvoient aujourd’hui pas tout à fait aux mêmes métiers. Aux États-Unis, l’industrie du cinéma connaissant une organisation très spécialisée, chaque fonction y est presque rattachée à un poste. Ainsi, le music supervisor ne sera affecté qu’à la recherche de musiques additionnelles tandis que la musique originale et sa production sera prise en charge par le score producer et que des juristes pourront s’occuper des aspects juridiques et administratifs liés à la mise en place des bandes originales.
En France donc, le superviseur musical, par son statut d’interlocuteur unique peut potentiellement être en charge de l’intégralité de la musique d’un film, qu’elle soit originale, préexistante ou bien un mélange des deux. « Il fallait que quelqu’un centralise, coordonne, rationalise et fasse un suivi artistique »6 explique Pascal Mayer dans une interview diffusé par le CNC.
Commençons par nous intéresser à ce que peut faire le superviseur en matière de musique originale.
Lorsqu’on parle du superviseur musical comme personne responsable de la musique originale, on pourra aussi employer le terme de « producteur exécutif ». Des échanges avec le réalisateur et les producteurs sur l’esthétique globale recherchée dans une oeuvre cinématographique peuvent correspondre à une première étape dans la démarche du producteur exécutif. Il pourra ainsi prendre part au débat et donner son point de vue sur ce que la musique peut apporter à l’univers mis en scène aussi bien au niveau esthétique que narratif. Le superviseur pourra ensuite être amené à trouver le compositeur dont les créations pourraient correspondre au projet qui se forme. Dans un entretien qu’il nous a donné, Martin Caraux explique qu’il proposera généralement, plusieurs compositeurs à un réalisateur qui lui en choisira un. Pendant la phase de création, le superviseur musical pourra avoir pour rôle de faciliter le dialogue entre les différentes parties : la production, le réalisateur et le compositeur. Ses discussions pourront porter autant sur le contenu artistique que sur des considérations et contraintes budgétaires, le superviseur musical étant responsable de l’enveloppe laissée par la production pour la musique du film.
Une fois les musiques originales ayant été approuvées par les différentes parties, le superviseur musical pourra être amené à prendre en charge leur production dans le cas où le compositeur ne s’autoproduirait pas. Il s’agira donc pour lui de trouver un studio et des musiciens, de négocier les conditions d’un contrat, d’organiser les éventuelles séances de répétition puis d’enregistrement et enfin de veiller au bon déroulement de la post-production musicale. Dans la démarche décrite, le superviseur participe avec chacun des partenaires au travail de création dès la conception du projet jusqu’à son aboutissement.

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Partenaires

La demande de supervision musicale ne se limite pas au cinéma. Tout projet pouvant comprendre de la musique peut faire appel aux services du superviseur musical. Si la musique à l’image représente lagrande majorité des projets du superviseur, certaines disciplines comme le théâtre ou la danse peuvent aussi avoir recours à ses services. Concernant la musique à l’image, la télévision et les agences de publicité constituent, avec le cinéma, les principales sources de revenus pour un superviseur.
En ce qui concerne le cinéma, les deux principaux interlocuteurs du superviseur musical sont la production qui s’intéressera notamment aux questions liées au budget, et le réalisateur, qui aura avec le superviseur des demandes plus axées sur le contenu esthétique du projet. Mais un troisième personnage dont le rôle est important peut intervenir dans les choix musicaux : le monteur. Dans le cadre de productions audiovisuelles à gros budget, chaque aspect du film sera assigné à des professionnels spécialisés et le poids de la parole du monteur sur l’aspect musical du film pourra être  plus relatif. En revanche dans des productions de taille plus réduite, le monteur peut être le principal conseiller musical en matière de musique pour le réalisateur. Renaud Barbier, compositeur, dans un entretien évoque cet aspect de la profession du monteur :  » [Le monteur] C’est […] la personne qui essaie les musiques et qui tout de suite réagit. On voit vite dans les yeux de la personne qui est à ce poste si cela fonctionne ou pas »10.
Efforçons-nous maintenant d’énumérer et de parler des différents partenaires du superviseur en matière d’offre de musique.
Nous avons déjà mentionné les différents partenaires du superviseur liés à la musique originale : compositeurs et artistes indépendants ou agences de compositeurs, agents d’artistes…
Le marché des musiques additionnelles lui comporte de nombreux acteurs et peu ainsi apparaître plus complexe. Il est aussi un marché ayant récemment connu d’importantes mutations. Les principaux types d’acteurs de la musique additionnelle sont ainsi les maisons de disque ou producteurs, et les éditeurs musicaux. On peut grossièrement classer les producteurs dans deux grandes catégories : celle des majors, les plus importantes maisons de disque dominant le marché (Universal, Sony & Warner) et les labels indépendants, aux dimensions plus réduites. Le business de la musique à l’image s’étant développé en France ces dernières années, son paysage a par conséquent quelque peu changé. « De nombreux interlocuteurs sont arrivés sur le marché : éditeurs indépendants, maisons de disque… C’est devenu un peu une jungle »11 nous dira Martin Caraux. Pour des raisons principalement économiques et que nous évoquerons plus tard, beaucoup de producteurs et d’éditeurs cherchent à assumer à la fois les fonctions de production et d’édition. Ainsi une major telle que Universal comprend une filière éditoriale : Universal Music Publishing Group.

Conclusion

Nous avons donc pu retracer dans cette première partie l’histoire de la supervision musicale, de son apparition aux États-Unis jusqu’à son implantation plus récente en France. Son développement s’inscrit dans la meilleure prise en considération de la place de la musique dans le cinéma français et dans la complexification des missions qui y sont liées. Nous nous sommes ensuite intéressés aux différentes fonctions que pouvait assumer le superviseur musical, les moments où il pouvait entrer en jeu ou encore son processus de travail. Nous avons évoqué ses différents partenaires au niveau de la demande comme de l’offre de musique et à la façon dont il pouvait faire le lien entre ces derniers.

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