Le suivi des changements d’occupation et d’utilisation des sols en milieu urbain et péri-urbain à partir d’images de télédétection à THRS
Problématique et enjeux de l’évolution de l’occupation des sols en milieu urbain et périurbain
Les changements d’occupation et d’utilisation des sols : définitions et enjeux Les changements d’occupation et d’utilisation des sols contribuent de façon significative aux interactions surface terrestre-atmosphère en influant notamment sur la biogéochimie de l’eau et de l’atmosphère, la circulation de l’atmosphère, la couverture pédologique, et sur la biodiversité en jouant un rôle sur la structure et le fonctionnement des écosystèmes, la diversité des espèces ou encore la fragmentation des structures paysagères [Hubert-Moy 2004]. En retour, ils constituent un élément essentiel de la réponse anthropique au changement global. Les causes de ces changements sont pluri-factorielles. Ainsi, Lambin et Strahler [Lambin & Strahler 1994] ont listé cinq catégories de facteurs explicatifs des changements d’occupation du sol : les changements climatiques sur le long terme, les processus écologiques tels que l’érosion des sols et les changements de végétation, les altérations de l’homme sur la nature et les paysages telles que la déforestation et la dégradation des territoires, et l’effet de serre causé par les activités humaines. La connaissance des transformations actuelles (inférieures au siècle) des surfaces terrestres représente un enjeu important pour l’évaluation de l’état de l’environnement, qu’il s’agisse de conversions, c’est-à-dire du passage d’une catégorie d’occupation ou d’utilisation du sol à une autre, ou de modifications qui représentent une évolution à l’intérieur d’une même catégorie suite à des changements affectant ses attributs physiques ou fonctionnels [Hubert-Moy 2004]. Ainsi, les changements de l’occupation et de l’utilisation des sols constituent un des critères principaux à prendre en considération au niveau de la mise en oeuvre de décisions fondées sur le concept de développement durable, que ce soit à une échelle globale, régionale ou locale. Précisons que l’occupation des sols correspond à une description physique de l’espace, qui désigne l’occupation (bio)physique observée des surfaces terrestres (végétation, sols, surfaces minérales, eau) et est observée par l’oeil humain ou par des capteurs, notamment par télédétection. L’utilisation des sols correspond quant à elle le plus souvent à une description des surfaces selon leur finalité socio-économique (zone industrielle, de loisirs, parcelle agricole… ), et dans une moindre mesure à une suite d’opérations visant à tirer des produits ou bénéfices des ressources du sol et qui relèvent des pratiques agricoles (fauche, pâture, labourage, fertilisation, récolte… ). Dans la plupart des applications, les changements que l’on cherche à identifier et caractériser relèvent à la fois de l’occupation et de l’utilisation, ce qui explique le caractère hybride des nomenclatures des classifications [Turner & Meyer 1994]. De façon pratique, on observe l’occupation des sols à partir de données de télédétection et on en 10 LEFEBVRE, Antoine. Contribution de la texture pour l’analyse d’images à très haute résolution spatiale : application à la détection de changement en milieu périurbain – 2011 1.1. Problématique et enjeux de l’évolution de l’occupation des sols en milieu urbain et péri-urbain déduit l’utilisation des sols à partir de connaissances expertes en y associant souvent des informations dérivées d’autres données telles que des cartes thématiques. Les changements majeurs intervenus au cours des derniers siècles, qui se traduisent par des conversions d’usage des terres telles que la déforestation, ont été largement localisés et identifiés à l’échelle mondiale [Geist 2006]. À l’inverse, les changements progressifs, de faibles intensités, ou qui affectent de petites étendues sont encore largement méconnus et sous-estimés ; or, si considérés individuellement ils contribuent peu aux échanges énergétiques globaux, leurs effets cumulés peuvent influencer ces derniers et surtout, ils peuvent entraîner des conséquences environnementales ayant un impact majeur à une échelle locale, voire régionale. Ainsi, le drainage des zones humides provoqué par une intensification agricole qui inclue une extension des terres agricoles est non ou peu perceptible à une échelle globale, mais peut localement modifier radicalement la qualité des eaux. Autre exemple : l’artificialisation des terres provoquée par l’étalement urbain entraîne des conversions d’usage des sols très localisées mais qui peuvent impacter très fortement sur le fonctionnement hydrologique des zones touchées par ce processus à travers une augmentation sensible du ruissellement de surface, ce qui contribue au phénomène d’inondations. Selon leur nature, les changements d’occupation et d’utilisation des sols sont donc caractérisés par des intensités, des rythmes et des formes très variés, allant de mutations brusques ayant une grande emprise spatiale (générées par exemple par certains types de catastrophes naturelles à des modifications subtiles et régulières affectant de petites surfaces de quelques dizaines de km2 , telles que des changements de pratiques sur des parcelles agricoles) en passant par des changements brusques et irréguliers touchant de petites superficies, comme l’étalement urbain [Lambin et al. 2001]. La détection de changements est un processus qui comprend plusieurs opérations. Dans [Macleod & Congalton 1998], les auteurs en décrivent quatre pour la détection de changements appliquée au suivi de ressources naturelles : identifier le changement (détecter si un changement est apparu ou non), déterminer sa nature, mesurer sa surface (son emprise spatiale) et estimer la précision de sa délimitation. Cette approche, qui ne se limite pas à la seule identification du changement mais prend en compte son aspect spatial, permet de ne pas se restreindre à l’étude de conversions, mais d’interpréter des changements plus subtils (modifications). Dans [Khorram et al. 1999], Khorram et al. se sont concentrés sur l’emprise spatiale des changements : « Ils peuvent affecter des zones entières de manière uniforme et instantanée, alors que certains peuvent être lents, sans réelles frontières entre les classes, tandis que d’autres peuvent présenter des configurations spatiales complexes ».
L’étude des changements d’occupation des sols en milieu urbain et péri-urbain
L’urbanisation provoque des changements importants de l’occupation des sols et des activités qui sont à l’origine de la dégradation croissante des écosystèmes et de la 12 LEFEBVRE, Antoine. Contribution de la texture pour l’analyse d’images à très haute résolution spatiale : application à la détection de changement en milieu périurbain – 2011
Problématique et enjeux de l’évolution de l’occupation des sols en milieu urbain et péri-urbain santé des citoyens
Les villes consomment des ressources naturelles, émettent aussi des polluants et produisent divers déchets, ce qui entraîne différents types de pollutions, une artificialisation des sols, et des ruptures d’équilibre au sein des flux qui régissent le fonctionnement du système urbain [Kalil 2010]. Ainsi, la préservation, voire la restauration des écosystèmes sont devenues un des enjeux majeurs actuels du développement urbain. La majeure partie des villes sont confrontées à une série de problèmes environnementaux telles que la dégradation de la qualité de l’air et de l’eau, l’émission de gaz à effet de serre, la production de déchets et d’eaux usées, ou encore l’étalement urbain. Les principales causes de ces problèmes ont été identifiées [Rousseau 1992] : la croissance démographique, la modification des modes de vie avec la dissociation des lieux de travail et d’habitat qui entraîne l’augmentation croissante de l’utilisation des voitures, l’utilisation croissante des ressources naturelles, et la densification des villes qui entraîne des problèmes de circulation, de bruit et de pollution. Face à ces problèmes, les principaux enjeux environnementaux à l’échelle urbaine, qui ont été récemment recensés par Kalil [Kalil 2010] sont les suivants : – La gestion des milieux « naturels » : la biodiversité (faune et flore) représente un des éléments contributifs à la qualité du cadre de vie et à l’équilibre de l’écosystème urbain [Clergeau 2007]. Des programmes locaux, nationaux et internationaux sont actuellement menés afin d’améliorer le patrimoine naturel en ville. Le suivi de l’évolution de l’organisation des structures paysagères qui, au sein de l’espace, influent sur les flux de populations animales et végétales, en particulier sur leur isolement, constitue donc un enjeu de taille pour la biodiversité. – La préservation ou la restauration de la qualité de l’air : la pollution de l’air qui est générée par les activités industrielles, la circulation routière et le chauffage a des effets reconnus sur la santé et l’environnement. La qualité de l’air (extérieur, mais aussi intérieur) est considérée aujourd’hui comme un des enjeux majeurs en terme de santé publique. Ainsi, la plupart des communautés urbaines en France ont mis en oeuvre des systèmes de surveillance permanente de la qualité de l’air et développent des moyens de transport en site propre afin de réduire les sources d’émission de polluants. – La gestion de la qualité de l’eau : la préservation de la qualité de l’eau est un enjeu vital, tant pour l’homme que pour les écosystèmes. Les prélèvements effectués sur la ressource en eau pour le développement économique et social, que ce soient pour les usages industriels, domestiques, agricoles ou d’aménagement urbain, entraînent des problèmes de gestion de la ressource, tant sur le plan de la qualité (rejets polluants qui impliquent des coûts importants de retraitement) que de la quantité (pénurie observée dans certains cas). – La gestion de l’énergie : la consommation croissante d’énergie en ville pour le chauffage, les activités industrielles, les transports et l’aménagement urbain entraîne des problèmes tels que l’épuisement des ressources fossiles (charbon, pétrole), l’augmentation de la production de gaz à effets de serre et de déchet.