Physiologie du cycle menstruel
Les menstruations sont un phénomène physiologique caractéristique de la race humaine, des grands singes, ou encore de la chauve-souris. Elles se produisent de manière cyclique et correspondent à un écoulement sanguin survenant tous les mois à une fréquence plus ou moins régulière. En effet, ce cycle dure en moyenne 28 jours, mais il peut être plus long ou plus court. Par définition, le cycle menstruel correspond à l’ensemble des phénomènes temporels qui se déroulent entre deux écoulements de sang des menstruations. Les menstruations sont donc la partie visible du cycle menstruel, mais de multiples phénomènes ont lieu au cours de ce cycle permettant le déroulement normal de la fonction de reproduction humaine. Le premier jour du cycle correspond au premier jour des règles. S’ensuit une croissance de l’endomètre utérin tout au long du cycle, jusqu’à l’apparition de nouvelles règles, et donc, d’un nouveau cycle. Le cycle utérin se compose donc, chronologiquement, de plusieurs phases. La phase de desquamation entre J1 et J4 qui correspond aux menstruations, et donc à l’écoulement sanguin. Ce phénomène se produit par une chute hormonale. En effet, on constate une chute des taux plasmatiques d’œstrogènes et de progestérone due à la dégénérescence du corps jaune. En résulte alors une ischémie provoquant une nécrose des glandes, du chorion et des vaisseaux qui entraine les règles à proprement parler. La phase de régénération entre J5 et J8 pendant laquelle l’endomètre va se reconstituer par la stimulation des œstrogènes. L’épithélium de surface va se reconstituer, les artérioles et les glandes vont s’allonger. La phase de prolifération entre J9 et J14 où les artères et les glandes vont continuer à s’allonger. Les artères vont se spiraliser.
La phase de transformation glandulaire de J15 à J21. Sous l’action de la progestérone et des œstrogènes, les glandes deviennent plus longues et plus sinueuses. Les artérioles continuent, elles, leur spiralisation. La phase de sécrétion glandulaire de J22 à J28. C’est la dernière étape du cycle, où les glandes vont devenir très contournées, et les artérioles atteignent leur spiralisation maximale.
Caractéristiques cliniques des menstruations
Les menstruations apparaissent donc en moyenne tous les 28 jours. Les cycles menstruels peuvent cependant être plus longs, ou plus courts. Elles durent en moyenne entre 3 et 6 jours. Des règles qui durent plus de 7 jours sont considérées comme pathologiques. Il s’agit d’un liquide hématique et incoagulable, constitué de sang composé d’éléments figurés du sang (3×1012 hématies/L), et un taux d’hémoglobine moyen de 13,2 g/dl . On retrouve également des débris endométriaux constitués de fragments de glandes et des cellules du chorion regroupées en amas . Des études ont démontré que la méthode d’estimation clinique la plus fiable de la perte menstruelle est le compte par la patiente elle-même, et l’appréciation semi-quantitative du degré d’utilisation de serviette et de tampons . Elles correspondent à un écoulement sanguin variant entre 20 et 100 millilitres selon les femmes. Il existe d’importantes variations inter-personnelles, en particulier en fonction du poids et de l’activité sportive. En revanche, il n’y pas de variation en fonction de l’âge, ou de la parité. Une étude a ainsi été effectuée pour l’équipe du professeur Hallberg indiquant que la quantité normale des pertes sanguines était de 43,4 ml+/- 2,3 ml. Environ 90% des pertes sanguines ont lieu lors des trois premiers jours du cycle menstruel.
Nous pouvons noter par ailleurs que l’évaluation des pertes menstruelles par les femmes est relativement imprécise. En effet, 30% des femmes présentant une perte sanguine supérieure à 80 ml pensent que leurs règles sont normales et 20% des femmes présentant des pertes inférieures à 20 ml pensent que leurs pertes sont importantes.
Pathologies du cycle menstruel et hémorragies génitales
Comme vu précédemment, le cycle menstruel n’a pas toujours une durée de 28 jours. La durée du cycle peut être variable, sans que cela ne soit pathologique. Cependant ces variations, lorsqu’elles sont trop marquées, peuvent avoir un impact sur la santé reproductive de la femme. Nous notons une modification significative qui 6 peut porter sur la fréquence (règles trop ou trop peu fréquentes), sur l’intensité des règles (saignements trop abondants ou trop faibles) ou sur la combinaison des deux . Ces dysfonctionnements sont très fréquents. En effet, la prévalence est estimée à près de 25% des femmes entre 30 et 49 ans . Ainsi, nous notons parmi ces pathologies : Des anomalies quantitatives des menstruations : L’hyperpolyménorrhée (ou ménorragie) : correspond à des règles abondantes survenant sur une période de plus de 8 jours. Elle touche de 5 à 20% des femmes âgées de 30 à 49 et 12% des consultations sont liées à ce problème. L’aménorrhée : correspond à l’absence totale de règles. L’aménorrhée est dite primaire s’il n’y a jamais eu de menstruation, et secondaire si elle survient chez une femme antérieurement réglée et qui se définit par une absence de règles pendant au moins 3 mois . Elle peut être due à une interruption de l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien ou à une anomalie anatomique utéro-vaginale. L’hypoménorrhée : correspond à des règles peu abondantes au cours d’un cycle qui dure moins de 3 jours. On peut, lorsqu’elle prend des proportions pathologiques, la rapprocher de l’aménorrhée. D’après l’enquête réalisée par l’observatoire de la médecine générale en 2009 réalisée auprès de 503 femmes, 9,9% rapportaient des troubles du cycle menstruel. Des anomalies de la durée ou de la régularité des cycles menstruels La pollakiménorrhée : correspond à des règles fréquentes en raison de cycles menstruels courts (<20 jours). La spanioménorrhée : correspond à des cycles longs (>45 jours) et, par conséquent, des règles peu fréquentes. Elle peut être due à la présence d’un syndrome des ovaires polykystiques. L’Anisoménorrhée : correspond à des cycles irréguliers. Une anomalie qualitative du cycle menstruel Dysménorrhée : correspond à l’ensemble des douleurs qui surviennent au moment des règles. Pour A. Fignon, elle peut être définie comme «une douleur suffisamment notable au moment des règles pour que la femme en précise assez nettement le début et la fin, douleur responsable d’absentéisme, de médications ou de perturbations de l’activité». La dysménorrhée est primaire lorsque les douleurs ne constituent pas un symptôme d’un trouble gynécologique sous-jacent. A l’inverse, elle est considérée comme secondaire lorsque les douleurs engendrées sont reliées à un trouble gynécologique à type d’endométriose, d’adénomyose ou malformation utéro-vaginale. La fréquence est estimée, dans la littérature, à entre 30 et 50% des femmes en âge de procréer. Les mécanismes de la douleur des dysménorrhées font intervenir trois facteurs : l’hypercontractibilité myométriale, l’hypoxie tissulaire et la sensibilisation des terminaisons nerveuses aux stimuli nociceptifs.
La place de la femme dans le sport
Le nombre de femmes pratiquant une activité sportive a considérablement augmenté ces dernières années. La fédération française d’éducation physique et de gymnastique volontaire, avec 540 000 licenciés dont 94% de femmes, se place à la 5e position des fédérations françaises en terme du nombre de licenciés. Les femmes représentent ainsi 37% de l’ensemble des licenciés dans les différentes fédérations sportives françaises et 38% des sportifs de haut niveau. Ces deux derniers chiffres étant en constante progression ces dernières années.
Les sports les plus pratiqués par les femmes sont la gymnastique, la danse, l’équitation, le patinage et la natation. Ainsi, le site du Sénat insiste sur le fait qu’il est tout à fait approprié de parler de «sexuation des disciplines». Par exemple, l’équitation recense 79,4% de femmes et la gymnastique compte 78,9% de licenciées féminines, alors que le football ne compte que 2,7% de femmes parmi ses licenciés. On relève également un faible taux de licenciation chez les femmes. En effet, si 64% des femmes disent avoir pratiqué une discipline sportive durant l’année écoulée, seules 37% d’entre elles déclarent avoir acquis une licence, même si, comme rappelé précédemment, ce chiffre est en progression.
Brigitte Deydier, ancienne judokate de haut niveau, a, pour le compte du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, rendu un rapport nommé « Femmes et sports » en 2003. Dans ce rapport, elle relève que «…les femmes sont plus autonomes, c’est-à-dire moins liées à une structure sportive» que les hommes. Les femmes optent également plus facilement pour des disciplines dites d’entretien de la forme physique, plutôt que de la pratique intensive sportive. La place des femmes dans le sport est également régulièrement évaluée par le ministère par le biais d’une enquête nommée « Les chiffres clés du sport ». Cette enquête révèle que le taux de pratique d’une activité sportive selon le sexe et l’âge est sensiblement le même pour les hommes et les femmes pour les classes d’âge de 15 à 24 ans et de 25 à 44 ans. Pour la population plus âgée, une différence plus conséquente est constatée, les hommes pratiquant des activités physiques de manière plus assidue.
La triade de la femme sportive
Si les inégalités entre les hommes et les femmes persistent dans le monde du sport, il est, malgré tout, évident que le nombre de femmes pratiquant régulièrement du sport, en compétition ou non, a significativement augmenté ces dernières décennies. Cette pratique plus intense, et plus fréquente, a mis en lumière une relation existante entre cette pratique sportive et le cycle menstruel de la femme.
En 1992, l’American College of Sports Medicine (ACSM) décrit pour la première fois la « triade de la femme sportive ». Ce syndrome associe trois notions : l’ostéoporose, les troubles alimentaires et le déficit énergétique. Ces trois facteurs sont associés, et le terme de triade est employé pour souligner le fait qu’ils ont chacun des répercussions sur l’autre. Ainsi, la pratique trop intensive d’une activité sportive peut engendrer un surentrainement ou une restriction alimentaire qui entrainera un déficit énergétique. Ce déficit peut avoir un impact sur le cycle menstruel par carence en œstrogènes. Il a été prouvé que les troubles du cycle menstruel s’accompagnaient classiquement d’une réduction parallèle de la vitesse de croissance et du pic de masse osseuse. Le déficit énergétique : on parle également de « baisse de la disponibilité énergétique ». C’est la quantité d’énergie nécessaire au corps pour subvenir au besoin du métabolisme de base. Il peut être provoqué par une dépense calorique trop importante ou un régime alimentaire trop stricte. Le déficit énergétique peut donc entrainer une aménorrhée. Thierry Adam dans Gynécologie du sport souligne ainsi que « tout se déroule comme si le corps semblait ressentir un stress physique et percevoir l’insuffisance des réserves énergétiques pour assurer une grossesse : dans de telles situations, l’ovulation s’arrête ». Des études ont prouvé que les femmes sportives en aménorrhées présentaient un déficit nutritionnel par rapport aux dépenses énergétiques (700 à – 1000 kcal/jour) . L’aménorrhée : Il a été démontré que l’apparition des troubles menstruels croissaient en fonction de l’intensité de la pratique sportive. L’insuffisance lutéale et l’anovulation sont les deux anomalies les plus fréquentes chez les sportives, et présentent la particularité d’être asymptomatique. De plus, l’axe gonadotrope de la femme est très sensible au stress. L’aménorrhée peut toucher toutes sortes de sportives, mais certaines catégories sont plus à risque.
Ainsi, on retrouve un fort taux d’aménorrhées chez les sportives devant entretenir un poids corporel bas et une silhouette fine comme la gymnaste, la nageuse, la coureuse de fond ou la danseuse classique. Une étude réalisée sur des nageuses qui s’entrainaient en moyenne 15 heures par semaine a relevé une forte prévalence d’oligoménorrhées de près de 50%. Cette même étude a retrouvé, chez ces sportives, un plus fort taux de testostérone, avec près de 72% d’entre elles qui présentaient un taux supérieur à 5 ng/ml (taux qui caractérise les populations dites androgéniques). Une étude grecque a également démontré que, chez la gymnaste artistique, les ménarches apparaissaient en moyenne 18 mois à 3 ans plus tard que la population normale. Il a également été démontré, dans cette étude, que ce retard de maturation sexuelle avait un impact direct sur la croissance de ces jeunes gymnastes, ce qui prouve, encore une fois, la corrélation qui existe entre le cycle menstruel et la croissance osseuse.
L’ostéoporose : c’est une maladie squelettique caractérisée par une diminution de la densité osseuse. L’os sera plus fragile et, par conséquent, le risque de fracture augmentera. L’étude de Warren et al. a ainsi démontré que 54% des danseuses aménorrhéiques de leur population ont subi une fracture de fatigue contre 17% des danseuses présentant des cycles de la menstruation normaux. Comme cité auparavant, l’hypœstrogénisme, phénomène courant chez les sportives, entraine une augmentation de la résorption osseuse et une mauvaise formation de la masse osseuse.
Table des matières
Introduction
Revue de la littérature
1. Généralités sur le cycle menstruel
1.1. Physiologie du cycle menstruel
1.2. Caractéristiques cliniques des menstruations
1.3. Pathologies du cycle menstruel et hémorragies génitales
1.4. Les menstruations dans l’histoire
1.5. Le syndrome pré-menstruel
2. La femme sportive
2.1. Le sport et ses différentes pratiques
2.2. La place de la femme dans le sport
2.3. Ces femmes qui ont marqué l’histoire du sport
3. Troubles du cycle de la sportive
3.1. La triade de la femme sportive
3.2. Prise en charge et traitement des troubles du cycle menstruel de la sportive
3.3. Fécondité féminine et pratique sportive intense
4. La prise de contraception chez la femme sportive
4.1. Utilisation de la contraception dans la population générale
4.2. Utilisation de la pilule oestro-progestative chez la femme sportive
5. Impact des règles sur la pratique sportive
5.1. Les menstruations impactent-elles la performance sportive ?
5.2. Impact psychologique des menstruations sur la sportive
Problématiques, hypothèses et méthodologie de l’enquête
1. Problématiques et hypothèses
2. Méthodologie de notre enquête
2.1. Population ciblée
2.2. Déroulement de l’étude
2.3. Démarche effectuée
2.4. Outils employés
2.5. Points forts et points faibles de notre étude
Résultats
1. Renseignements généraux et pratique sportive
1.1. Age de la population
1.2. Sport pratiqué
1.3. Temps de pratique sportive par semaine
1.4. Nombre d’années de pratique sportive en compétition
2. Perception des règles
2.1. Caractéristiques des règles
2.2. Douleur provoquée par les règles
2.3. Cotation de l’EN
2.4. Connaissance des SPM
2.5. Confrontation aux SPM
3. Contraception et pratique sportive
3.1. Utilisation d’une contraception
3.2. Moyen de contraception utilisé
3.3. Age lors de l’utilisation de la première contraception
3.4. Utilisation en continu de la pilule
3.5. Absence de règles provoquées par la pilule
3.6. Régularité des cycles
3.7. Cause de l’irrégularité des cycles
3.8. But de la prise de la contraception
3.9. Raison du contrôle des règles
3.10. But du contrôle des règles
4. Impact des menstruations sur la pratique sportive
4.1. Gêne induite par les règles
4.2. Appréhension induite par les règles
4.3. Caractéristique de l’appréhension induite par les règles
4.4. Limitation induite par les règles
4.5. Influence des règles sur la pratique sportive
Discussion
1. 1er constat : les règles sont douloureuses. Est-ce normal ?
2. Influences du nombre d’heures de pratique sur les caractéristiques des menstruations
3. Connaissance des SPM
4. La pilule : réel moyen de régularisation des règles ?
5. Les raisons du contrôle des règles
6. Gêne et appréhension lors de l’apparition des règles : sport et menstruations sont-ils compatibles?
7. Les menstruations : une entrave à la réussite sportive ?
Conclusion
Bibliographie
Annexes