Les coprs pédonculés: centre de contrôle du sommeil

Le sommeil chez la drosophile

Chez la drosophile, les études du sommeil reposent principalement sur la technologie de laser qui a été à l’origine conçue pour étudier le comportement circadien (Figure 15). Les périodes de sommeil et d’éveil sont ainsi définies en fonction des mesures de l’activité locomotrice

Les coprs pédonculés: centre de contrôle du sommeil

Chez la drosophile, les techniques de cribles génétiques classiques ont permis d’identifier de nombreux composants moléculaires. Les gènes isolés à partir des cribles génétiques comprennent ceux codant: Shaker (canal potassique voltage-dépendant), plusieurs neurotransmetteurs (dopamine, octopamine et sérotonine), des molécules qui font partie de la voie de l’AMPc, des stéroïdes, des protéines de choc thermique ou chaperons, des protéines impliquées dans le rythme circadien, des protéines impliquées dans le transport des ARNm (Fmr1) et des protéines qui jouent un rôle dans la structure de la chromatine.
Des recherches antérieures avaient révélé que nombre de ces gènes étaient également importants pour l’apprentissage et/ou la mémoire (donc la plasticité synaptique). Il a été démontré que l’expression de la plupart de ces gènes est fortement enrichie au niveau des CPs, centre de la mémoire olfactive. D’autres études sont venues confirmer cette corrélation positive entre la plasticité synaptique et le besoin de sommeil. En effet, l’exposition à un environnement enrichie qui va accroitre la force synaptique dans plusieurs circuits neuronaux provoque une augmentation de la quantité de sommeil (Bushey et al., 2011; GangulyFitzgerald et al., 2006).
Un criblage anatomique à l’aide de la protéine ShiTS a permis d’identifier les structures du cerveau qui régulent le sommeil. Cette étude a confirmé le rôle des CPs dans ce processus car c’est le blocage de cette structure qui produit la plus grande réduction du temps de sommeil (Pitman et al., 2006). Comme il a été démontré que la durée du sommeil est inversement proportionnelle à l’activité de la PKA (Hendricks et al., 2001), Joiner et al. ont exprimé une isoforme constitutivement active de la PKA dans différents sous-types de neurones et ont ainsi confimé l’importance des CPs (Joiner et al., 2006). Récemment, d’autres neurones (« ExFl2 ») jouant un rôle dans le sommeil on été identifiés par l’équipe de Paul Shaw (Donlea et al., 2011). Il s’agit de neurones qui projettent au niveau du corps en éventail.
L’activation de ces neurones provoque l’endormissement de la drosophile.

Les différents mécannismes impliqués dans le sommeil et la mémoire

Différents composants ont été indépendament impliqués dans le contrôle du sommeil et la formation de la mémoire :
Le produit du gène fmr1 est enrichi dans les CPs au niveau des épines dendritiques (Feng 1997) (Schenck et al., 2002). L’une des caractéristiques de sa perte de fonction correspond à un défaut de suppression des synapses immatures (Comery et al., 1997; Hinton et al., 1991; Irwin et al., 2002; Restivo et al., 2005). A l’inverse, la surexpression de FMR1 chez la drosophile provoque un « sous développement » dendritique et axonal, ainsi que la perte de la différenciation synaptique (Pan & Broadie, 2007; Pan et al., 2004). De plus, il a été constaté que le temps de sommeil augmente lorsque la fonction de FMR1 est perdue, et diminue lorsque FMR1 est surexprimé dans les CPs de drosophiles adultes (Bushey et al., 2009). Cette protéine est aussi impliquée dans la formation de la MCT et de la MLT chez la drosophile (paradigme du comportement de cour) (Banerjee et al., 2010).
ii) L’octopamine et la dopamine sont des signaux d’éveil. Leur rôle dans l’apprentissage et leurs effets sur les CPs par l’activation de la voie PKA a été particulièrement bien caractérisé. Ainsi, ces neurotransmetteurs sont nécessaires pour l’apprentissage appétitif et aversif, respectivement (Schwaerzel et al., 2003), et la PKA pourrait interagir avec Shaker et Quiver afin de moduler l’excitabilité au niveau des CPs et donc l’eveil (Yao & Wu, 2001).
iii) La sérotonine régule le sommeil chez la drosophile via le récepteur d5-HT1A au niveau des CPs. L’augmentation du taux de sérotonine de façon génétique ou pharmacologique augmente le taux de sommeil chez les drosophiles sauvages (Yuan et al., 2006; Yuan et al., 2005). Pour ce qui est des effets sur la mémoire, il a été démontré que la régulation de la sérotonine est critique pour la formation de la mémoire de lieu (Sitaraman et al., 2008). De plus, il a été démontré que l’augmentation ou la diminution du taux de sérotonine améliore ou réduit respectivement la MRA (Lee et al., 2011). La libération endogène de sérotonine viendrait des neurones DPM qui projettent sur les lobes !/ » (Lee et al., 2011). iiii) L’hormone ecdysone coordonne le développement post-embryonnaire et est nécessaire pour le remodelage neuronal (Hewes, 2008). L’administration d’ecdysone chez des drosophiles adultes augmente le temps de sommeil de manière dose-dépendante, alors que le blocage de la synthèse d’ecdysone ou celui du récepteur de l’ecdysone (EcR), réduit le temps de sommeil (Ishimoto & Kitamoto, 2010). Pour ce qui est des effets sur la mémoire, l’ajout d’ecdysone lors d’un conditionnement (paradigme de comportement de cour) améliore la MLT, alors que l’ajout ecdysone pendant la consolidation altère la mémoire (Ishimoto et al., 2009). De plus, un conditionnement espacé et une privation de sommeil aboutissent tous deux à une augmentation du taux d’ecdysone. Enfin, le traitement par l’ecdysone augmente l’activité de CREB (Ishimoto & Kitamoto, 2010). Dans l’ensemble, ces résultats montrent que le système ecdysone peut représenter un mécanisme systémique capable non seulement de contrôler la plasticité du cerveau en réponse à la stimulation de l’environnement, en particulier dans les CPs, mais aussi d’affecter directement le sommeil.
Enfin, il a été montré que la quantité de sommeil est augmentée chez des drosophiles qui ont été conditionnées avec un protocole de comportement de cour qui génère de la MLT (Ganguly-Fitzgerald et al., 2006). Par la suite, la même équipe a démontré que l’induction du sommeil (grace aux neurones « ExFl2 ») après un protocole qui génère de la MCT provoque la formation de MLT (Donlea et al., 2011). La régulation du sommeil est donc importante pour la consolidation de la MLT.
Les CPs sont étroitement impliqués dans la réorganisation spatiale et temporelle des traces mnésiques, comme indiqué par les résultats d’imagerie calcique (Berry et al., 2008). Le fait que ces traces mnésiques peuvent persister pendant une période de 24 h suggère que le sommeil peut avoir un rôle fonctionnel, peut-être de favoriser la réorganisation des souvenirs à travers différents circuits du cerveau, semblable à la réactivation et la redistribution des mémoires dépendantes de l’hippocampe vers les régions néocorticales qui pourraient se produire pendant le sommeil lent, au moins chez les mammifères (Diekelmann & Born, 2010; Rattenborg et al., 2011). Malheureusement, l’imagerie calcique est invasive et peu propice à l’analyse de la physiologie des états comportementaux. Ainsi, on ignore si le sommeil est important pour l’apparition et/ou le transfert de ces traces mnésiques.

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Effet de la réduction du sommeil sur l’apprentissage et la mémoire

Les études chez la souris ont montré qu’une privation de sommeil juste après l’apprentissage (paradigme de conditionnement de peur) perturbe la formation de la mémoire spatiale (Smith & Rose, 1996; Smith & Rose, 1997), empêche la formation de la mémoire de reconnaissance des nouveaux objets (Palchykova et al., 2006b) et des « contextual fear » (où l’animal apprend à associer un environnement à l’US) mais pas des « cued fear » (où l’animal apprend à associer un stimulus, comme un son, à l’US) (Graves et al., 2003; Vecsey et al., 2009). Des études complémentaires avec le « Morris water maze » ont permis de montrer que la privation de sommeil affecte de manière différente les différentes mémoires. Ainsi, les mémoires dépendantes de l’hippocampe sont sensibles à une privation de sommeil alors que les mémoires indépendantes de l’hippocampe sont plus résistantes aux privations de sommeil (Guan et al., 2004; McDermott et al., 2003; Ruskin et al., 2004).
Il est connu que la formation de la mémoire au niveau de l’hippocampe nécessite une plasticité synaptique dépendante de l’activité de la PKA (pour review: (Nguyen & Woo, 2003)). Or, il a été démontré qu’une courte privation de sommeil perturbe le fonctionnement de l’hippocampe en réduisant la quantité d’AMPc via l’activation de phosphodiestérases (Vecsey et al., 2009). La privation de sommeil pourrait donc perturber la consolidation en modifiant l’activité de la voie AMPc/PKA. Cette modification pourrait expliquer pourquoi les mémoires indépendantes de l’hippocampe sont plus résistantes aux privations de sommeil.
Des études réalisées en appliquant des privations de sommeil avant le conditionnement chez l’Homme ont permis de montrer que l’encodage des mémoires temporelles (Harrison & Horne, 2000; Yoo et al., 2007), verbale (Drummond & Brown, 2001; Drummond et al., 2000) et émotionnelle (pour revue (Walker & Stickgold, 2006)) est moins bonne lorsque les individus sont en dette de sommeil.
Il est possible chez l’Homme de réaliser des privations de sommeil sélectives. De telles études ont mis en évidence l’importance du SWS pour les mémoires déclaratives et du REM pour la mémoire procédurale (Plihal & Born, 1999). Cependant, les privations spécifiques des différentes étapes du sommeil sont difficiles à interpréter car le réveil est luimême source de stress ce qui peut influencer la consolidation de la mémoire.
L’étude de mutants a permis de confimer le lien entre sommeil et mémoire. Ainsi, les drosophiles mutantes qui présentent un temps de sommeil réduit présentent aussi des défauts de MCT (paradigme de conditionnement de lieu « heat box conditioning ») (Bushey et al., 2007). Par la suite, plusieurs études ont utilisé la privation de sommeil pour analyser le rôle du sommeil dans la consolidation ou bien l’effet de manque de sommeil sur l’apprentissage. Il a ainsi été démontré qu’une privation de 6 à 12 h de sommeil entraine des défauts d’apprentissage (paradigme aversif de suppression phototaxique) ce qui montre une homologie importante entre les drosophiles et les mammifères (Seugnet et al., 2008). Il a aussi été démontré qu’une privation de 24 h est délétère pour la MCT olfactive aversive (Li et al., 2009b). Cependant, une période de repos de 4 h après la privation est suffisante pour que les drosophiles récupèrent des capacités congnitives normales. De plus, le blocage de la transmission synaptique des CPs ou la réduction de la quantité d’AMPc dans les CPs pendant la privation de sommeil permet de sauver le défaut de MCT (Li et al., 2009b).

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