Revue de la littérature
Afin de comprendre les problèmes entrainant le non viabilité des centres de santé, nous avons consultés les travaux de différents auteurs sur le système de recouvrement des coûts, le fonctionnement des centres de santé communautaire et les déterminants de la viabilité de ces centres de santé. Pour ce faire, nous avons visité la bibliothèque de l’INSPC Mahamasina, le centre de documentation de la Banque Mondiale Anosy, le centre de documentation de l’OMS Andraharo.
Le système de recouvrement des coûts
Nous avons mené une étude sur le système de recouvrement des coûts pour analyser son fonctionnement. En effet, les Pharmacies Communautaires étaient crées à partir de ce système. La contribution des usagers au financement des coûts de santé, communément appelée système de recouvrement des coûts, a été prônée suite à l’initiative de Bamako.
L’objectif étant de substituer le financement étatique par le financement privé. Suite à cette initiative, le financement des dépenses de santé doit être assuré par les usagers. Initialement, dirigé sur la disponibilité en produits pharmaceutiques par la vente de médicaments génériques à bas prix au niveau des centres de santé pour garantir l’application du paquet minimum d’activité (PMA), le principe s’est étendu permettant au niveau des centres de santé de base, de couvrirl’ensemble du budget de fonctionnement . La mise en place du système propose trois modes de paiement :
Le paiement des différentes prestations : le patient paie pour la consultation mais aussi pour les différents actes qui lui sont prescrits ainsi que pour les médicaments.
Le paiement forfaitaire : le principe repose sur un prix unique pour chaque consultation, qui comprend à la fois le prix de l’acte effectué par le personnel de santé et le prix des médicaments délivrés.
La cotisation périodique : c’est une approche qui s’apparente aux principes des mutuelles, la population cotise selon une périodicité choisie et bénéficie des soins gratuits ou à tarif préférentiel. Le non exclusion des consommateurs est une des caractéristiques d’un bien public tel que la santé. Or le recouvrement des coûts a induit une barrière financière pour l’utilisation des services par les populations les plus pauvres. Les groupes sociaux vulnérables tels que lespersonnes âgées, les enfants, sont les plus affectés par la mise en place de ce système.
Les centres de santé communautaire
Afin de mieux comprendre les problèmes qui entraînent la dissolution des services de santé communautaire, nous avons analysé les travaux de certains chercheurs sur la viabilité des centres de santé. Dans ce contexte, nous avons retenu la théorie de Bruno GALLAND et Denis FONTZINE qui stipule que les trois axes dont : soins, financement, et management ; doivent être pris en compte afin d’assurer la viabilité d’un service de santé. Selon GALLAND, le recouvrement des coûts ne pourra être effectué si les soins ne sont pas attractifs pour la population (distance, qualité des soins) et si les décisions de gestion ne sont pas appliquées. La capacité du centre de santé à couvrir ses coûts suppose une fréquentation suffisante du centre, et des acteurs qui contrôlent les recettes et limitent les dépenses superflues.
Les points forts et points faibles des centres de santé communautaire
Leur premier atout réside dans le fait qu’ils sont caractérisés par un mode de gestion privé à but non lucratif. En tant qu’établissements à but non lucratif, ils ont pour but d’apporter aux usagers les services qu’ils attendent à un prix raisonnable. Donc ils permettent un meilleur accès au soin des populations. Une étude réalisée au Tchad a montré que 70% de la population ont déclaré que les coûts des soins dans les centres de santé communautaire sont à leur portée. D’autre part, ils ont pour but de promouvoir la responsabilisation des citoyens à l’égard de leurs problèmes de santé par le biais des participations communautaires et ils utilisent des médicaments essentiels qui sont moins coûteux. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, les médicaments essentiels sont « ceux qui satisfont aux besoins prioritaires de la population en matière de santé. Ils sont choisis en tenant compte de leur intérêt en santé publique, des données sur leur efficacité, de leur innocuité et de leur coût/efficacité par rapport à d’autres médicaments ».
Audit des locaux et des équipements des PHACOMI.
Observation des pièces comptables
Lors de notre passage dans les PHACOMI, nous avons consulté les pièces comptables afin de vérifier les recettes et dépenses, les commandes et les livraisons de médicaments afin de connaitre les problèmes sur la gestion financière et la gestion des stocks des médicaments. Les documents suivants ont fait l’objet de notre vérification : les fiches de stock de médicaments, les fiches journalières de vente, les bons de commande, les bons de livraison. Par ailleurs, nous avons approché le centre d’achat de médicaments essentiels SALAMA, qui est le fournisseur officiel des PHACOMI, pour nous donner des informations disponibles sur les comptes de ces pharmacies. L’objectif étant de faire une comparaison des données afin d’en assurer une plus grande fiabilité. Outre la méthode qualitative, nous avons effectué des recherches quantitatives afin d’appuyer notre recherche sur des résultats chiffrés.
Méthode quantitative
Enquêtes auprès des militaires
Afin d’étudier les problèmes liés à la fréquentation des PHACOMI, nous avons effectué des enquêtes auprès des militaires. Pour ce faire, nous avons élaboré un questionnaire d’enquête (visible en annexe), l’instrument utilisé est composé essentiellement de questions fermées afin de faciliter l’enregistrement des réponses. L’enquête menée en 2011, de la phase de préparation jusqu’à la réalisation, a duré 6 mois.
Zone d’intervention
Nous avons mené ces enquêtes auprès des cinq régiments militaires dans lesquels il y a une PHACOMI à savoir : RTS (PHACOMI de Fiadanana), 1/RM 1 (PHACOMI d’Analakely), 3 e RG (PHACOMI de Manjakandriana), 1/RM4 (PHACOMI de Majunga), RAL (PHACOMI de l’Imeritsiatosika).
Population cible
La population d’étude est constituée par les militaires travaillant au sein des régiments militaires supposés desservis par la PHACOMI. Nous nous sommes focalisés sur les militaires car ils sont les premières cibles des PHACOMI. Critère de sélection : sont inclus, les militaires ayant effectué au moins trois années de service au moment de l’enquête dans les régions militaires enquêtées. Sont exclus, les militaires qui sont de passage dans ces régions militaires. La durée est un facteur important dans la définition de la population cible, car certaines PHACOMI ont été dissoutes depuis trois ans (2009). Donc cela évitera de fausser les données sur la variable « connaissance de la PHACOMI ».
Déroulement de l’enquête
Afin de tester la compréhension des questions et la pertinence des réponses attendues, nous avons effectué un pré-test. Nous n’avons pu recruter qu’un seul enquêteur du fait de la limitation de nombre de personnes qui peuvent accéder aux camps militaires. Les enquêtés ont été tirées de façon aléatoire en respectant la proportion des personnes utilisatrices (50%) ou non utilisatrices (50%) des services de la PHACOMI. Concernant la démarche de collecte de données, nous avons commencé par enquêter les personnes ayant fréquenté cette pharmacie.
Saisie et analyse des données
Les questionnaires dûment remplis ont été vérifiés avant d’être validés. L’étape suivante consistait à saisir les données des questionnaires validés. Les données ont été enregistrées sur Excel puis sur le logiciel les logiciels EPI6 info. Nous avons utilisé le test de Chi deux ou test d’indépendance pour l’analyse des données. L’objectif de cette analyse était de tester la corrélation entre les variables dépendantes et les variables indépendantes afin de déterminer les problèmes qui entravent à la fréquentation et à la bonne gestion de la PHACOMI. Pour cefaire, nous avons utilisé le logiciel EPI6 Info. Ceci nous a permis d’étudier les caractéristiques des variables suivantes :
Les caractéristiques des infirmeries militaires
L’offre de soins
Le paquet Minimum d’Activités ou PMA dans un CSB
A Madagascar, l’organisation des soins fait appel à trois niveaux : les formations sanitaires de base pour les premiers contacts (CSB1, CSB2, Centre Hospitalier du District), les hôpitaux de première référence et les hôpitaux de deuxième référence. Nous avons pris comme références les centres de santé de base de premier niveau (CSB2) car ils assurent un paquet minimum d’activités (PMA) correspondant aux soins prévus offerts par les infirmeries militaires. Le paquet minimum d’activité est l’ensemble des moyens techniques pour lutter contre les principales causes de mortalité et de morbidité, spécifiques à chaque pays.
A Madagascar, le PMA pour les CSB2 se subdivise en soins curatifs et soins préventifs. Les soins préventifs concernent : la vaccination des enfants et des femmes en âge de procréer, les consultations prénatales, la prévention des IST/SIDA, l’accouchement normal, la planification familiale, et le suivi de la santé bucco-dentaire. Les soins curatifs portent sur la prise en charge des maladies et la réalisation des analyses de base (en laboratoire).
L’offre de soins dans les infirmeries militaires
D’après les interviews menées auprès du personnel des infirmeries militaires, deux types de soins sont dispensés dans ces infirmeries notamment : les services préventifs et les services curatifs. Les services curatifs concernent essentiellement la consultation externe tandis que les soins préventives portent sur : la surveillance de l’hygiène générale et individuelle, le contrôle de l’entrainement physique militaire, la pratique des visites et examens systématiques pour les militaires, les visites prénuptiales pour les couples, les visites prénatales pour les femmes enceintes, la pratique de la vaccination pour les nouveaux recrus, la vaccination des femmes enceintes et des enfants, le dépistage de la VIH et à la planification familiale.
Pour les soins préventifs, selon le personnel des infirmeries enquêtées, 100% des infirmeries militaires réalisent le contrôle de l’entrainement physique et les visites systématiques des militaires.
Les caractéristiques des PHACOMI
Le système d’approvisionnement et la disponibilité des médicaments
Le système d’approvisionnement des PHACOMI est clairement défini par leurs statuts. Suivant ce document, le gérant élabore avec le médecin chef un bon de commande suivant le catalogue annuel de la centrale d’achat SALAMA et l’envoi au Coordinateur et au Directeur pour signature. Ensuite, le bon de commande et le chèque seront envoyés à la centrale d’achat SALAMA. Après 5 jours au maximum les médicaments seront livrés chez les PHACOMI avec un bon de livraison. C’est le gérant qui s’occupe de leur réception. La figure ci-après présente le système d’approvisionnement des PHACOMI selon leur statut.
Le personnel
L’interview avec le gérant de chaque PHACOMI nous a permis de connaitre les caractéristiques du personnel travaillant au sein des PHACOMI.
En ce qui concerne l’effectif du personnel, deux personnes travaillent au sein de chaque PHACOMI dont le gérant et le dispensateur. Ce dernier est à la fois caissier. Il est à noter que les personnels de la PHACOMI sont tous des militaires et ils ont été désignés par leur chef hierarchique pour assurer ces fonctions. Pour la formation, 100% des gérants enquêtés ont affirmé que ni les gérants ni les dispensateurs ne disposent pas de compétences en matière de pharmacologie et/ou en gestion de médicaments. Leur formation initiale s’est limitée sur la distribution des médicaments. En plus ils ont mentionné qu’aucune formation supplémentaire n’a été dispensée durant leur période de travail. Concernant la motivation, les 5 gérants interviewés ont affirmé qu’aucune motivation (autre que leur salaire en tant que militaire) n’a été octroyée pendant leur période de travail.
Le système de gestion des PHACOMI
Concernant la gestion et contrôles des ressources financières, l’étude des outils de gestion ont porté sur la consultation des pièces comptables suivantes : Feuilles journalières de vente, la Fiche de stock, le Cahier de caisse, le Bon de commande et le Registre des recettes et des dépenses. Le tableau suivant nous montre les pièces comptables existant dans chaque PHACOMI.
Sources et utilisations des financements
Les sources de financement des PHACOMI prévus par les statuts sont : les recettes des ventes de médicaments, les dons. La marge bénéficiaire prévue par les statuts est de 10% sur les prix des médicaments achetés au SALAMA. L’interview réalisée auprès des gérants des PHACOMI nous a permis d’étudier les budgets de ces pharmacies. Parmi les 5 gérants interviewés, 3 ont affirmé que le prix de vente des médicaments est le prix d’achat au central SALAMA majoré de 10% tandis que les 2 restants pratiquent une marge bénéficiaire de 20% sans avoir consulté le Commandement. Les 5 gérants interviewés ont affirmé qu’aucune aide ni subvention n’a été reçue depuis la création des PHACOMI.
Pour les dépenses, le statut des PHACOMI stipule que les dépenses de ces pharmacies portent exclusivement sur l’achat de médicaments et les dépenses de fonctionnement. Selon les 5 gérants interviewés, les ressources générées sont en grande partie (90%) utilisées pour l’achat de médicament. Les 10% restantes sont destinées aux dépenses de fonctionnement (achat de fournitures, frais de déplacement pour l’achat de médicaments,…). Les salaires du gérant et du dispensateur sont à la charge de l’Etat car ils sont payés en tant que militaires. Toute fois, le gérant de la PHACOMI de la RTS a noté que faute de budget destiné à l’entretien des infrastructures, ils ont du prélever une certaine somme dans la caisse de cette pharmacie pour effectuer un renouvellement du local. Par ailleurs, le gérant de la PHACOMI de la 3 ème RG a mentionné qu’il a octroyé des crédits aux militaires lors de l’achat des médicaments. Orcertains d’entre eux ne remboursent plus leur dette.
Les caractéristiques des bénéficiaires
Caractéristiques socio-démographiques
Grade des militaires
Le grade des militaires est un indicateur pertinent qui détermine le niveau de revenu des militaires. Le diagramme suivant montre la proportion des cadres et des hommes de troupes parmi les militaires enquêtés. Il est à noter que la catégorie des cadres comprend : les officiers et les sous-officiers. Le résultat de ce graphe montre que 44% des enquétées ont été des officiers, 34% des sous-officiers et 22% des hommes de troupe. Le niveau de grade est un indicateur important car il détermine le revenu des militaires.
Table des matières
REMERCIEMENTS
LISTE DES ABREVIATIONS
LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES GRAPHIQUES
INTRODUCTION
PARTIE I : MATERIEL ET METHODES
I- Matériel
I.1. Le Service de Santé Militaire
I.2. Les Pharmacies Communautaires Militaires (PHACOMI)
I.3. Comparaison entre la PHACOMI et les autres types de pharmacies communautaires
II- Méthodes
II.1. Méthode Qualitative
II.2. Méthode quantitative
PARTIE II : RESULTATS
I. Les caractéristiques des infirmeries militaires
I.1. L’offre de soins
I.2. Le personnel de santé
II. Les caractéristiques des PHACOMI
II.1. Le système d’approvisionnement et la disponibilité des médicaments
II.2. Le personnel
II.3. Le système de gestion des PHACOMI
II.4. Sources et utilisations des financements
II.5. Caractéristiques des infrastructures et équipements des PHACOMI
II.6 Accessibilité géographique et temporel des PHACOMI
III. Les caractéristiques des beneficiaires
III.1. Caractéristiques socio-démographiques
III.2. Fréquentation des centres de santé
III.3. Achat de médicaments
PARTIE III :ANALYSE ET DISCUSSION
I- Faible fréquentation des PHACOMI par les militaires
I.1. La faiblesse de la fréquentation des PHACOMI liée aux caractéristiques des infirmeries militaires
I.2. La faiblesse de la fréquentation des PHACOMI liée aux caracteristiques des PHACOMI
I.3. La faiblesse de la fréquentation des PHACOMI liée aux caracteristiques des bénéficiaires
II- Insuffisance des ressources financières des PHACOMI
II.1. Faiblesse de la capacité financière des PHACOMI
II.2. Problème de recouvrement des achats à crédit par les militaires
III- Les problèmes liés à l’organisation des PHACOMI
III.1. Insuffisance des ressources humaines et des équipements
III.2. Défaillance du système d’approvisionnement
III.3. Faiblesse de la gestion des PHACOMI
IV- SUGGESTIONS
IV.1. Amléioration de la gestion des PHACOMI
IV.2. Amélioration de l’organisation des PHACOMI
IV.3 Mobilisations des ressources des PHACOMI
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIES
ANNEXES