Le sérodiagnostic de Widal et Félix

Caractères antigéniques

Comme toutes les Enterobacteriaceae, les Salmonella possèdent des antigènes somatiques O (situé dans la paroi). Il en existe 67, on distingue l’antigène O majeur caractérisant un groupe de Salmonella et l’antigène O mineur qui est accessoire. La délétion par mutation de l’antigène O entraîne une perte partielle ou totale du pouvoir pathogène.
Les Salmonella possèdent également des antigènes flagellaires H. Ils sont présents sous deux formes différentes (phase). Soit sous les deux formes simultanément (diphasique) soit sous la forme d’une seule phase (monophasique).Ces deux phases sont codées par deux gènes différents mais très voisins, ils doivent provenir de la duplication d’un même gène ancestral. Enfin, Salmonella ser. Typhi, S. ser. Paratyphi C et S. ser. Dublin possèdent l’antigène capsulaire de nature polyosidique Vi pouvant masquer l’antigène somatique O. Ce dernier est démasqué par destruction de l’antigène Vi (chauffage à 100 °C pendant 10 min) [5].

Pouvoir pathogène

Les salmonelloses peuvent revêtir trois aspects :
– Les formes septicémiques
Ce sont les fièvres typhoïdes et paratyphoïdes dues aux sérovars Typhi et Paratyphi A, B, ou C. Ce sont des septicémies à point de départ lymphatique. Chez le nouveau-né ou le jeune enfant, d’autres sérovars comme S. Panama ou S. Wien peuvent être responsables de septicémies qui mettent en jeu le pronostic vital.
La fièvre typhoïde est fréquente dans les pays à bas niveau d’hygiène (plus de dix millions de cas par an). Après une incubation de 7 à 10 jours, elle se traduit par un syndrome infectieux sévère accompagné de troubles digestifs et d’un état d’obnubilation (tuphos). En l’absence de traitement l’évolution se poursuit pendant plusieurs semaines et peut se compliquer d’hémorragies ou de perforations intestinales. La mortalité est de 10 à 20 p. 100 [24].
– Les salmonelloses purement digestives
Elles sont dues à des sérovars autres que ceux impliqués dans la fièvre typhoïde. Les sérotypes les plus fréquemment incriminés sont S. Typhimurium, S. Panama, S. Enteritidis, S. Wien, S. Dublin, S. Saintpaul, S. Newport, S. Stanleyville, S. Havana [8].
Les toxi-infections alimentaires à Salmonella surviennent 12 à 48 heures après l’ingestion de l’aliment contaminant. Elles se traduisent par de la diarrhée, des vomissements, une fièvre modérée. En règle général la guérison intervient en quelques jours. La maladie peut cependant être grave sur un terrain fragile. La fréquence des entérites à Salmonella au cours du S.I.D.A. est à noter.
Les entérites à Salmonella s’observent principalement chez le jeune enfant.
Des épidémies peuvent survenir dans des collectivités de nourrissons.
Les infections intestinales à salmonelles peuvent se présenter sous la forme de cas sporadiques ou bien d’épidémies pouvant revêtir l’aspect d’une intoxication alimentaire collective. Ces infections figurent parmi les principales causes de diarrhées d’origine bactérienne [1].
– Les formes extra-digestives
Ces formes surviennent plus volontiers chez des malades immunodéprimés. Diverses localisations secondaires peuvent s’observer : osseuses (en particulier chez les drépanocytaires), méningées (chez le nourrisson), artérielles (chez le sujet âgé). On peut également observer des cholécystites, des infections urinaires [24].
Les infections intestinales peuvent aussi être suivies parfois d’une complication aseptique, l’arthrite réactionnelle [1].

facteurs de pathogénicité

La voie naturelle d’infection à salmonelles est digestive. Les bactéries pénètrent dans la muqueuse intestinale, au niveau de l’iléon et du colon. Sur l’iléon la pénétration se fait principalement au niveau des plaques de Peyer, à travers les cellules M. Les bactéries se multiplient dans les plaques de Peyer et dans les autres tissus lymphatiques associés au tube digestif. Elles gagnent ensuite les ganglions mésentériques. L’infection s’arrête à ce stade s’il s’agit d’une infection intestinale [21]. Lorsqu’il s’agit d’une infection systémique (comme dans le cas de la fièvre typhoïde) les bactéries migrent par voie lymphatique jusqu’au système circulatoire et vont se répandre dans l’organisme [1]. Les bactéries seront fixées par le système réticulo-endothélial principalement au niveau du foie et de la rate où leur multiplication se poursuit. À partir du foie, des bactéries gagnent les voies biliaires et pourront réensemencer l’intestin. Pour infecter leur hôte les salmonelles utilisent différentes armes :
Adhésines
La plupart des bactéries pathogènes pénètrent dans l’organisme au niveau des muqueuses. Pour qu’elles puissent coloniser et éventuellement envahir les muqueuses, les bactéries doivent d’abord y adhérer grâce à des protéines de surfaces, appelées adhésines. Chez certaines bactéries, ces adhésines sont exprimées sur des pili.
Les salmonelles possèdent plusieurs types de fimbriae qui jouent probablement un rôle dans l’adhésion à la muqueuse intestinale [21].
Invasion des cellules épithéliales
Pour passer la muqueuse digestive, les salmonelles utilisent un groupe de gènes chromosomiques (réunis dans un îlot de pathogénicité) qui leur permettent d’envahir des cellules épithéliales. Au contact d’une cellule ces gènes sont activés. Certaines des protéines produites vont être exportées et induire au niveau de la cellule épithéliale des remaniements du cytosquelette qui aboutissent à l’ingestion de la bactérie par la cellule épithéliale. Autrement dit la bactérie transforme la cellule épithéliale en une cellule phagocytaire [21].
Survie et multiplication dans les macrophages
Une propriété importante des salmonelles est leur capacité à se multiplier dans les macrophages et éventuellement dans les cellules épithéliales. Lorsqu’elles sont phagocytées par des macrophages, les salmonelles restent dans le phagosome. Elles peuvent induire la mort du macrophage par apoptose. On connaît au moins deux groupes de gènes impliqués dans la multiplication intramacrophagique, l’un est situé sur le chromosome (dans un îlot de pathogénicité) , l’autre sur un plasmide, dit plasmide de virulence, qui est présent chez tous les sérovars pathogènes, à l’exception notable du sérovar S. Typhi.
En raison de leur localisation intracellulaire les salmonelles sont peu sensibles à l’action des anticorps. L’immunité contre les infections systémiques est principalement due aux lymphocytes T CD4+. Cela explique la fréquence et le caractère persistant des infections à salmonelles chez un sujet ayant un déficit de l’immunité cellulaire (sida) [21].

Transmission

La contamination humaine se fait habituellement par l’ingestion d’eau ou d’aliments contaminés. Ces derniers sont le plus souvent d’origine animale (coquillages, viandes hachées, œufs).
La contamination peut aussi être d’origine humaine et liée à des manipulations par un personnel porteur de salmonelles [24].

diagnostic biologique

Lors d’une salmonellose, il faut toujours chercher à isoler le germe responsable. Cela permet une caractérisation précise pour une enquête épidémiologique et l’étude de sa sensibilité aux antibiotiques [24].
– Diagnostic direct : Isolement de salmonella * Hémoculture
Elles sont réalisées de préférence lors des ascensions thermiques. Il faut effectuer plusieurs prélèvements et à chaque fois, il est préférable de recueillir environ 10 ml de sang car le nombre de bactéries par ml est souvent faible au cours des fièvres typhoïdes [24].
La réalisation ne pose pas de problèmes techniques : les salmonelles poussent sur milieux usuels. L’hémoculture est surtout utile lors des fièvres typhoïdes et paratyphoïdes. Pour l’ensemencement des ballons, on prélève une quantité du sang du malade égale au 1/10è du volume du milieu de culture contenu dans le ballon.
Par la suite, les hémocultures sont placées à 37°C et sont incubées 5 à 10 jours puis sont quotidiennement examinées. Des repiquages systématiques sont effectués au troisième et au dixième jour [7].
* Coprocultures
Au cours des salmonelloses, l’excrétion des germes dans les selles peut être faible. De plus les salmonelles sont en nombre inférieur à des espèces commensales : Escherichia coli et Proteus.
Il faut donc, pour les isoler, utiliser à la fois des milieux d’enrichissements et des milieux sélectifs.
À la réception du prélèvement un milieu d’enrichissement et un milieu sélectif sont ensemencés [24].
Milieux d’enrichissements
Ils permettent à l’aide d’antiseptiques sélectifs inhibant les autres bactéries d’accroître la proportion de Salmonella. Un bouillon de Müller-Kauffmann au tétra thionate ou un bouillon au sélénite de sodium sont ensemencés et repiqués après une incubation de 18 à 37°C [8].
Milieux sélectifs
Ces milieux gélosés contiennent des antiseptiques, des sels biliaires qui empêchent la croissance de certaines espèces bactériennes et inhibent l’envahissement par les proteus.
Ils permettent de repérer les colonies suspectes par la fermentation de certains sucres (lactose) et la production d’ H2S. La gélose Hektoen est généralement préférée au milieu SS (Salmonella-Shigella). Des milieux utilisant des substrats chromogènes ont été développés récemment, ils permettent un repérage aisé des colonies de salmonelles. Au deuxième jour après incubation de ces milieux à 37°C :
– le milieu d’enrichissement est repiqué sur un milieu sélectif qui sera examiné le lendemain.
– cinq colonies suspectes (lactose (-) et H2S (+)) repérées sur le milieu sélectif ensemencé la veille, sont l’objet d’une caractérisation biochimique succincte, puis, si les caractères sont ceux d’une Salmonelle, d’une identification précise et enfin d’un sérotypage [8].

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