Le sentiment d’efficacité personnelle
Nous l’avons vu, le SEP influence les compétences dans leur acquisition et leur utilisation. Bandura (1997/2007) a, en effet, prouvé dans ses recherches qu’en fonction du SEP, la motivation et donc les comportements des individus dépendent plus de ce qu’ils croient que de leurs capacités réelles. Sur le SEP, Carré (2004) précise que « l’auto-efficacité est également reliée aux autres concepts motivationnels que sont la formation de buts et de standards personnels, les attentes de résultats et d’attributions causales, avec lesquels elle entre en interaction dans le déclenchement, l’orientation, l’intensité et la persistance du comportement » (p 41). Le SEP joue donc un rôle important dans le comportement que va prendre un individu.
Dans les classes, les élèves peuvent obtenir des résultats insuffisants, notamment pour deux raisons. Comme l’a démontré Vygotski (1934/1997), il se peut que les apprentissages à faire ne se situent pas dans la zone proximale de développement. C’est-à-dire que pour une tâche ou une activité donnée, un élève n’a pas les compétences suffisantes pour y arriver. Cependant, il se peut aussi que l’élève n’ait pas un bon sentiment d’efficacité personnelle et donc, malgré le fait d’avoir les compétences nécessaires pour y arriver, il ne fait pas un usage optimal de celles-ci, l’amenant à une performance insuffisante. Pour un fonctionnement efficace, lors d’une tâche ou d’une action, il faut, en effet, à la fois des capacités et la croyance de pouvoir être efficace pour pouvoir bien utiliser ces dernières. La mise en œuvre des capacités est donc médiatisée par le SEP. Quand on sait que la mobilisation des capacités permet de développer les compétences elles-mêmes à l’origine des apprentissages, le SEP dans l’école devient alors un enjeu majeur. Il nous faut alors faire référence aux quatre sources du SEP selon Bandura (1997/2007).
L’expérience active de maîtrise
Les expériences actives de maîtrise servent d’indicateurs de capacité. En d’autres termes, c’est la manière dont interprète un individu la réussite d’une tâche complexe. Ici, c’est bien la façon dont le résultat est interprété, plus que le résultat en lui-même, qui influence le SEP. Le développement des croyances d’efficacité par ce biais permet d’atteindre une performance efficace future grâce à la création de dispositions cognitives et autorégulatrices. Le sentiment d’être capable de réussir à nouveau une tâche similaire et même plus complexe en est évidemment influencé. C’est à travers les expériences actives de maîtrise que le SEP est le plus influencé.
Ce sentiment est à la fois un produit de l’expérience, mais il est aussi constructeur d’expérience. En effet, selon Bandura (1997/2007) « l’évaluation d’efficacité contient plus d’information que l’action exécutée » (p. 127). Par exemple, la constatation que l’utilisation d’une certaine stratégie amène à une performance élevée dans un certain contexte, donne une information en retour qui vaut la peine d’être retenue. Avec cette constatation, cette stratégie va, en effet, être stockée dans la mémoire de l’individu et réutilisée par la suite avec la conviction qu’elle amène à un succès.
La difficulté de l’activité et les facteurs contextuels sont des éléments importants dans l’influence sur le sentiment d’auto-efficacité. Pour une tâche difficile, un individu recevra, nous l’avons vu, des informations nouvelles, mais puisqu’elle est perçue comme difficile, elle augmentera la croyance de la personne en ses capacités. La même tâche moins complexe n’aurait pas le même impact.
La quantité d’efforts fournis pour accomplir une activité influence aussi le sentiment d’efficacité personnelle. Cette quantité va développer de manière variable ce sentiment. En effet, une activité complexe réussie avec efficacité, sans trop d’effort, peut augmenter de manière notable les croyances d’efficacité. Par contre, un échec sans avoir fourni beaucoup d’effort ne donne pas une information fiable au sujet, et son sentiment d’efficacité ne se voit donc pas beaucoup influencé.
Les expériences actives de maîtrise à l’école
A l’école, la production écrite d’un texte d’un certain genre, en français par exemple, peut être considérée comme une expérience active de maîtrise. Pour être considéré comme tel, le projet d’écriture doit être complexe pour l’élève. En effet, pour réussir cette production, l’élève a besoin de mobiliser plusieurs compétences propres au français et au genre du texte. Toutes ces compétences nécessaires pour produire la rédaction en fait une tâche complexe. Ce n’est qu’à cette condition que l’élève en tirera une augmentation de son SEP. La quantité d’effort à fournir n’est pas un critère pour considérer ce travail comme étant une expérience active de maîtrise. Par contre, elle va influencer la variation du SEP. En plus d’acquérir ou d’améliorer des compétences pour cette tâche à travers la séquence d’enseignement, de se connaître un peu plus à travers ce qu’il est capable ou non de faire, un élève qui la réussit, va voir son SEP augmenter. Les aptitudes déjà là, ou nouvellement acquises sur ce type de tâche et sur luimême vont augmenter son SEP, qui à son tour va médiatiser positivement ses aptitudes lors du prochain travail. À son prochain contact avec ce genre de travail, il va pouvoir se fixer des buts plus élevés avec le sentiment de pouvoir accomplir le nouveau défi. À son tour, cette nouvelle expérience active de maîtrise peut influencer le SEP. Cette expérience active de maîtrise vécue par un élève, va influencer ses compétences par l’intermédiaire du SEP et donc amener à de meilleurs apprentissages.
Les notes scolaires entrent aussi dans la source du SEP à travers l’expérience active de maîtrise. À ce sujet, Galand & Vanlede (2004) considèrent que « les performances scolaires antérieures, le parcours de formation et l’histoire scolaire des individus va avoir une influence déterminante sur leurs croyances d’efficacité » (p. 8). Un élève qui a reçu trois notes de suite en dessous de la moyenne et qui était en situation d’échec les années précédentes, aura certainement un SEP bas pour cette discipline.
Les expériences vicariantes
Une expérience vicariante est un phénomène de comparaisons sociales, comme une observation d’un pair semblable dans une situation identique. Cette observation d’un individu considéré comme semblable, dans un contexte identique, influence le SEP de l’observateur. Si la personne observée réussit la tâche ou l’activité, l’individu va utiliser cette expérience vécue à travers une autre personne, pour se convaincre qu’il peut lui aussi réussir. L’effet inverse peut se produire si l’observé est mis en échec. Selon Bandura (1997/2007) cet apprentissage par observation ce fait à travers quatre sous-fonctions :
• Le processus attentionnel : il détermine ce qui est sélectionné dans l’observation. L’attention du modelé va être attirée sur certaines caractéristiques qui vont être extraites du modelage.
• Le processus de rétention : à travers le codage symbolique et l’organisation cognitive tirée d’une observation, l’information va être transformée et restructurée. Ceci va déterminer la façon dont les événements modelés vont être retenus dans la mémoire.
• Le processus de production : c’est la production de la réponse par un comportement guidé par les représentations de ce qu’en a tiré le modelé. Le comportement produit est contrôlé et si besoin ajusté.
• Le processus motivationnel : le comportement appris par observation est soumis aux résultats anticipés directs, vicariants et autoproduits. Un individu aura plus de chances de réussir à reproduire un comportement si le résultat est valorisé.
En effet, comme l’a démontré Bandura (1997/2007) « modifier les croyances d’efficacité par l’influence vicariante n’est pas une question d’exposition des individus à des modèles » (p. 140). Le modelage agit donc à travers les sous-fonctions décrites précédemment.
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