Définitions et constats de recherche dans la population adulte
Les activités de plein air et différents types d’interventions par la nature et l’aventure ont démontré avoir un effet sur l’augmentation du sentiment de bien-être (McDonald et al., 2009) et de la facilité à résoudre des problèmes de vie (Mayer et al., 2009). La participation à des activités en plein air ou même à des activités physiques montre des bienfaits significatifs sur l’estime de soi ainsi que sur le sentiment d’accomplissement de soi (Cook, 2008; Herbert, 1998; McDonald et al., 2009). Keniger, Gaston, Irvine et Fuller (2013) ont effectué une recension d’ articles s’ intéressant aux bienfaits qu’apportent l’ interaction avec la nature. Ils notent que les recherches ont identifiées des bienfaits au niveau psychologique, cognitif, physiologique, physique et social (Keniger et al., 2013). Les activités de plein air ont également un impact sur le sentiment d’accomplissement de sol. Selon McDonald et ses collègues (2009), une journée d’aventure en montagne permettrait de vivre une expérience paroxystique, entre autres grâce à l’esthétique des lieux qui permettrait temporairement de prendre une certaine distance avec ses tracas.
Les paysages grandioses permettent l’évasion du quotidien et un sentiment de connexion et d’appartenance à quelque chose de plus grand que soi (McDonald et al., 2009). Les auteurs s ‘ inspirent du concept décrit par Maslow (1968) qui mentionne qu’une expérience paroxystique permettrait de vivre une sorte d’accomplissement. Maslow (1968, 2008) parle d’expérience paroxystique afin de décrire les moments où la personne vit le maximum de ce que l’ être humain peut éprouver en terme de ressenti positif, que ce soit sur le plan amoureux, esthétique, intellectuel ou religieux. En plus de vivre un moment de dépassement de soi et d’ être loin de leur quotidien, les personnes pratiquant une activité en plein air sont également en train de s’activer physiquement, soit en randonnée pédestre, en canot ou toute autre activité physique nécessitant la motricité du corps. Or, sur le plan physiologique, de nombreux bénéfices amenés par l’exercice physique ont déjà été soulignés par l’organisation mondiale de la santé (OMS, 2010, 2016). Par exemple, la libération d’endorphine suite à la pratique d’une activité physique provoque une diminution des affects dépressifs (Ba1chin, Linde, Blackhurst, Rauch, & Schonbachler, 2016). De plus, Papaioannou et ses collègues (2013) affirment que la pratique d’ activité physique de niveau modéré à élevé chez des joueurs de soccer, âgés entre 10 et 14 ans, de différents pays européens est associée positivement à une bonne estime de soi.
Dans le même ordre d’ idée, Edwards, Edwards et Basson (2004) ont comparé le niveau de bien-être de joueurs de hockey universitaires, d’étudiants s’entrainant en salle de musculation et d’étudiants sédentaires. Les résultats indiquent des corrélations positives et significatives entre les six facteurs contribuant au bien-être psychologique, soit l’autonomie, la croissance personnelle, la maîtrise de l’environnement, le but dans la vie, les relations positives avec les autres et l’acceptation de soi. De plus, les auteurs présentent des constats significatifs selon lesquels les étudiants pratiquant une activité physique présentent une meilleure santé psychologique et une perception plus positive d’eux-mêmes comparativement aux étudiants sédentaires. Enfin, connaissant les bienfaits apportés par une journée en plein aIr et par l’exercice physique, la recherche a étendu cette réflexion aux programmes d’ intervention par la nature et l’aventure. Ainsi, Scheinfel, Rochlen et Buser (2011) expliquent que la séparation d’avec le quotidien et la maison semble être un point crucial dans le cheminement thérapeutique d’une clientèle adulte, de même que l’interdépendance et le travail d’équipe qu’engendre une thérapie par la nature et l’ aventure (Scheinfel et al., 2011).
Étant donné le climat de confiance établi au sein du groupe de participants, les auteurs suggèrent que le temps passé ensemble, en randonnée, s’additionne au temps de thérapie en soi, ce qui contribue au cheminement thérapeutique (Scheinfeld et al., 2011). Ainsi, il semble que le travail de thérapie est bonifié par le contexte d’aventure thérapeutique en groupe. De plus, Herbert (1998) affirme qu’un programme d’aventure thérapeutique de huit jours a permis une augmentation significative du niveau d’estime de soi et un locus de contrôle plus internalisé chez des jeunes adultes âgés en moyenne de 24 ans. Pour ce faire, trois groupes ont été comparés sur ces deux mesures. Un premier groupe a complété l’ aventure thérapeutique de huit jours et entrepris, trois mois plus tard, une expédition plus courte de trois jours. Un deuxième groupe a participé au programme de huit jours uniquement et un troisième groupe n’a pas reçu de traitement. Ainsi, les groupes un et deux ont montré une augmentation significative dans leur niveau d’estime de soi. Cependant, ces gains ne demeurent pas aussi importants avec le temps. Effectivement, ils se dissipent au bout d’un an (Herbert, 1998). Ainsi, ce serait possible d’explorer l’idée qu’une récurrence de l’ aventure thérapeutique pourrait permettre de pallier cette diminution des bienfaits.
Programmes d’intervention par la nature et l’aventure pour adolescents
Les bienfaits d’une expédition de groupe en nature ne sont pas que le propre des adultes. Les interventions par la nature et l’aventure ont pris leur essor au Québec grâce à plusieurs organismes, dont, à titre d’exemple, la coopérative Intervention par la Nature et l’Aventure – Québec (INAQ) 5 , créée en 2005 . La coopérative INAQ a conçu différents programmes afin d’intervenir auprès de clientèles telles que les adolescents aux prises avec des difficultés scolaires, les personnes avec un handicap intellectuel ou autistique (INAQ, 2011). Certains programmes sont également conçus pour intervenir sur le lien familial, tel que Liens Naturels conçu par LERPA à l’Université du Québec à Chicoutimi, en collaboration avec INAQ, entre les années 2003 et 2005. Aussi, Bettmann et Tucker (20 Il) ont évalué une thérapie par la nature et l’aventure pour adolescents âgés entre 14 et 17 ans ayant un diagnostic de trouble oppositionnel avec provocation, trouble dépressif, dépendance à la drogue, trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité et/ou abus de substance (84 % des participants présentaient une comorbidité de diagnostic). Les auteurs ont évalué l’influence du programme grâce à trois questionnaires mesurant la relation d’attachement de l’adolescent avec sa mère, son père et ses pairs qui furent complétés au premier et au dernier jour du programme.
Celui-ci est d’une durée de sept semaines et inclut des randonnées pédestres entre les différents camps rustiques, deux jours par semaine de thérapie individuelle offerte par des cliniciens ainsi qu’une séance de thérapie familiale par semaine. Les auteurs concluent que la thérapie par la nature permet aux adolescents de développer une meilleure conscience de leur problématique concernant leur relation d’attachement avec leurs parents ce qui suggère une perception plus juste de la réalité (Bettman et al., 2011). Dans le même sens, Cook (2008) a observé lors d’entretien individuel dans le cadre d’un devis de recherche qualitatif, un changement dans l’auto-évaluation de 13 adolescents âgés de 12 à 16 ans, ayant une problématique clinique sur le plan de la santé mentale (trouble oppositionnel avec provocation, trouble de la conduite, trouble de déficit de l’attention avec/sans hyperactivité et abus de substance), lors d’un programme d’intervention par la nature et l’aventure se déroulant sur une période d’un an. Le programme propose un hébergement en refuge rustique, des activités expérientielles ainsi que la participation à différentes randonnées. Les auteurs ont conduit des entrevues individuelles à l’arrivée de l’adolescent dans le programme et quatre mois plus tard. Selon les adolescents rencontrés, les activités permettant le mieux d’apporter un changement positif de leur estime personnelle et de leur sentiment de compétence sociale seraient celles nécessitant un haut niveau de soutien social et de coopération venant des pairs (par exemple, différentes tâches de groupe et des parcours de cordes nécessitant l’aide des autres).
Le sentiment d’accomplissement de soi chez les adolescents issus d’une population clinique.
Étant donné le peu de littérature sur le sentiment d’accomplissement de soi durant l’adolescence, il devient encore plus complexe d’exposer l’état de celui-ci chez une clientèle clinique. Néanmoins, la théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (TAD; 1980, 1985, 1991 , 2000) permet d’offrir un éclairage sur les besoins psychologiques des adolescents hébergés en CR. Selon la théorie de l’autodétermination (Deci et al., 2000), les besoins psychologiques de base de tout individu sont l’affiliation, la compétence et l’autonomie (Savard, Laurin, & Joussemet, 2008). Tous ces concepts se retrouvent dans la hiérarchie des besoins de Maslow. En effet, le concept d’ affiliation social s’apparenterait au besoin d’appartenance discuté par Maslow (1943). De plus, l’individu qui se sent compétent et autonome détient les ingrédients requis menant à son accomplissement. Cela dit, la théorie de l’autodétermination (Deci et al., 2000) stipule que lorsque les besoins psychologiques sont comblés, cela favorise l’augmentation du nIveau de motivation intrinsèque de l’individu, c’est-à-dire la capacité de l’individu à se baser sur sa propre motivation plutôt que sur des éléments externes (Deci et al., 2000). Ainsi, une réponse au besoin de compétence, d’autonomie et d’affiliation serait associée à l’augmentation d’affects positifs chez l’adolescent (Véronneau, Koestner, & Abel, 2005).
De plus, avec un niveau de motivation intrinsèque plus élevé, on observe également un niveau de satisfaction et de créativité plus développé (Savard et al., 2008), ce qui rejoint étroitement la hiérarchie des besoins de Maslow (1943) et engage l’individu dans l’épanouissement de son sentiment d’accomplissement. Les interventions basées sur le la théorie de l’autodétermination (TAD) auprès d’adolescents hébergés en CR sont peu étudiées et les mécanismes impliqués peu connus (Savard et al., 2008). Ces derniers soutiennent qu’en encourageant les interventions visant le soutien à l’autonomie des adolescents hébergés en CR, cela pourrait avoir un impact sur leurs capacités d’autorégulation, c’est-à-dire leur aptitude à gérer et ainsi influencer leur motivation intrinsèque. En résumé, la tendance de tout individu à s’actualiser est généralement plus présente à partir de l’âge adulte (Goebel et al., 1981). Toutefois, la période d’adolescence est propice au développement du sentiment d’accomplissement grâce au soutien du besoin d’autonomie, d’affiliation et de compétence, permettant l’augmentation du niveau de motivation intrinsèque (Deci et al., 2000).
Introduction |