Festivalisation
Qu’attend-t-on par le mot « festival » ? Ce terme peut être fondamentalement perçu comme synonyme de distraction et de joie. Néanmoins, il peut aussi résonner différemment selon le degré de familiarité avec ce mot. Par exemple, celui-ci pourrait être perçu différemment par les Parisiens et les Avignonnais. Car ils ont un rapport différent avec le festival de leur ville. A Paris, il y a plusieurs festivals alors que pas un seul ne représente particulièrement cette capitale. A Avignon, il y en bien sûr moins qu’à Paris alors que le Festival d’Avignon est éminemment réputé et représente la ville. Par conséquent, la puissance du mot ‘festival’ à Avignon est différente de celle de Paris. De ce point de vue, on peut comprendre qu’on peut approcher la société à travers le rapport festival et ville. Les fluctuations de la tendance culturelle projette la vie sociale comme dit Nathalie Heinich : « la culture « est un élément causal essentiel qui aide à modeler la société et elle est un facteur que l’on a tendance, aujourd’hui, à sous-estimer »»34. Le festival est « un élément différenciable du monde social »35. Le rapport, l’impact et l’intégration du festival dans une société permettraient ainsi de comprendre ce qui se passe aujourd’hui au sein des sociétés. En d’autres termes, le festival est un outil pour analyser la société dans laquelle il se déroule.
On peut créer un festival dans beaucoup de villes. Mais on trouve moins de festivals qui ont une existence pérenne. A titre d’exemple, depuis que la politique française s’appuie sur le festival depuis l’année de 1982 en vue de décentraliser la culture, les festivals existants ont été renforcés ainsi que de nombreux autres ont été créés. Parmi les festivals qui ont été créés sur cette vague, certains demeurent jusqu’à aujourd’hui. Cependant, nombre d’entre eux ont disparu. On peut donc saisir qu’un festival ne peut exister et perdurer qu’avec le seul soutien de la politique culturelle. Cette difficulté de la maintenance du festival dans une ville démontre ainsi le rapport étroit entre ces deux éléments : le festival et la ville. Au plus le festival se tient dans un même lieu, au plus ce rapport est renforcé. Ce rapport étroit accroît la curiosité sur la manifestation culturelle. La familiarité vis-à-vis de ce mot « festival » provient de cette proximité. Le rythme d’une ville où a lieu son festival est différent de celui des autres villes. Le rythme quotidien est rompu ou influencé par le festival. On peut qualifier ainsi les habitants qui vivent à ce rythme en créant un nouveau terme : les « fesvidentiels ». Les fesvidentiels sont sensibles au changement de cadre de leur environnement physique et du changement d’ambiance. Alors que les gens venus de l’extérieur trouveront peu de différence pendant le déroulement du festival.
Car les fesvidentiels sont en état d’observer réellement ce changement avant et après le festival dans leur ville. La transformation du lieu permet de faire naître un cadre particulier. C’est celui qui permet de distinguer la ville de celle qui n’ont pas de festival. Au fil du temps, ce cadre pénètre dans la vie quotidienne de la ville. Dans cette perspective, le festival qui connaît une longue existence pourrait être considéré ainsi comme le miroir d’une société. Retournons à la question posée. Si on pose une question sur le « festival », si vous pouvez vous rappeler de quelque chose concernant ce dernier, on peut en conclure que vous êtes familier du mot « festival ». C’est peut-être également qu’il vous intéresse particulièrement sinon, c’est le cadre social dans lequel vous êtes induit qui attire votre attention. Dans cette thèse, on se concentre sur ce dernier point. Car « une production culturelle peut ainsi changer l’utilisation, la perception d’un lieu, le donner à voir différemment, le transfigurer ».36 Aujourd’hui, le mot « festival » se ramifie en plusieurs termes : estival, festivité, festivalier, festivalomanie, festivalisation, festivalscape37. Cet élargissement du mot concernant le festival démontre le rapport étroit avec la société. Chaque terme reflète la relation avec la société. Claude Lévi-Strauss dit que « le langage est un phénomène social. Parmi les phénomènes sociaux, c’est lui qui présente le plus clairement les deux caractères fondamentaux qui donnent prise à une étude scientifique […] »38. En ce sens, on peut se rendre compte que la présence des mots issus du festival démontre le rapport varié et étroit entre festival, ville et société. Malgré ce rapport étroit, le festival est souvent compris comme des éléments essentiels pour attirer les publics. Voyons, comme le dit Isabelle Garat, « les festivals constituent un lien de diffusion pour des industries culturelles puissantes (musique, éditions…). Ils sont également intégrés à une offre touristique afin de faire connaître et de rendre attractives les localités »39. De cette manière, le festival est approché à travers son impact sur le lieu qu’il positive. Néanmoins, le développement du festival pour attirer le monde induit également un revers. Dans cette thèse, on voudrait analyser la festivalisation en analysant le festival dans un sens plus large et profond et en se concentrant sur la relation avec la société.
Rassemblement
On voudrait remonter dans le passé, au moment où des gens se rassemblaient rituellement. C’était pour prier ensemble par exemple, en attendant la pluie ou en espérant avoir une bonne chasse ou une bonne récolte. On n’oubliait pas les remerciements après avoir obtenu une faveur. Ce genre de rassemblement existe encore, mais avec des contextes culturels spécifiques. ‘Thanksgiving days’ peut-être, en est un exemple. Même si la date et la façon de fêter sont différentes, c’est devenu une des grandes fêtes au niveau national et cela dans plusieurs pays. Aux États-Unis, cette fête est une des fêtes préférées des Américains. Elle a lieu le quatrième jeudi de novembre. Elle permet de réunir la famille et d’être ensemble. A l’origine, elle visait à remercier dieu et les récoltes. En Corée du sud, une fête comparable à celle des États-Unis est ‘Chuseok (추석)’. La ressource principale de ce pays d’Extrême Orient était basée traditionnellement sur l’agriculture. Il était indispensable d’avoir de bonnes conditions météo pour obtenir une bonne récolte. C’est pour cela que cette fête est considérée comme une des grandes fêtes nationales depuis très longtemps et jusqu’à aujourd’hui. On la fête au 15 août du calendrier chinois. En général, c’est en septembre et début octobre par rapport au calendrier occidental. Même si l’activité agraire est moins importante que par le passé, la tradition du rassemblement de la famille ainsi que les réunions pour les ancêtres se maintiennent de nos jours. Au fil du temps, même si on conserve l’esprit fondamental de ces fêtes, la prédominance de la raison et le développement social ont transformé avec le développement social. Voyons ce qui se pratique lorsqu’on se réunit à notre époque. Pour le Thanksgiving days, le repas en famille a de l’importance. Comme à l’origine, c’était une fête après la récolte, elle portait le sens du partage et être tous réunis. Toute la famille prépare et mange ensemble. Pour ce repas spécifique, la dinde est la tradition. Elle renforce l’ambiance festive et joyeuse.
Aujourd’hui, le président américain gracie une dinde pour cette fête. Le rituel de manger la dinde à Thanksgiving day s’est adapté à la vie contemporaine en renforçant son sens festif. En Corée du Sud, à la veille de Chuseok, la famille se réunit et prépare ensemble le repas particulier avec du riz et des accompagnements. Au petit matin, le jour férié de l’offrande aux ancêtres précède le repas festif préparé la veille. Ensuite, on se rend ensemble sur les tombes des ancêtres pour les entretenir. Ce rituel est respecté encore aujourd’hui par toute la famille. Simplement, certaines familles s’adaptent à la vie quotidienne contemporaine. Par exemple, elle se rend sur les tombes des ancêtres avant Chuseok et se réunit le jour même. Le rituel peut être adapté et modifié selon les besoins de la société. Dans ce sens, examinons l’évolution de la fête du Nouvel an dans le monde entier. L’origine de cette fête est liée à la cosmologie. « L’Année était un cercle fermé : elle avait un commencement et une fin, mais avait aussi cette particularité qu’elle pouvait « renaitre » sous la forme d’une Nouvelle Année. Avec chaque Nouvelle Année, un Temps « nouveau », « pur » et « saint » – parce que non encore usé – venait à l’existence »45. Cette signification est davantage valorisée avec la perte du sens religieux. La signification de fêter ensemble est renforcée. La signification de la fête s’est alors transformée : du désir de prier et honorer dieu, on est passé au désir d’une convivialité joyeuse. Aujourd’hui, on peut noter de grands rassemblements pour cette fête.
Tous les pays organisent cet événement : on se rassemble pour accueillir ensemble la Nouvelle année. Examinons la soirée de la veille du Nouvel an. Tout le monde est dehors pour profiter de la fête et de cette soirée particulière. Chaque pays, chaque ville organise l’événement en même temps bien qu’ils ne se soient pas concertés. En Corée du Sud, traditionnellement, le premier janvier présente moins d’importance que le Nouvel an chinois. Tous les rituels pour accueillir la Nouvelle année ont lieu à la date du Nouvel an chinois. Néanmoins, la date du premier janvier émerge de plus en plus. De nos jours, il semble que l’on fête le Nouvel an deux fois et d’une manière différente. Pour le premier janvier, chaque ville organise un événement particulier. On se réunit à l’extérieur, sur une place. On sonne une cloche46 et on tire un feu d’artifice. Sinon, on se rassemble au bord de la mer de l’est pour voir le premier rayon du soleil. On le fête dans de plus en plus de villes. Par conséquent, le rituel du Nouvel an chinois s’étend aussi au premier janvier : on mange « Tteokguk–떡국 », on joue au « Yunnori – 윷놀이 ». De la même façon, en France, la tradition de la galette des rois s’étend tout au longue du mois de janvier. La fête du Nouvel an devient ainsi et aussi un festival. Voyons le cas d’Édimbourg : la fête du Nouvel an est vécue d’une manière populaire. La ville organise le festival Hogmanay. Il se déroule du 30 décembre au 1 janvier. Plusieurs programmes sont à l’affiche. De cette manière, on peut remarquer que la forme rituelle et traditionnelle du rassemblement prend ici la forme d’un festival et permet de rassembler une forte population.
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