Le scénario de formation, penser l’accompagnement
Choix d’un scénario
Anne Jorro a dit (2016) que : « Toute la difficulté en formation est de permettre aux stagiaires de s’approprier les gestes du métier et de développer progressivement des habiletés qui relèvent du sens de l’ajustement dans l’action ». Devant ce défi et au terme du travail réflexif entrepris cette année autour des gestes langagiers de l’enseignant et du formateur, je propose comme scénario un suivi individuel d’enseignants débutants (stagiaire, NT1 et 2) pour améliorer et étoffer les gestes professionnels de métier. Qu’est-ce qui a motivé ce choix ? Le suivi a été mis en place cette année avec une enseignante NT1 volontaire. Il s’agissait d’une première expérience d’accompagnement de débutant (l’unique antécédent dans ma carrière fut l’accueil en tant que MAT et l’organisation de stages ouverts départementaux pour débuter en pédagogie Freinet). Il était donc pertinent pour moi de partir de l’accompagnement individuel, testé cette année et assujetti à l’expérimentation, pour en sortir des résultats intéressants et prometteurs qui puissent être réinvestis dans un scénario de formation.
Quelle entrée ? Quels enjeux ?
La thématique de recherche s’est inscrite dans l’étude des gestes langagiers de l’enseignant. J’ai puisé dans le champ de la linguistique interactionnelle les notions me permettant de comprendre une situation interactionnelle enseignant-élève. Ainsi la partie pratique est au début très orientée sur l’observation des réponses langagières de l’enseignante. Cette prédominance de la recherche au début de ce mémoire était un besoin. Il me fallait entrer dans un exercice réflexif par la connaissance des champs théoriques autour du langage oral car il m’était impossible de me projeter dans des questionnements d’accompagnement, n’en ayant jamais pratiqué. Ce n’est qu’à partir du début du suivi qu’il a fallu commencer à se projeter et trouver d’autres outils qui allaient servir à mon suivi et à mes analyses. Ces outils m’ont permis de traduire les gestes langagiers de l’enseignante et aussi de porter une attention à mes propres gestes langagiers d’étayage à la pensée de l’enseignante.
Quels outils réinvestir ?
Les outils convoqués lors du dispositif de suivi et qui seront au cœur du scénario de formation se distinguent en deux familles : ceux de l’agir enseignant et ceux de l’agir formateur. Le scénario de formation, penser l’accompagnement 75 Les outils de lecture de l’agir enseignant : Le multi-agenda de préoccupations enchâssées de Dominique Bucheton a été un cadre me permettant de comprendre les gestes langagiers de l’enseignante dans son activité et de lire son agir. Je compte poursuivre l’utilisation de cet outil lors de visites. Ce modèle m’apparait pertinent et complet pour lire l’activité en classe et il peut être croisé avec l’observation des gestes langagiers. Les outils de lecture de l’agir du formateur : Les postures du formateur de Dominique Bucheton m’ont servi de modèle tout au long du dispositif de suivi. Mes représentations sur cet outil ont évolué au fur et à mesure de son utilisation dans l’année. De l’entretien d’autoconfrontation n°1 au n°2, les définitions des postures ont pu être étoffées, corrigées, affinées. Cette assimilation voire intégration intègre la dynamique du modèle. Il a fallu conscientiser que ce modèle était dynamique en l’expérimentant mais surtout en l’analysant. C’est pour cette raison que l’analyse du premier entretien d’autoconfrontation est un peu plus rigide. C’est durant la constitution des synopsis du second entretien et l’analyse de ceux-ci que l’aspect dynamique de ce modèle de lecture de l’agir du formateur s’est révélé. Grâce à une analyse plus fine des traces langagières, j’ai pu découvrir comment les gestes du formateur font système ensemble. J’ai constaté qu’un acte de langage pouvait correspondre à plusieurs postures du formateur. Cet outil est donc assez fluide et il permet au formateur de passer d’une posture à l’autre durant un entretien. Pour ces raisons, le cadre des postures m’offre désormais un cadre pour les gestes de formateur dans le scénario de formation que je soumets ici. L’outil vidéo : Cet outil a été expérimenté et a permis de mettre au jour cette année des gestes récurrents chez l’enseignante. Il me permettra dans le scénario d’étudier l’activité des enseignants débutants, l’activité des élèves. Il servira de support pour permettre aux formés filmés de mettre en mots leur activité lors de l’autoconfrontation. L’utilisation devra être complétée par un petit questionnaire outillant les enseignants dans leur démarche autoréflexive. C’est bien ce qui a manqué cette année dans l’entretien d’autoconfrontation n°2 où le support vidéo était utilisé pour la première fois. La confrontation à la vidéo a été longue, difficilement porteuse de sens et il a fallu que je verbalise ce qui posait problème. Or, l’enseignante n’avait pas en sa possession une grille de lecture du passage vidéo choisi par mes soins. Il lui était hors de portée de voir un implicite que je n’ai pas aidé à rendre explicite. Pour le scénario de formation, l’outil vidéo sera donc un support pour l’entretien d’autoconfontation accompagné d’une grille de lecture étayant les verbalisations. L’enjeu est une prise de 76 conscience de l’activité. Ce n’est que dans cette perspective que l’outil peut être porteur de développement professionnel. L’outil audio et sa transcription : L’outil audio a permis une analyse micro des gestes langagiers de l’enseignante suivie cette année. Il est un levier pour les apprentissages et l’enseignement en classe, il l’est aussi dans les dispositifs de suivi. Cependant, cet outil demande une formation à la linguistique interactionnelle, à la pragmatique, champs théoriques indispensables (mais non exhaustifs) dans l’étude des corpus oraux pour comprendre les enjeux d’une réponse langagière ou des interactions en place dans une activité. Ayant travaillé ces notions, je souhaite réinvestir l’utilisation de captures audio en autoconfrontation pour proposer l’étayage adéquat dans l’analyse des gestes langagiers. L’autoconfrontation L’autoconfrontation a été le procédé d’entrée réflexive que j’ai choisi d’utiliser cette année. Il fera partie du scénario de formation car il soumet les enseignants à un retour plus distant sur leur activité réelle confrontée à l’activité prescrite. Il s’appuiera sur des supports audios avec transcription et sur des supports vidéos.