Le rôle du rythme circadien sur la mémoire

Stock de drosophiles

La souche sauvage de référence est Canton-Special (CS), toutes les lignées utilisées sont élevées dans des étuves à 18 ou 25°C (et 60% d’humidité) avec un cycle jour/nuit 12h /12h. La lumière s’allume à 08 h 00, zeitgeber time 0 (ZT0). Le milieu de culture est composé d’agar, de levure, de maïs et d’un fongicide. Une cinquantaine de drosophiles adultes âgées de 3-5 jours sont placées dans des bouteilles de 5 cm de diamètre (175ml) contenant du milieu. Tous les 3-4 jours, ces adultes sont « repiqués » dans une bouteille neuve. Ces adultes sont changés toutes les 2 semaines.. Les drosophiles utilisées pour les expériences sont des mouches CS âgées de moins de 2 jours et dont le développement s’est effectué à 18°C (ce qui nécessite approximativement 3 semaines).
La souche white1118 de génotype w-/w- (notée white par la suite), a les yeux blancs et possède le même fond génétique que la souche CS. La souche MB-Switch est homozygote pour le pilote d’expression et possède le même fond génétique que la souche CS.
Les lignées ARNi proviennent du « Vienna Drosophila RNAi Center » (VDRC ;
Afin d’homogénéiser le fond génétique des souches analysées, les lignées ARNi ont été outcrossées (trois croisements successifs) avec la souche white. Comme les mâles ne recombinent pas, ce sont les femelles vierges qui sont utilisées pour homogénéiser le fond génétique du chromosome porteur de l’élément-P (qui contient le ARNi). Les femelles vierges homozygotes pour le ARNi [œil rouge] sont d’abord croisées avec des mâles white (w-/w-) [œil blanc]. Quinze femelles vierges hétérozygotes (de la génération F1) qui ont le phénotype [œil orange] (car elles ne possèdent qu’une copie de l’élément P) sont utilisées pour être croisées avec cinq mâles white (w-/w-). Cette dernière étape est répétée une seconde fois. Les hétérozygotes (mâles et femelles vierges) obtenus à ce dernier croisement sont croisés entre eux, et seuls les descendants aux yeux rouges (homozygotes pour l’élément-P) sont gardés pour générer la lignée ARNi.

Expression de l’ARNi (système UASGAL4 – Gene-Switch)

L’expression du ARNi est induite en plaçant les drosophiles sur un milieu contenant du RU486 (mifépristone) [Sigma] à une concentration finale de 80 µg.ml-1 (Mao et al., 2004).
La solution mère est préparée en diluant 1g de RU486 dans 250 ml d’EtOH à 80%. Le milieu contenant le RU est préparé le jour même de la mise en bouteille. L’induction est démarrée 48h avant le conditionnement et se poursuit jusqu’au test. Le pilote d’expression MB-Switch (spécifique des CPs) (Mao et al., 2004) a été utilisé pour l’expression des ARNi.

Conditionnement aversif olfactif

Les mouches ont été entrainées et testées en utilisant un conditionnement de type Pavlovien. Ce protocole a été mis au point par S. Benzer en 1974 (Quinn et al., 1974), puis amélioré par T. Tully et W. Quinn en 1985 (Tully & Quinn, 1985) et enfin par A. Pascual et T. Préat (Pascual et al., 2004). Les drosophiles sont exposées successivement à deux odeurs répulsives dont l’une est associée à une série de chocs électriques. On peut ensuite déterminer dans quelle mesure elles ont retenu cette information à l’aide d’un test pendant lequel les drosophiles peuvent choisir d’aller dans un tube contenant l’odeur 1 ou bien un tube contenant l’odeur 2.
Pour les expériences avec induction de l’ARNi: La veille du conditionnement, entre 60 et 80 drosophiles, âgées de 0 à 2 jours et issues d’une bouteille d’élevage sont placées dans des nouvellesbouteilles (bouteille de conditionnement) et conservées dans une étuve à 25°C. Pour les expérinces sur le sommeil: Entre 60 et 80 drosophiles, âgées de 0 à 2 jours et issues d’une bouteille d’élevage sont placées dans une nouvelle bouteille (cela constitue n = 1). Ces bouteilles sont placées dans une nouvelle étuve à 18°C qui ne contient pas de bouteilles d’élevages pour éviter les problèmes d’odeur et pour que ces drosophiles soient le plus possible au calme. 3 à 4 jours après, ces drosophiles sont prêtes à être utilisées pour le conditionnement.
Les mouches sont placées dans la pièce de comportement au moins 30 minutes avant le début de l’expérience. Les pièces de comportement sont régulées à 25°C et 80% d’humidité. Les mouches sont placées dans la pièce de comportement au moins 30 min avant le début du test. Les tests ont lieu 24 heures (± 3h) après le conditionnement.
Comme pour le conditionnement, le test s’effectue dans l’obscurité afin que les mouches ne soient pas perturbées par l’environnement. Le système est composé d’un ascenseur relié à une pompe à air et aux deux bouteilles d’odeur. L’air est aspiré au niveau de la partie centrale avec un débit de 800 ml/min soit 400 ml/min par compartiments. Après s’être assuré que les débits d’air provenant des deux bouteilles sont similaires, les mouches sont bloquées dans la machine à test. Grâce à un système coulissant, les mouches sont alors descendues dans une chambre où convergent les deux odeurs. Elles ont alors 1 minute pour choisir l’une des deux odeurs avant de faire remonter la partie coulissante, empêchant dès lors tout passage d’un compartiment à l’autre. Les mouches sont alors placées dans des tubes avant d’être comptées.Afin de vérifier les capacités olfactives des différentes lignées, un test d’olfaction après choc électrique est réalisé. En effet, il a été démontré que la sensibilité olfactive des mutants était plus faible après avoir reçu des chocs électriques) (Preat, 1998). Les mouches sont introduites dans le barillet dans lequel elles vont recevoir des chocs électriques en présence de l’odeur 1 pendant une minute. Immédiatement, les mouches sont récupérées et placées dans la machine à test, où elles doivent choisir entre un compartiment avec de l’air et un autre avec l’odeur 2. Les odeurs utilisées étant aversives, les mouches ayant une olfaction normale vont majoritairement choisir le compartiment avec l’air. Après une minute de test, les mouches de chaque compartiment sont collectées séparément et comptées.
Les scores obtenus ne prennent en compte qu’un demi-score de performance. Ce protocole permet également de vérifier que l’activité locomotrice des mouches est normale.
Ce protocole permet de vérifier que la sensibilité aux chocs électriques et que la locomotion sont intacts dans les différentes lignées utilisées. Deux barillets recouverts de grilles électrifiables sont placés face à face en position horizontale et reliés par une pièce en plastique. Un seul des deux barillets est électrifié et les mouches doivent choisir entre les deux compartiments pendant une minute. Les mouches sont récupérées séparément, comptées et un indice de performance est calculé.

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Analyse du sommeil

L’analyse est réalisée grâce au système trikinetics. A l’aide d’un pneumocapteur (sans CO2 ), les drosophiles femelles sont introduites une par une dans un tube de 65 mm de longueur et 5 mm de diamètre qui contient de la nourriture (identique à celle des bouteilles d’élevage). Chaque tube contient donc une seule drosophile. Les tubes sont ensuite placés dans un moniteur qui mesure l’activité des drosophiles grâce à un laser. A partir de ces données, une macro excel (laboratoire de Paul Shaw) permet de quantifier le sommeil des drosophiles. Le sommeil correspond à 5 min d’inactivité. Afin de réaliser la privation de sommeil, ces moniteurs sont placés sur un plateau dont l’inclinaison varie entre +60° et -60°. Pour le protocole de privation, le basculement est activé pendant 30 sec toutes les 5 min durant 4h ce qui empêche les drosophiles de dormir. Le plateau bascule ainsi 3 fois toutes les 5 min.
Pour le protocole de contrôle mécanique le basculement est activé pendant 30 sec toutes les minutes durant 12 min. Et cela répété toutes les heures pendant 4 h. Les drosophiles reçoivent ainsi exactement le même nombre de stimulations mécaniques mais sur une période plus courte ce qui leur permet de dormir pendant 48 min.

Extraction d’ARN et synthèse d’ADNc

Les extractions sont réalisées uniquement sur les têtes. Les drosophiles (une 50aine) sont contenues dans un eppendorf de 1,5ml qui est placé dans de l’azote liquide. Un vortex permet de séparer les têtes des thorax. Les têtes sont ensuite récoltées grâce à des tamis en inox puis elles sont broyées dans un tube placé dans de la carboglace. Les ARN totaux sont extraits du broyat en utilisant le kit Qiagen RNeasy Plant. La mesure de l’absorbance à 260 et 280 nm au spectrophotomètre permet d’établir la concentration des ARN extraits et d’évaluer leur propreté. Pour préparer les ADNc, 1,5µg d’ARN totaux sont copiés par la réverse transcriptase avec le kit Invitrogen Superscript III selon les conditions du fournisseur. Des hexamères aléatoires et des oligodT servent d’amorces.

PCR (« polymerase chain reaction »)

Afin de vérifier les souches per0 (CS) et perS (CS) après « outcross », nous avons réalisé des PCRs. Les oligonucléotides ont été construits afin que le dernier nucléotide coté 3’OH de l’amorce anti-sens (R) ne s’hybride pas avec la séquence génomique mutée de per0 ou perS.

Imagerie calcique in-vivo de la réponse aux odeurs

Nous avons utilisé la sonde GCaMP3.0 (Tian et al., 2009) comme rapporteur calcique.
La sonde est exprimée au niveau des neurones MB-V2 à l’aide du système UASGAL4 et du  pilote d’expression R71D08 (Séjourné et al., 2011). La réponse calcique des MB-V2 est mesurée 24 h après le conditionnement. Les drosophiles femelles sont collées (sans anesthésie) avec de la glue et disséquées comme décrit pour l’imagerie in-vivo (Fiala & Spall, 2003). Afin de limiter les mouvements de la drosophile pendant l’acquisition, le proboscis est collé sur le thorax avec de la glue. La chambre d’enregistrement qui contient la drosophile est ensuite placée sous l’objectif 20x à immersion (NA = 1, Leica) d’un microscope confocal (TCS-SP5, Leica). Le cerveau de la drosophile est donc observé du dessus. Les expériences sont réalisées à 20°C et l’ouverture au niveau du cerveau de la drosophile est baignée et perfusée en continue par une solution Ringer pour drosophile (130 mM NaCl, 5 mM KCl, 2 mM MgCl2, 2 mM CaCl2, 36 mM sucrose, 5 mM HEPES-NaOH; pH 7.3; 305 mOsm) qui est oxygénée par bullage.
Les odeurs sont diluées 250 fois dans 100ml d’huile paraffine dans une bouteille en verre. Les bouteilles contrôles « d’air » ne contiennent que 100ml l’huile. La sonde GCaMP3.0 est excitée par un laser argon (488nm). La fluorescence émise par la sonde est collectée par un photomultiplicateur aux longeurs d’ondes 505-555 nm. La lumière collectée est issue d’une section horizontale d’un hémisphère du cerveau.
Les odeurs (CS+ et CS-, l’ordre est déterminé de façon aléatoire) sont ensuites présentées aux drosophiles pendant 1 sec avec un interval de 3 min pendant lequel de l’air est diffusé. L’enregistrement est réalisé deux fois pour chaque odeur afin de s’assurer de la capacité des drosophiles à sentir l’odeur pendant l’expérience mais seul les premières présentations sont conservées pour l’analyse. L’enregistrement est réalisé au niveau du « middle superiormedial protocerebrum » (msnpr).
L’analyse des résultats est réalisée à l’aide d’un programme Matlab écrit par PierreYves Plaçais (Séjourné et al., 2011). La region d’interêt est défini manuelement au niveau des projections des MB-V2. La courbe en fonction du temps est ensuite normalisée en % de changement de la fluorescence 100(F-F0 )/F0 . La valeur de base F0 est déterminée par la moyenne sur 1 sec avant l’arrivé de l’odeur. Enfin, la réponse induite par l’odeur est calculéecomme étant la moyenne du pic de réponse.

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