Le rôle du perfectionnisme dans les troubles alimentaires

Le rôle du perfectionnisme dans les troubles alimentaires

Dans les TA en général , le perfectionnisme se manifesterait par la fixation et le maintien de standards personnels élevés dans les domaines liés à l’ alimentation, à la forme du corps et du poids et par la tendance à s’ autoévaluer en fonction de la capacité à atteindre ces standards personnels élevés (Egan et al., 20 Il ; Shafran, Cooper, & Fairburn, 2002). Par conséquent, les individus poursuivent leur objectif de performance (nombre de calories ingérées, poids sur la balance, intensité d’ activité physique, etc.), et ce, malgré l’apparition de conséquences négatives associées (sous-alimentation, perte de poids, pensées obsédantes, etc.). Cette poursuite incessante d’ objectifs stricts démontre le caractère dysfonctionnel du perfectionnisme dans les troubles alimentaires. Par ailleurs, l’ implication du perfectionnisme auprès de cette clientèle a déjà été largement documentée dans la littérature, et ce, principalement pour l’ anorexie mentale et la boulimie (Bardone-Cone et al., 2007). Les principaux modèles explicatifs sur les troubles alimentaires abordent le perfectionnisme à l’ intérieur de leurs théories validées empiriquement (Fairburn, 2008; Fairburn, Cooper, & Shafran, 2003; Gardner & Garfinkel, 1997). Plusieurs études reconnaissent que les deux dimensions du perfectionnisme (tant les standards personnels élevés que les préoccupations pour les erreurs) sont associés aux TA (Bardone-Cone et al., 2007; Bastiani et al., 1995; Esposito, Stoeber, Damian, Alessandri , & Lombardo, 2017; Frost et al., 1993; Goldner, Cockell, & Srikameswaran, 2002; Halmi et al., 2000; Hewitt & Flett, 1991 ; Stoeber & Otto, 2006).

On s’ attend naturellement à ce que l’ association entre les dimensions malsaines du perfectionnisme et les symptômes alimentaires soit bien assumée par la littérature. Toutefois, le fait que la dimension plutôt « saine » soit aussi associée aux TA crée des questionnements. Cela amène l’ idée d’ étudier le perfectionnisme sous un nouvel angle dans le but de dépasser la vision plutôt dichotomique habituelle (dimensions « saines » et « malsaines »). Entre autres, cela pourrait permettre d’approfondir la compréhension de cette dimension considérée « saine » du perfectionnisme qui se présente dans la clientèle des TA. Cossette (2016) propose d’étudier le perfectionnisme sous l’ angle des motivations dans le but d’ étudier ce comportement dans une perspective plus globale. Son modèle regroupe l’ ensemble des motivations qui peuvent être sous-jacentes au comportement de perfection. Ces différents motifs sont tirés de la théorie de l’autodétermination (Deci & Ryan, 1985; Vallerand, Fortier, & Guay, 1997), donc d’ une conceptualisation connue dans la littérature sur la motivation. Le fait que le perfectionnisme soit expliqué à l’aide de deux grands facteurs (standards personnels élevés et préoccupations) laisse déjà sousentendre que les comportements perfectionnistes pourraient être exécutés pour différentes raisons. Il est possible de croire que ceux qui visent de hauts standards par plaisir ont des motivations différentes de ceux qui veulent éviter l’échec. Ainsi, il serait intéressant de regarder ce qui se cache derrière les comportements perfectionnistes des personnes préoccupées par l’alimentation et le poids.

Instruments de mesure

L’ensemble des questionnaires détaillés ci-dessous a été complété dans le même ordre, et ce, pour l’ ensemble des participantes. Tout d’abord, un questionnaire sociodémographique a permis d’ obtenir des renseignements généraux sur les individus: provenance de l’organisme, sexe, âge, langue maternelle, nationalité, état civil, niveau de scolarité et salaire moyen. Le Questionnaire de perfectionnisme (Langlois et al., 2009) a permis de mesurer les manifestations saines et malsaines du perfectionnisme des participantes de l’ échantillon. La consistance interne du questionnaire a été calculé dans le présent échantillon et elle est satisfaisante pour la mesure de la recherche de hauts standards personnels (7 items : a. = 0,78) et excellente pour les conséquences du perfectionnisme (13 items: a == 0,93), construit se rapprochant de la notion des préoccupations perfectionnistes. Le Questionnaire des motivations sous-jacentes au perfectionnisme (Cossette, 2016) a été uti lisé pour mesurer les différentes motivations sous-jacentes au perfectionnisme (voir en Appendice). Les analyses confirmatoires ont supporté la présence de sept motivations sous-jacentes au perfectionnisme, soit (1) la motivation intrinsèque; (2) la motivation identifiée; (3) la motivation introjectée; (4) la motivation externe sociale; (5) la motivation matérielle positive; (6) la motivation matérielle négative; et (7) l’amotivation. JI est possible de considérer l’ ensemble de ces profils motivationnels en fonction de deux facteurs latents, soit les motivations autodéterminées ou non autodéterminées. La motivation intrinsèque et identifiée seraient autodéterminées, c’ està- dire choisies librement et en cohérence avec l’ individu, alors que les autres motivations seraient non-autodéterminées. Le questionnaire possède une bonne validité convergente et divergente ainsi qu ‘une bonne cohérence interne pour chacun de ces sept facteurs rendant l’ instrument fidèle (Cossette, 2016). La version française du Eating Disorder Examination Questionnaire (EDE-Q; Fairburn & Beglin, 2008; traduction française de Mobbs & van der Linden, 2006) a été utilisée pour mesurer les comportements alimentaires problématiques. En fonction des analyses du présent échantillon, la consistance interne des quatre facteurs (restriction, préoccupation alimentaire, préoccupation pour le poids et préoccupation pour la silhouette) est considérée Satisfaisante à Très bonne, soit de 0,71 à 0,91.

Stratégie d’analyse

Des analyses de comparaison de moyenne (test-t pour échantillons indépendants et X2) sont exécutées de façon préliminaire entre les participantes de la Maison l’ Éclaircie et ceux d’ANEB. L’objectif est de pouvoir statuer si, indépendamment de leur provenance, l’ensemble des participantes partagent des caractéristiques sociodémographiques et cliniques suffisamment semblables pour faire partie d’un même échantillon. On s’ attend naturellement à ce que l’ échantillon de la Maison l’Éclaircie présente des scores de symptômes alimentaires plus sévères, car ils proviennent d’un service clinique spécialisé, alors qu’ANEB possède des critères d’ inclusion plus vastes pour ses services. Des analyses de corrélation seront effectuées entre certaines variables (provenance de l’organisme, âge, langue, nationalité, état civil, scolarité et salaire moyen) et les variables principales de l’étude (l ‘ensemble des motivations et le score global de TA) afin de déterminer si certaines variables doivent être contrôlées pour les analyses ultérieures. Ensuite, l’ échantillon sera divisé en deux en fonction de la médiane de la tendance aux troubles alimentaires, ce qui formera deux groupes d’ intensité différente de symptômes alimentaires. Des analyses de comparaisons de moyennes seront effectuées entre ces deux groupes afin de s’ assurer de la présence de différences significatives. Enfin, trois analyses de régression sont prévues, une première sera effectuée sur l’échantillon complet, la seconde avec le groupe avec l’intensité la plus faible de symptômes alimentaires et la dernière avec le groupe avec l’ intensité la plus élevée afin de voir si ce sont les mêmes motivations qui prédisent la variance des symptômes alimentaires. Ce type de régression permet de présenter en ordre d’importance les motivations qui permettent de prédire une part significative de variance de la symptomatologie al imentaire.

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Analyses de comparaison des échantillons Ce type d’ analyse est lancé à deux reprises. La première va comparer les résultats des participantes provenant de la Maison l’ Éclaircie à ceux d’ ANEB et la seconde va comparer les résultats de ceux ayant les symptômes alimentaires d’ intensité faible à ceux d’intensité élevée. Donc, sur le plan sociodémographique, lorsque l’on compare l’échantillon de la Maison l’Éclaircie et d’ANEB, uniquement des différences au niveau de l’âge des participantes (t(l07) = 2,703, p < 0,05) et du niveau de scolarité sont observées (X2(7) = 18,104, p < 0,05). Ainsi, les répondants provenant de la Maison l’Éclaircie étaient significativement plus jeunes (âge moyen: 26 ± 9,602) et seraient moins scolarisés (diplôme d’ études collégiales). En contrepartie, les participantes d’ANEB seraient plus âgées (âge moyen: 31 ± Il,775) et seraient diplômées d’un certificat universitaire. En somme, les participantes de la Maison l’ Éclaircie et d’ANEB partageraient une proportion semblable d’ individus de même langue maternelle (X2(2) = 2,000, p > 0,05), de même nationalité (X2(4) = 2,335, p > 0,05), de même état civil (X2(4) = 4,345, p > 0,05) et de même catégorie salariale (X2(5) = 6,817, p > 0,05). Sur le plan des caractéristiques cliniques, les participantes de la Maison l’Éclaircie et d’ANEB présentent des niveaux semblables de perfectionnisme, tant sur le plan des tendances que des conséquences.

De plus, comme attendu, le score global de symptomatologie alimentaire est significativement plus important chez les participantes de la Maison l’Éclaircie que chez celle d’ANEB, et ce, sur l’ensemble des sous-échelles du EDE-Q (restriction, préoccupation alimentaire, préoccupation pour le poids et préoccupation pour la silhouette) (voir Tableau 2). Étant donné que les analyses de comparaisons de moyenne n’ont pas démontré de différence significative sur la plupart des variables sociodémographiques et cliniques et afin d’augmenter la puissance statistique, un seul et même échantillon est créé avec l’ensemble des participantes, peu importe leur provenance. En deuxième lieu, ces mêmes analyses de comparaison de moyennes sont relancées entre l’ échantillon ayant les symptômes alimentaires d’intensité faible et ceux d’intensité élevé. Ces deux groupes sont obtenus après avoir divisé l’ échantillon global par la médiane en fonction de la sévérité des symptômes alimentaires. Il s’ agit donc toujours des mêmes participantes.

Donc, au niveau des variables sociodémographiques, une seule différence significative est observée entre les deux groupes (intensité faible et élevée de symptômes alimentaires) et il s’agit de la provenance des répondants (ANEB et Maison l’Éclaircie) (X2(1) = 7,712,p < 0,05). Ainsi , 34 personnes de la Maison l’Éclaircie et 20 personnes d’ANEB forment le groupe d’ intensité élevée de symptômes alimentaires. Ces données font du sens étant donné que la Maison l’Éclaircie cible des personnes en traitement pour les troubles alimentaires contrairement à la clientèle d’ANEB qui est moins ciblée. Donc, les deux groupes sont semblables au niveau des variables suivantes: âge (t(1 07) = 1,070, p > 0,05), langue maternelle (X2(2) = 2,000, p > 0,05), nationalité (X2(4) = 7,852, p > 0,05), état civil (X2(4) = 2,673, P > 0,05), niveau de scolarité (X2(6) = 8,869,p > 0,05) et catégorie salariale (X2(5) = 4,015, P > 0,05). Sur le plan des caractéristiques cliniques, il ya une différence significative entre les deux groupes sur l’ensemble des mesures, tel qu’ attendu. Par conséquent, les scores sont significativement différents sur la mesure de perfectionnisme, tant les tendances que les conséquences ainsi que sur l’ensemble des mesures de TA (restriction, préoccupation alimentaire, préoccupation pour le poids et préoccupation pour la silhouette) (voir Tableau 3).

Table des matières

Sommaire
Liste des tableaux
Liste des figures
Remerciements
Introduction générale
Évolution du perfectionnisme
Troubles alimentaires
Association entre le perfectionnisme et les troubles alimentaires
Étude de la motivation dans le perfectionnisme
Les types de motivation au perfectionnisme dans les troubles alimentaires
Article scientifique. Motivations sous-jacentes au perfectionnisme dans les troubles alimentaires
Résumé
Contexte théorique
Définition du perfectionnisme
Le rôle du perfectionnisme dans les troubles alimentaires
L’étude de la motivation dans le perfectionnisme
Les types de motivation appliqués au perfectionnisme dans le domaine de l’alimentation
Amotivation
Motivation externe matérielle positive
Motivation externe matérielle négative
Motivation externe sociale
Motivation introjectée
Motivation identifiée
Motivation intrinsèque
Impact de la sévérité des symptômes
Question et hypothèses de recherche
Méthode
Déroulement et participants
Instruments de mesure
Stratégie d’analyse
Résultats
Analyses préliminaires
Analyses de comparaison des échantillons
Analyses de régression
Discussion
Retour sur l’objectif principal
Retour sur l’objectif complémentaire
Références
Conclusion générale
Pertinence clinique
Perspectives pour les recherches futures
Références générales
Appendice. Questionnaire des motivations sous-jacentes au perfectionnisme appliqué au domaine de l’ alimentation, de la forme du corps et du poids

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