Le rôle du marketing de la ville dans l’implication de ses parties prenantes
Le marketing de la ville
Cette réflexion a été à l’origine des disciplines comme le management urbain, le management territorial ou encore le marketing urbain qui dès les années 90 était présenté comme un objet scientifique étudiant le renouvellement des formes de production de la ville (BOCK, HILBER, ERGEZ, WEHRLI-SCHINDLER, 2004 ; NOISETTE, VALLERUGO, 1996)198 . Le marketing est aujourd’hui une discipline passe-partout qui s’applique à tous les domaines (ou presque) de la vie quotidienne, au point où les spécialistes ne cessent de revoir leurs définitions pour y intégrer de nouvelles dimensions. Pour AMA (American Association of marketing), par exemple, la définition du marketing est passée d’ « une fonction organisationnelle et un ensemble de processus qui vise à créer, communiquer, et fournir une valeur aux clients et à gérer les relations avec les clients de manière à faire bénéficier l’organisation et ses parties prenantes. » (AMA, 2004) à « une activité, un ensemble d’institutions et de processus pour créer, communiquer, fournir, et échanger les offres qui ont une valeur pour des consommateurs, des clients, des associés, et la société dans son ensemble » (AMA, 2007). Une définition qui inclue le rôle que joue le marketing dans la société en général et qui le présente comme une science, un processus éducationnel et une philosophie et pas seulement un système managérial. Le marketing est alors une discipline plus vaste qui dépasse le cadre d’une fonction199 . Les définitions se succèdent pour soutenir que les performances marketing sont aussi possibles en dehors des murs des entreprises. Le marketing s’annexe alors de nouveaux domaines qui deviennent soumis à « des logiques de conception et de promotion proches de celles des produits commerciaux (marketing du tourisme, marketing politique…)» 200. Le marketing servirait alors à établir une démarche stratégique et globale où cibles, concurrence et environnement seront connus. C’est dans cette perspective qu’on a commencé a appliqué le marketing au domaine de la gestion des territoires de manière générale, et de la ville en particulier. Une application pas toujours facile tant les spécificités de cette dernière et les différentes approches des chercheurs.
Pourquoi la ville a-t-elle besoin du marketing ?
Quatre facteurs principaux ont contribué à l’émergence du marketing des différents espaces (villes, régions, territoires) : A. Mondialisation et concurrence Il y a quelques années, les relations entre les échelles locales, nationales et internationales ont considérablement changées. La spécialisation de plus en plus accrue des régions fait de la mondialisation un phénomène de différenciation et de spécialisation et non pas d’homogénéisation qui se traduit par la constitution de grands pôles économiques « formant une économie mondiale en oasis » qui distingue un réseau des régions les plus dynamiques du reste du monde. De plus, les entreprises recherchent aujourd’hui, dans les territoires, un environnement de qualité, des services multiples et sophistiqués, une main d’œuvre qualifiée, des infrastructures et des centres d’affaires. Des qualités immatérielles qui les placent sur un marché concurrentiel et qui les poussent à renforcer leur attractivité et donc leur « capacité à attirer les entreprises et les personnes » 201 . Le marketing apparaît alors comme une solution pour établir une stratégie efficace et une identité représentative de ces territoires destinées à leur offrir un poids concurrentiel. B. La revalorisation du local La nouvelle tendance du développement local offre une plus grande autonomie et plus de moyens aux collectivités territoriales. Une concurrence est alors ouverte entre les territoires pour attirer les investissements publics et privés. Il en résulte le développement de technopôles, de gares de TGV ou d’aéroports internationaux, la construction d’immeubles prestigieux en plein centre-ville, l’accueil d’événements sportifs ou culturels à des enjeux qui dépassent les frontières nationales, le développement de stratégies de communication originales ou encore la proposition d’avantages fiscaux. Les dynamiques économiques contemporaines sont alors soutenues par cette concurrence spatiale. COLLETIS et PECQUEUR (1993) montrent alors que certains espaces peuvent se concurrencer sur des bases quantifiables qui concernent au premier rang les facteurs de 201BENKO G. (2006), op.cit. 102 Chapitre III : Le rôle du marketing de la ville dans l’implication de ses parties prenantes production (coûts de la main- d’œuvre, prix d’énergie, taux d’intérêts…) dont l’offre et la demande déterminent le prix qui devient alors un axe de concurrence entre régions. D’autres, jouent plus sur la spécificité territoriale qui est basée sur la mise en valeur de savoirs non reproductibles qui n’existeraient pas ailleurs ou qui seraient difficiles à copier. Ce qui offrirait une différenciation durable au territoire qui doit être mise en avant comme un avantage concurrentiel dans une démarche marketing territorial202 . C. La rapide évolution des outils de communication L’évolution rapide des technologies a offert la possibilité d’accès à un grand nombre d’outils de communication, permettant une rapide transmission de l’information (Minitel, Internet, télévision par câble et par satellites, etc.)203. Cette évolution peut être à l’origine de l’introduction du marketing territorial à deux niveaux. D’un côté, les gens, grâce à l’Internet, aux ordinateurs portables, et aux connexions sans fil, ont aujourd’hui le choix de vivre dans un endroit et de travailler dans un autre. Ils peuvent maintenant faire des affaires n’importe où dans le monde là où ils trouveront les meilleurs avantages. Les territoires peuvent alors, veiller à garder leurs résidents et à attirer d’autres ou cibler des entreprises étrangères en leur offrant un lieu où technologie, industrie, commerce, et autres attractions peuvent prospérer204 . D’un autre côté, cette évolution a permis à tout le monde de communiquer et les territoires n’échappent pas à cette vague. Georges BENKO affirme même que « la naissance du marketing territorial et les mutations dans le secteur de la communication sont intimement liées » 205 . Les territoires doivent donc maîtriser leur propre promotion. Elles ont de plus en plus besoin d’outils nouveaux pour marquer leur présence dans le cadre de cette révolution numérique. 202 BENKO G. (2006), op.cit. 203 Ibid. 204 WINFIELD-PFEFFERKORN J. (2005), The branding of cities- Exploring city branding and the importance of brand image : http://www.brandchannel.com/images/papers/245_Branding_of_Cities.pdf. (consulté le 05-03- 2013) 205 BENKO G. (2006), op.cit. 103 Chapitre III : Le rôle du marketing de la ville dans l’implication de ses parties prenantes D. Une nouvelle étape dans l’évolution du marketing Le marketing est avant tout une démarche qui consiste à découvrir et à analyser les besoins afin de mettre en œuvre une politique de production et de diffusion adaptée206 . Le marché, les clients, les concurrents, l’offre, les prix,… toutes ces notions bien qu’elles soient propres au marketing classique, peuvent se retrouver dans la réalité quotidienne d’un territoire qui se trouve confronté à leur gestion et à la réalisation d’un équilibre dans le processus de leur traitement. De ce fait, le marketing territorial devient une nouvelle étape dans l’évolution du marketing, Georges BENKO pense que c’est même « probablement l’un des derniers champs d’application de cette discipline microéconomique ». Chaque territoire a un certain nombre d’images et est perçu de différentes manières selon ses parties prenantes, des images et des perceptions qu’il ne peut pas toujours contrôler. Cela nécessite de lui de les cerner pour pouvoir présenter l’image qu’il souhaite et susciter envers elle un sentiment d’appartenance207 .
Essai de définition du marketing de la ville Selon NOISETTE et VALLERUGO (1996)
« Une ville n’est bien sûr pas à vendre, elle est un bien collectif et une entité sociale, c’est ce qui légitime et rend nécessaire sa gestion publique. Ce qui est nouveau, c’est que cette dimension collective de la ville ne peut être garantie dans une économie ouverte que par la capacité de sa gestion publique à prendre en compte intelligemment les mécanismes du marché » 208 . Il n’y a aucun doute maintenant que le marketing peut servir la ville (tout comme les autres lieux). Cette dernière doit saisir les opportunités offertes aux autres organisations par le marketing et ses nouvelles techniques (KOTLER & HAMLIN & REIN & HAIDER 2002; BERG & KLAASEN & MEER 1990; BRAUN 1994; HERRN 1997; HOLCOMB 1993; KEARNS & PHILO 1993; WARD 1998; WITT & MOUTINHO 1995)209. En voulant définir le marketing appliqué à la ville on se perd généralement dans les multiples appellations. Entre marketing urbain, marketing territorial, marketing des collectivités locales… ou encore city marketing, place marketing…la recherche de l’origine de la discipline et la distinction entre les différents termes s’imposent alors. La littérature francophone parle plus de marketing urbain ou marketing territorial et ce n’est qu’en 1996 que le terme de marketing de la ville apparaît (NOISETTE et VALLERUGO, 1996). Le marketing urbain est alors défini comme « l’ensemble des techniques, moyens, jeu d’acteurs ou processus visant à promouvoir la ville » (WARD, 1998) en « recherchant un positionnement stratégique et une image de marque séductrice pour les investisseurs et les jeunes cadres » (ASCHER, 1995) 210 ou encore « l’analyse, la planification, la mise en œuvre et le contrôle de programmes conçus par l’autorité de gestion urbaine et par les organismes qui dépendent d’elles » afin de « mieux répondre aux attentes des personnes et des activités de son territoire, et d’autre part d’améliorer à court et à long terme la qualité et la compétitivité globale de la ville dans son environnement concurrentiel » (NOISETTE et VALLERUGO, 1996)211. Quant au marketing territorial, Patrice NOISETTE le définit comme : « une manière de penser et de mettre en œuvre une politique territoriale de développement dans des contextes de marchés » qui « doit reposer structurellement sur des partenariats d’acteurs, en faisant converger logiques publiques et privées ». Franck VALLERUGO, son coauteur, ajoute que : « le marketing territorial est la coordination des fonctions du territoire qui peuvent œuvrer en faveur du développement économique et social et de l’attraction d’investisseurs et d’habitants nouveaux. En cela il ne saurait être confondu avec la communication publique» 212 . Des définitions qui se rapprochent, d’ailleurs NOISETTE et VALLERUGO dans leur livre « Le marketing des villes » utilisent les deux termes sans une véritable distinction pour parler du marketing appliqué à la ville. Donc les deux appellations sont justes mais ayant pris connaissance des différentes définitions et spécificités de la ville qui est beaucoup plus qu’un phénomène urbain et beaucoup plus qu’un simple lieu dans un territoire, puisqu’elle en est l’unité motrice, nous préférons le terme de marketing de la ville dont nous retiendrons la définition suivante : Le marketing de la ville est une démarche « qui consiste à identifier et à analyser les besoins exprimés ou latents d’une population intra ou extra-muros, afin de concevoir et de mettre en œuvre une politique territoriale attractive (dans des champs aussi divers que le développement économique, touristique, social, urbain, culturel ou sportif) qui soit de nature à renforcer ou forger une identité propre » 213 . Il sera réussi quand « les travailleurs et les résidents sont satisfaits de leurs conditions de vie et quand les touristes, les nouveaux commerces et les nouveaux investisseurs trouvent leurs attentes » (KOTLER et al. 1999)214 . Le marketing des collectivités locales (ou des villes) est souvent confondu par les journalistes ou les acteurs eux-mêmes avec le marketing politique. Selon Georges BENKO, cette confusion, même si elle provoque des réactions négatives, n’est pas anormal puisque « le marketing territorial a fait son apparition dans le but de promouvoir une collectivité locale dont l’exécutif, le maire/le président, est effectivement élu par les administrés du territoire concerné ». Une confusion accentuée par l’usage du marketing territorial de la part des hommes politiques qui s’en servent pour faire leur propre promotion et assurer leur réélection à travers des actions de communication qui valorisent leurs réalisations au lieu de promouvoir la ville.