Le rôle des femmes sur les dé-connectivités
Au sein des associations sportives rurales, nous assistons à une construction identitaire de genre1655 très structurante dans les clubs, et spécialement dans les sports dits masculins, comme le football. Comme l’ont montré les travaux d’Anne Saouter1656 et de Nicolas Renahy1657, la présence peu toute seule au bord, alors qu’il y en a qui viennent complètement s’intégrer dès le premier match, qui viennent dire : « Bonjour, ça va ? »1670 » tout content de les intégrer.1671 » Comme le souligne un autre membre du noyau de l’AS Arçon, « les femmes de notre bande de potes sont devenues copines entre elles donc elles se retrouvent pour causer…, pas tout le temps parce qu’elles ne sont pas spécialement passionnées de foot mais donc elles ramènent leurs copines et tout1673 » si bien qu’elles ne sont pas les seules qui sont présentes dans le cadre des clubs. Les amies ou petites copines, ou futures copines voire ex-copines gravitent autour des clubs puisque ces derniers constituent des lieux de rencontre avérés en milieu rural. « Il y a pas mal de filles qui viennent voir le match1674 » nous indique-t-on. En ce sens, cette présence féminine au sein des associations sportives en milieu rural, et notamment au sein des clubs de football, engendre des formations / déformations de couple à partir de la sphère associative. Les femmes occupent une place centrale dans les dé-connectivités entre les membres d’un même club ou d’une même équipe 1675. Aussi, dans cette section, l’analyse des dé-connectivités au sein des associations sportives en milieu rural permet également d’aborder le rôle des femmes non-pratiquantes au sein des clubs sportifs, dits masculins. Dans un premier temps, nous montrerons que les femmes subissent des discriminations par rapport aux tâches qui leur sont attribuées. Dans un deuxième temps, nous prouverons que les femmes exercent une influence sur l’émergence de conflits entre les licenciés des clubs, conduisant à l’apparition de dé-connectivités : leur présence étant un moteur de la formation / déformation de couples.
Des rôles discriminants
Tout d’abord, d’une manière formalisée, certaines occupent des rôles bien spécifiques dans la vie des clubs. Un footballeur nous explique qu’ « au départ, elles s’impliquent parce qu’on essaie pour le club. Donc après, elles se sentent importantes et puis, elles continuent.1676 » Par exemple, au sein du club de football de Saint-Aubin, plusieurs femmes occupent des postes particuliers. Depuis une dizaine d’année, une seule femme fait partie de l’équipe dirigeante du club : elle est mariée au maire du village qui est un ancien dirigeant et qui est issu d’une famille historique du club. D’ailleurs, leur fils de 33 ans en est une figure emblématique puisqu’il fut tour à tour joueur, éducateur puis entraîneur de l’équipe senior qui accéda en 1ère division. Or, les responsabilités confiées à cette dirigeante sont limitées puisqu’elle ne gère que deux choses : les réservations du club-house par des personnes extérieures au club et la vente de tickets de repas au soir du 14 juillet. Par ailleurs, sans avoir de licence de dirigeant, d’autres femmes tiennent un rôle important, voire central dans le fonctionnement du club. Depuis toujours, les jours de match, la buvette du stade était tenue par deux femmes. Arrivées à un certain âge, celles-ci durent se retirer il y a deux saisons et furent remplacés par une autre femme, plus jeune, mère de deux enfants licenciés au club. Par son dynamisme, son rôle s’accrut, entre autres, pour la préparation des goûters pour les jeunes, la gestion des stocks de bière pour les équipes seniors, le maintien de la propreté du club-house.
Ce dévouement fut salué par les instances dirigeantes mais il ne manqua pas d’interpeller les autres femmes de dirigeants par rapport à sa place de plus en plus grandissante au sein de la vie du club. Cette situation n’est pas propre à l’ASSA puisque nous observons également cela dans les autres clubs de l’étude où les femmes s’impliquent dans la vie-extra sportive, comme à l’AS Arçon où les femmes font « de temps en temps la buvette, parce que des fois on a personne pour faire la buvette. Avant, on avait une personne attitrée maintenant c’est les filles qui le font à tour de rôle. Et puis voilà ! Le rôle des filles, voilà ! C’est de garder cette bonne ambiance qu’il y a entre garçons, même si des fois elles se crêpent de chignon, ça fait partie…1677 » de la vie des clubs. De même à Larians, « quand ils vont faire un goûter, ils vont demander aux parents d’emmener…, il y a beaucoup de mamans qui vont faire quelque chose, même si elles ne sont pas dans le comité, le jour où il y a besoin…pareil pour laver les maillots : il y en a pas une qui va dire : « Non, je veux pas les laver », même si c’est pas leur fonction, parce qu’on reste…N’importe qui prend les maillots et il n’y a pas quelqu’un qui dit : « Non moi j’en veux pas »1678 ». D’autres tâches, notamment celle du lavage des maillots, sont alors dévolues de manière informelle à de nombreuses épouses d’éducateurs, bien qu’elles ne viennent que très rarement au stade.