Le rôle des facteurs sociaux dans l’accès et le maintien à une carrière de haute performance en athlétisme
DES SITUATIONS DÉFAVORABLES À L’OPTIMISATION DE LA PERFORMANCE : LE CUMUL DES INÉGALITÉS
Des inégalités territoriales
❚ Dans l’ensemble, il ressort des entretiens avec les athlètes des inégalités relatives à : » l’enclavement de certains territoires : les DROMCOM (DOM-TOM) et plus généralement des structures d’entraînement peu reliées par les transports. Cela a pour effet un coût supplémentaire (déplacements en compétition, hébergement, etc.), le manque d’alternatives possibles si les infrastructures sont déficientes ou en cours de rénovation, un éloignement vis-à-vis des médias engendrant des déplacements supplémentaires (donc une adaptation de l’entraînement), un projet de formation plus complexe à poursuivre ; » des conditions d’entraînement et de vie qui sont moins optimales en club par rapport aux structures fédérales voire entre les structures elles-mêmes. En club, l’accès à un réseau médical n’est pas toujours aisé. Les structures telles que l’INSEP peuvent proposer un hébergement pris en charge ce qui est crucial pour les plus précaires. Le départ d’une structure comme l’INSEP peut engendrer des problèmes financiers. S’entraîner en région parisienne peut néanmoins aussi être plus difficile en raison du temps de transport et du coût de la vie.
Des inégalités en fonction des spécialités
En fonction des disciplines, plusieurs inégalités ont été avancées par les athlètes : » les lancers : les lanceurs font état de primes moindres, d’une difficulté à participer à des meetings réputés et d’un manque de partenaires financiers, le tout associé à une médiatisation moins importante. La plupart des lanceurs sont donc « amateurs », en raison de leurs difficultés à attirer ces partenaires financiers. 1 athlète rapporte qu’un agent aurait refusé de travailler pour lui considérant qu’il n’aurait pas suffisamment de retour sur investissement. Certains athlètes évoquent un cercle vicieux : le manque de moyens a des effets sur le niveau de performance, sur la densité du niveau national et renforce le manque de visibilité ce qui, en retour, conforte les partenaires financiers dans leur choix de ne pas s’engager auprès des sportifs ; » les relais : lorsque le niveau de performance individuel n’est pas aussi élevé que celui atteint collectivement, les relayeuses confient rencontrer d’importantes difficultés financières ou parviennent à vivre de peu. L’une d’elle estime paradoxal que la FFA attende de leur part un investissement professionnel, donc exclusif, afin qu’ils soient performants sur la scène internationale, mais qu’ils ne bénéficient pas des conditions financières adéquates. » 2 acteurs évoluant dans le secteur privé marchand confirment des écarts de rémunération entre les spécialités. Les équipementiers investissent dans les disciplines populaires – c’est-à-dire suscitant un engouement de la population – telles que le sprint, le 1 500 mètres, le marathon – ainsi que sur les « stars » internationales.
DES ÉLÉMENTS SPÉCIFIQUES AU GENRE ?
❚ Au regard des leviers activés pour négocier financièrement la performance sportive, le fait d’être une femme peut constituer : » Un atout : ➥ si l’apparence physique de l’athlète femme correspond aux standards féminins et si elle accepte de s’y conformer, dans une certaine mesure ; ➥ si le niveau féminin est moins dense que chez les hommes ce qui peut permettre d’être la seule athlète identifiée par les partenaires financiers ; ➥ si elle sait construire son image et adapter sa communication en fonction des attentes sociales. Le fait d’être une femme devient alors une opportunité pour capter certains contrats financiers en communiquant, par exemple, dans le domaine du bien-être, de la santé, du fitness, etc. » Un désavantage : ➥ si l’athlète pratique une discipline peu médiatisée ; ➥ si l’athlète pratique une discipline dans laquelle le niveau masculin est bien supérieur ; ➥ si l’athlète ne correspond pas aux standards féminins de la « beauté » ; ➥ si l’athlète ne peut s’appuyer sur les compétences d’un staff qualifié. Le risque est d’autant plus élevé lorsque les désavantages se cumulent, creusant les inégalités de condition dans l’accès et le maintien à la plus haute performance. ❚ La variable sexe est ainsi nuancée par : » les différences de médiatisation des disciplines ; » la capacité du sportif et/ou de son staff à capitaliser sur sa performance par divers moyens ; » le niveau sportif. ❚ Cependant, des inégalités structurelles persistent : » à niveau de performance équivalent, un athlète homme perçoit généralement plus de gains. En effet, si les primes selon le niveau de performance sont les mêmes, les primes d’engagement, indexées selon la notoriété, sont à l’avantage des athlètes hommes ; » or non seulement les grandes stars mondiales sont masculines, mais les grandes stars françaises le sont aussi ; » une grossesse génère un manque à gagner important, notamment en raison d’une possible perte de l’équipementier, même si elle n’est pas systématique ; » selon 2 acteurs, l’apparence féminine reste un critère plus décisif que l’apparence masculine dans l’obtention d’un contrat. Cependant, les stratégies des équipementiers sont variables : le critère de la beauté est plus déterminant pour certains équipementiers que pour d’autres.
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