Le rôle de l’internationalisation et la formation de l’« université contingente »

L’université : une présentation d’idéaux

Nous commençons avec deux types d’« idéaux » des universités, qui étaient jadis des idéaux et qui, bien qu’ils n’existent plus, exercent toujours leur influence sur les établissements d’enseignement supérieur
A) Humboldt : La poursuite libre de la connaissance. L’« université », au sens de l’Université de Berlin, fondée par Fichte et Humboldt – et les universités créées ensuite par le German Länder –, possède trois principales caractéristiques :« la science pure », « l’unité de la recherche et de l’enseignement » et « la recherche en tant que quête continue de connaissances scientifiques ».
L’intérêt authentique et la recherche de nouvelles connaissances doivent être caractéristiques de l’éducation donnée, bien plus que la simple transmission de connaissances. Le savoir ne doit pas être directement lié à l’utilité pratique ; la formation doit être recherchée pour soi. La curiosité individuelle était perçue comme une force incitant au développement. On considérait que la liberté de l’individu était une condition au développement de nouvelles connaissances.
Cette idée contrastait avec l’idée d’un enseignement avant tout professionnel qui exigerait des connaissances plus pratiques et des formes d’apprentissage plus structurées d’après les problèmes et tâches réels.
Les chercheurs et les étudiants doivent jouir de la liberté individuelle dans leur quête de connaissances. Des études vaguement structurées doivent promouvoir la libre réflexion et le développement du savoir. L’enseignant et l’étudiant sont tous deux considérés comme des personnes matures, tant sur le plan académique que personnel. Humboldt considérait que les élèves désirant une formation professionnelle devaient renoncer à cette liberté et accepter un rôle servile vis-àvis du professeur, en se centrant sur des tâches concrètes et en faisant partie d’une tradition professionnelle spécifique. Les étudiants sont responsables de leurs propres choix. Les enseignants sont, en tant qu’intellectuels, responsables de leur propre développement et ont la tâche d’attirer les étudiants. Dans cette tradition, l’établissement d’un lien entre connaissance et besoins utilitaires est perçu comme une menace à l’autonomie de l’université.
L’administration de l’institution accomplissait des décisions prises par les universitaires. On considérait que l’aspect financier était un problème du gouvernement. La forte autonomie institutionnelle n’excluait pas la gouvernance politique de l’institution : le rôle du gouvernement était limité pour s’assurer de l’autonomie institutionnelle.

Quel genre d’universités souhaitons‐nous ?

Nombreux sont les pays qui s’inspirèrent des universités allemandes, la tradition de l’université humboldtienne ayant servi de base au développement d’universités dans des pays tels que la Norvège, la Suède et les Etats-Unis. La variété particulière de l’université humboldtienne introduite en Norvège était substantiellement différente de l’américaine.
En Suède et en Norvège, on recherchait les idéaux de diversité et de liberté en plaçant les universités au sein de villes importantes et en conférant aux programmes une structure lâche. On considérait les étudiants comme des adultes et on encourageait les intellectuels à construire leurs réseaux personnels. La mobilité entre institutions était possible mais, au lieu de rechercher des partenaires nationaux, bon nombre d’intellectuels se sont tournés vers d’autres pays à la recherche de motivation et de connaissances.
Les professeurs étaient employés par le gouvernement. L’autonomie institutionnelle était néanmoins garantie car les professeurs avaient la liberté de réglementer l’institution. L’autonomie scientifique au sein de certains domaines était toutefois soumise à certains règlements nationaux. Les universités formaient des fonctionnaires, notamment dans le système éducatif, le secteur de la santé et le clergé. Un compromis était atteint : les universités pouvaient conserver leur autonomie aussi longtemps que le secteur public seraient approvisionné en personnel qualifié en nombre suffisant.
Aux États-Unis, les universités jouissaient d’une grande autonomie à leurs débuts, au sens de l’absence de gouvernance de l’État. Les premières universités étaient organisées selon un modèle anglais – petites et à l’écart des grandes villes, où de petits groupes d’universitaires enseignaient leurs étudiants et où le tutorat et le suivi de chaque étudiant avaient une attention centrale. Toutefois, le tutorat et le suivi des étudiants aux Etats-Unis avaient pour principale motivation la préparation inadéquate d’étudiants issus d’un système éducatif conçu pour un enseignement de masse. Les universités n’étaient pas non plus dirigées vers l’élite ; de nouvelles institutions furent fondées dès que le besoin se fit sentir.
Au fil du temps, de grandes universités privées furent fondées, fidèle en partie à la tradition humboldtienne de poursuivre la recherche et l’éducation. Cependant, la réalité américaine était bien différente de la réalité allemande. Dans le contexte américain, « objectif » était un mot clef, un terme qui y était associé au commerce et à l’industrie. En Allemagne, on considérait la poursuite de la connaissance « pour la connaissance » bien autant utile à la société qu’à l’enseignement professionnel et à la recherche centrée sur les problèmes.
On considérait que les étudiants manquaient de maturité en ce qui concerne la connaissance et qu’il incombait aux universités d’assurer leur majorité intellectuelle. Ils voulaient aussi absolument passer par un enseignement qui leur donnerait accès à un emploi avec lequel il pourrait gagner leur vie. Il était de leur intérêt d’avoir donc un programme d’étude structuré. Les établissements étaient tenus responsables de l’échec des étudiants aux examens. Afin de créer d’excellentes conditions d’apprentissage et de développement, les établissements prenaient également la responsabilité des questions parascolaires des étudiants.
L’identité institutionnelle était forte et constituait une barrière à la mobilité entre les établissements. Aucune mesure organisationnelle n’était prise pour faciliter la libre quête d’apprentissage à des niveaux au-dessous de la licence et dans la recherche.

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L’introduction de mesures pour favoriser la flexibilité transnationale

À la rencontre entre un système national d’enseignement supérieur et le désir de trouver des solutions flexibles par rapport aux autres pays, le défi principal consiste à adapter notre système national tout en conservant nos avantages nationaux en rapport au développement national et mondial de la connaissance.
Il existe un besoin de comparer, de formuler des questions en rapport à la similitude et à l’égalité entre programmes éducatifs au sein de contextes nationaux différents. Nous souhaiterions mentionner trois genres d’égalité. Tout d’abord, en parlant d’égalité entre institutions, on peut vouloir dire que toutes les institutions devraient avoir le même contenu et la même structure éducatifs.
Ensuite, on peut choisir un certain nombre de normes comme indicateurs de l’égalité institutionnelle. Enfin, on peut faire référence aux chercheurs/enseignants ; à quel point ils sont perçus comme des individus plus intelligents dans la poursuite de la connaissance et sur quelle perception de la connaissance se base chaque groupe de recherche. Cette dernière forme est fondée sur l’auto-évaluation de la qualité par les intellectuels.
La sélection de certaines normes et marques structurelles centrales est un thème qui a dominé le débat et les mesures qui ont été prises pour créer une flexibilité transnationale. Le principe du « temps pour le temps » a tout d’abord été utilisé pour comparer les programmes éducatifs ; on considère qu’une année universitaire n’importe où dans le monde équivaut à une année universitaire en Norvège, par exemple. Le gouvernement a essayé d’adopter des solutions pratiques et adéquates, capables d’augmenter la flexibilité, principalement pour les étudiants qui ont un choix plus important que jamais, dans le but d’augmenter la mobilité entre les différents types d’institutions et entre différents pays.
L’introduction d’un système commun de diplômes représente un nouveau développement de cette philosophie. Ainsi, un diplôme obtenu en Norvège doit correspondre au même diplôme obtenu en Angleterre. L’éducation à tous les niveaux sera ainsi comparable, devenant évident le niveau dans lequel un étudiant qui souhaite poursuivre ses études à l’étranger doit s’inscrire.
Il est possible de regarder le développement en rapport aux changements importants mis en oeuvre en Norvège concernant la création du Network Norway (réseau Norvège). Un système commun d’admission à l’enseignement supérieur a été introduit, une mesure qui peut contribuer à la création d’un système égalitaire pour l’enseignement supérieur et à la flexibilité de l’étudiant. Tous les établissements doivent être en mesure d’offrir la même norme relative au même enseignement. L’étudiant doit être libre de choisir le pays dans lequel il souhaite poursuivre ses études, le lieu de résidence n’ayant aucune importance, contrairement à la réalité française, par exemple. La procédure de candidature est bien plus simple du point de vue des étudiants, si l’on compare la situation à celle des États-Unis où l’étudiant doit déposer sa candidature auprès de chaque établissement ou de chaque département qui gère un certain type d’établissement. La tradition de flexibilité, d’égalité et de transfert entre institutions est déjà bien ancrée au niveau national en Norvège. Dans d’autres pays, il n’est pas aussi simple de sélectionner un établissement ou d’en changer en cours de cursus. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il y ait moins de flexibilité au sein de ces systèmes, mais uniquement que la flexibilité prend d’autres formes et/ou d’autres sens que celui du contexte norvégien.

Les intérêts commerciaux et industriels dans une économie mondiale

Le marché, défini comme les intérêts commerciaux et industriels dans le développement de la connaissance envers l’enseignement et la recherche, constitue un de ces moteurs. Dans le contexte européen, c’est le gouvernement qui, en utilisant des mécanismes issus de la gouvernance dans le commerce et l’industrie et en acceptant une orientation pure du marché, encourage l’intérêt commercial. La situation est différente aux États-Unis, où le commerce et l’industrie interviennent directement dans la vie interne des institutions.
En incluant des principes de gouvernance d’entreprise, les universités devraient gagner en flexibilité, c’est-à-dire elles devraient être capables de mieux s’adapter aux nouveaux besoins de la société, notamment ceux du commerce et de l’industrie, insérés dans une économie de plus en plus mondialisée. Un fait qui s’exprime entre autres dans la nécessité d’une main-d’oeuvre flexible et d’institutions capables de proposer de nouveaux types d’éducation, de nouvelles façons d’organiser les programmes d’études. Une flexibilité du côté des chercheurs également, afin de répondre aux questions posées par la société – en général par le commerce et l’industrie – et de satisfaire au besoin de l’industrie en solutions innovatrices.

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