LE ROLE DE L’IDENTIFICATION AU PERE DANS L’EMERGENCE DES TROUBLES PSYCHOTIQUES
Définition de l’identification
Les termes d’identité et d’identification doivent être considérés différemment. L’identité est la perception, le sentiment que l’individu a de lui-même. Colley et Stoller définissent l’identité du genre sexuel par le sentiment de masculinité ou de féminité chez un individu (8) (50). L’identité se compose de l’ensemble des identifications que l’individu a incorporé, qui le définissent et qui le différencient des autres. Laplanche et Pontalis (37) résument l’identification par: « Un processus psychologique par lequel un sujet assimile un aspect, une propriété, un attribut de l’autre et se transforme totalement ou partiellement sur le modèle de celui-ci. La personnalité se différencie par une série d’identifications. ». Le terme processus laissait entendre, un état instable, en changement, quelque chose de dynamique, qui est en formation ou en progression. Ce processus se fait à l’insu de la personne elle-même. Elle s’effectue inconsciemment. Dans le même ordre d’idée, Sillamy (47) mentionne que l’identification est un processus psychologique de structuration de la personnalité, commençant par l’imitation inconsciente et se poursuivant par l’assimilation-intériorisation du modèle. L’identification est une appropriation des attributs des autres. Selon Lazowick (38) les enfants ressemblent plus à leurs parents qu’à d’autres adultes choisis au hasard. Gauthier appuie l’idée de cette auteur en disant : « En observant interagir les enfants avec leurs parents, nous constatons que les enfants reproduisent certaines façons d’être ou d’agir caractéristiques de leurs parents. Ces façons d’être ou d’agir peuvent être similaires à celles du parent du même sexe, du sexe opposé ou aux deux parents » (24). Par contre, Freud (21) spécifie qu’avec l’arrivée du complexe oedipien, l’enfant va choisir un plus grand nombre d’identifications chez le parent du même sexe que l’enfant. 6 Plusieurs auteurs, Bieber (7), Freud (21), Grzelkowski (29) et Stoller (50) s’accordent sur l’importance du lien affectif dans l’identification aux modèles. L’idéal de soi vient de cette comparaison avec des modèles à imiter et à intégrer en soi, et est l’essence même de la motivation de la personne dans l’élaboration de la personnalité. Cependant Freud (21) est le premier à parler d’identification aux figures en rapport avec un choix d’objet d’amour sexué se déroulant à la période oedipienne. Ces identifications à un modèle de comportements de type masculin ou de type féminin s’appellent rôle sexuel ou identification sexuelle. Ces définitions laissent supposer que l’identification obéit à des lois bien particulières. Premièrement, l’identification est un processus dynamique en continuel changement. Deuxièmement, c’est par l’apprentissage et l’imitation des modèles que sont acquises ces diverses identifications. Troisièmement, l’enfant s’identifie différemment selon son stade de développement ou son âge. Quatrièmement, il existe une première forme d’attachement affectif aux modèles dans l’identification. A travers cette relation, l’enfant découvre sa préférence sexuelle ou affective pour un sexe et oriente son devenir homosexuel ou hétérosexuel à l’âge adulte.
Processus dynamique
Chaque individu s’identifie différemment selon ses goûts, ses valeurs et ses attaches affectives; même à l’intérieur d’une même famille, l’identification est différente entre frères et soeurs. Grzelkowski (29) décrit l’identification en insistant sur la possibilité d’avoir à la naissance un potentiel de multiples identités. Dans ses travaux sur l’homosexualité, Grzelkowski (29) ne mentionne pas de différences entre les termes identité et identification. Pour lui, l’identité de l’individu est l’ensemble des identifications prises lors de son développement. Faire un choix dans une variété de rôles homosexuels aiderait au maintien du comportement homosexuel. 7 Selon lui, le processus de l’identification passe par 3 étapes importantes: d’abord la sélection des modèles à imiter, ensuite l’expérimentation des comportements et finalement l’organisation en hiérarchie des identifications, c’est-à-dire en fonction d’un ordre de priorité. Ces identifications sont mobiles, interchangeables tout au long de l’existence de l’individu. Cette structure hiérarchique érigée à partir d’un potentiel d’identifications multiples à la naissance, se lie au rôle sexuel social et tient compte des réponses affectives et des relations interpersonnelles complexes. De même McCall et Simons (42), ont effectué des recherches sur l’identification sexuelle et soutiennent l’importance de la performance des rôles dans le processus de la formation de l’identité et son maintien. La hiérarchie des identifications tient compte du choix personnel de l’individu, de l’influence du modèle à imiter et des interactions avec ceux-ci. Les traits de personnalité de l’individu affectent les performances de l’identification sexuelle qualitativement et quantitativement. A la suite de ces recherches, nous pouvons conclure que les identifications avec les figures parentales et les modèles extrafamiliaux sont malléables et en continuel changement. L’identification est donc un processus dynamique.
Apprentissage et imitation du modèle
Tout au long de sa vie, l’individu essaie de copier un trait de personnalité chez une personne qu’il aime ou qu’il déteste. Certains psychologues voient plutôt dans l’identification, une forme d’apprentissage. Les enfants imitent certaines conduites parentales parce qu’ils sont récompensés en le faisant. Les pairs, les professeurs et les héros de la télévision sont autant de modèles qui servent de séances d’imitation ou d’identification. Selon ce point de vue, l’identification est un processus continu au cours duquel de nouvelles réactions sont acquises en fonction d’expériences directes et indirectes avec les parents et d’autres individus: « Les attributs physiques, maniérismes, langage, et les traits de personnalité sont les catégories qui ont le 8 plus d’importance dans la discrimination au sujet de la masculinité et féminité chez l’individu » (48). Selon Gagnon et Simon (23), Maccoby et Jacklin (40), l’enfant répète des comportements s’ils sont objets de récompenses ou de renforcements positifs ou négatifs. Les parents imposent inconsciemment des conduites spécifiques aux garçons et aux filles, par exemple au niveau de l’habillement, choix des jouets, des corvées et des responsabilités familiales, des valeurs … L’acquisition de traits typiques, soit à un sexe ou à un autre, est suffisante selon eux pour avoir une forte identité sexuelle. Stoller (50) insiste sur le rôle des attitudes de l’entourage et des parents dans la confirmation de l’identité sexuelle de l’enfant. L’enfant apprend à se percevoir en comparant la façon dont ses parents ou l’entourage le définissent lui-même. Il apprend à imiter un modèle qu’il intégrera à travers sa propre définition de lui même. A travers ses relations, il copie un modèle sexué qui le différencie de l’autre sexe. Cependant, Lazowick (38) a pu démontrer que l’enfant s’identifie plus fréquemment aux traits de ses parents, en particulier à ceux de sa mère, qui bien souvent a un contact plus prolongé et plus intense auprès de l’enfant que tout autre individu. L’enfant en bas âge copiera plusieurs traits des parents, ceux-ci étant les principaux modèles identificatoires. Ces premières identifications sont les plus importantes, puisqu’elles sont les plus durables et les plus intenses. Mussen (44) détermine deux facteurs importants dans la force de l’identification: la fréquence et l’intensité (ou intimité) de l’interaction de l’enfant avec le modèle et deuxièmement, la puissance du modèle sur l’enfant en termes de distribution de gratifications et de punitions. 9 Dans l’identification, l’enfant recherche les récompenses et l’approbation comme un signe qu’il a réalisé la tâche avec compétence. Elles informent l’entant que sa performance est en accord avec un standard dans l’esprit d’une personne plus compétente que soi. L’identification sexuelle est une imitation du comportement du parent du même sexe que l’enfant.
-Identification et étapes de développement
L’enfant expérimente â sa façon l’imitation â un modèle sexuel. Selon Sillamy (1983), il existe trois phases importantes dans l’identification chez l’enfant. La première se situe entre 0 et 3 ans, elle est appelée l’identification primaire. La deuxième entre 3 et 14 ans, c’est-â-dire, l’identification structurante. La troisième se situe après la puberté, c’est-â-dire, l’identification indépendante. Ces trois phases tiennent compte du développement intellectuel de l’individu. -Identification primaire: (jusqu’â 3 ans) Avant de s’identifier à des stéréotypes masculins ou féminins, l’enfant doit être capable de discerner sa catégorie sexuelle. En bas âge, la communication avec le monde extérieur est indissociable de l’imitation du comportement des membres de l’entourage. Selon Sillamy (47), il s’agit d’ailleurs moins d’une imitation à proprement parler que d’une fusion avec l’objet. L’enfant s’approprie des attributs de l’extérieur sans en être tout à fait conscient. Freud (20) mentionne qu’à ce moment l’objet d’amour est essentiellement la mère, qui nourrit et soigne l’enfant. L’enfant intègre l’opinion de la société sur la signification des termes ‘ »garçon » et ‘ »fille ». Le mécanisme de la perception cognitive de cette dichotomie sexuelle est très peu élaboré, mais va se préciser au cours de l’évolution de la personne. Kolhberg (31) précise qu’à cette étape, l’enfant différencie mal les autres de lui. Il devient difficile alors de séparer le masculin du féminin. L’enfant s’imprègne des messages et des sentiments de l’extérieur qui le définissent. 10 Une série de messages verbaux et non-verbaux venant de l’entourage et surtout des parents sur l’attribution du sexe, viennent aider à la prise de conscience de leur catégorie sexuelle. C’est à l’âge de deux ans et demi qu’il peut faire son propre étiquetage et différencier les autres en masculin et en féminin, c’est la phase de l’assimilation des données sexuelles (31). Avec l’indépendance, le langage, la mobilité et l’expérience, l’enfant apprend à différencier deux types de génitalité à travers les deux parents, lesquels distinguent aussi deux classes de devenir humain et confirment à l’enfant son attribution de la masculinité et de la féminité par la société (26). Selon Kolhberg (31), l’enfant de deux ans et demi à la connaissance de sa catégorie sexuelle. L’objet d’amour et d’identification, durant cette période, est nécessairement le parent qui côtoie le plus souvent l’enfant. Selon le contexte actuel, la mère prodigue plus régulièrement les soins à l’enfant en bas âge. Devant l’ambiguité de la connaissance de l’enfant de sa catégorie sexuelle, l’enfant se laisse imprégner des sentiments de l’extérieur sur sa féminité ou sa masculinité. -Identification structurante: (3 à 14 ans) : A cette étape le Moi et le Sur-moi s’organisent en fonction du modèle donné par les adultes de l’entourage, et principalement les parents (47). Stoller (51) spécifie que lors de la phase phallique, l’intérêt se concentre sur le pénis et le clitoris. En d’autres mots, la masturbation est découverte et accentue la prise de conscience de l’appartenance sexuelle. Cette découverte est probablement le début d’une association qui durera toute la vie entre les sentiments sexuels et les parties génitales. Pour kolhberg (31), les organes génitaux ne jouent pas un rôle érotique à cette étape, mais d’identification. Les contextes sociaux, familiaux et culturels continuent à accentuer les différences entres les rôles masculins et féminins. En grandissant, l’enfant observe chez les parents différents modèles de comportements qui prendront plus tard des connotations sexuelles. 11 L’enfant est maintenant capable d’associer les attitudes et les stéréotypes masculins ou féminins. Cette phase permet le développement des identifications masculines ou féminines. L’enfant ne voudra plus seulement « être » sexué, mais « paraître » sexué. Le petit garçon s’étant identifié à la mère dès les premiers mois, doit maintenant se séparer d’elle afin de s’affirmer. Il doit se désidentifier et adopter un modèle plus viril, afin de renforcer sa propre image sexuelle (50). Greenson (27) parle de désidentification avec la mère. Le garçon vit cette phase avec une très forte angoisse surnommée l’angoisse de « symbiose ». La force de la masculinité du père permet de rompre l’identification à la mère (1). Durant la phase de latence, de plus larges contacts sociaux fournissent des modèles additionnels pour l’identification et donnent l’opportunité à l’enfant d’étendre son sens de la masculinité et de la féminité. Les valeurs sociales, culturelles et les expériences de vie influencent le développement. C’est la phase de l’expérimentation des rôles masculins et féminins et de la généralisation des modèles. La solidification des identifications sexuées se fait à travers les jeux et les activités sociales. -L’identification indépendante :(après la puberté) A cette étape, l’adolescent se valorise à l’égal de ses modèles, au lieu de se soumettre à eux (47). Le choix du partenaire sexuel devient le problème central. Les conflits bisexuels s’éveillent pour le garçon et la fille dans leurs relations avec leurs camarades et provoquent des rêves et parfois des expériences homosexuelles pouvant influencer l’orientation sexuelle. Les conflits bisexuels sont résolus via une révision du moi idéal dans l’enfance.
INTRODUCTION |