LE RÔLE DE LA FISCALITÉ DANS LA RÉDUCTION DES INÉGALITÉS : DOIT-ON SE SOUCIER DE LA STRUCTURE FISCALE SERVANT À PRÉLEVER LES RECETTES?
Deux instruments sont utilisés par les États pour lutter contre les inégalités. Le premier est manifestement les dépenses publiques, c’est-à-dire la manière de dépenser l’impôt collecté sous forme de services publics ou de transferts en espèce. Le second est la fiscalité elle-même qui se subdivise aussi en deux éléments : le niveau de recettes fiscales collectées à proprement parler et la manière dont ces recettes fiscales sont prélevées, autrement dit la structure fiscale. En pratique, les politiques fiscales doivent tenir compte de l’équilibre entre l’équité et l’efficacité. Théoriquement, une taxe forfaitaire peut résoudre ce conflit (Ramsey, 1927) car : (i) elle respecte l’efficacité en ne nuisant pas à l’effort d’investissement des consommateurs; et (ii) elle atteint l’équité lorsqu’elle redistribue de manière forfaitaire les ressources vers les agents à favoriser de manière à réduire le niveau d’inégalité préexistant. En pratique, une telle taxe n’existe pas vraiment, car l’État ne dispose en général que d’instruments non forfaitaires pour allouer ses ressources. En conséquence, la structure fiscale d’un gouvernement s’articule autour de plusieurs types d’impôts et de taxes. Mirrlees (1971) a montré que certaines catégories d’impôts et de taxes comme l’impôt sur le revenu sont davantage utilisées dans une perspective d’équité alors que les taxes à la consommation le sont pour l’efficacité.
Au Québec, comme dans plusieurs autres juridictions, une attention particulière est portée à la manière dont les recettes fiscales sont collectées. Lorsque le gouvernement procède à une réduction fiscale dans un contexte de surplus budgétaire ou qu’inversement il augmente la fiscalité en situation déficitaire, ces révisions sont souvent l’objet de critique. À ce titre, dans les années deux mille, il a souvent été évoqué que les diminutions de l’impôt sur le revenu ont profité davantage aux mieux nantis alors que les augmentations des taxes à la consommation auraient plutôt pénalisé les personnes à faibles revenus. L’argumentaire populaire voudrait que la progressivité du barème d’imposition soit un gage qu’une structure plus fortement axée sur l’imposition du revenu contribue à réduire les inégalités alors qu’une utilisation accrue des taxes à la consommation applicable à tous serait régressive. Or, la réalité fiscale tenant compte de diverses interactions est souvent plus complexe quant au rôle de la fiscalité dans la réduction des inégalités.
Les États-Unis représentent l’illustration simple que la structure fiscale d’un pays n’est pas suffisante en soi pour lutter adéquatement contre les inégalités de revenus. En effet, malgré une structure fiscale assez fortement basée sur les impôts sur le revenu, le bénéfice et le gain en capital, le faible niveau des recettes fiscales globales prélevées ne permet pas au gouvernement américain d’intervenir suffisamment pour lutter contre les inégalités. En revanche, en Suède, bien que la structure fiscale soit moins progressive qu’aux États-Unis, la politique de redistribution est plus efficace parce que le niveau élevé de recettes fiscales globales prélevées permet au gouvernement suédois de mieux répondre au problème de l’inégalité (voir, par exemple, Lindert (2004)). Ceci suggère que la réduction des inégalités est principalement le résultat de la quantité de recettes fiscales perçues (ainsi que de l’efficacité de la gestion des finances publiques)