Le risque de cancer chez les personnes infectées par le VIH
Risque des cancers classant SIDA : 1992-2009
L’évolution de l’incidence et du risque des cancers classant SIDA a été étudiée chez les personnes infectées par le VIH suivies dans la base de données FHDH-ANRS CO4 entre 1992 et 2009 en comparaison avec la population générale. Pour comparer le risque de cancer entre la population infectée par le VIH et la population générale dont les données ont été issues du réseau FRANCIM des registres de cancer en France, des excès d’incidences standardisées et des ratios d’incidences standardisées (SIR) ont été estimés. Le risque des cancers classant SIDA chez les personnes infectées par le VIH sous traitement et ayant un taux de CD4 restauré depuis au moins deux ans et une charge virale contrôlée, a été comparé au risque dans la population générale.
L’âge au diagnostic a été comparé entre les deux populations après ajustement pour la différence de structure d’âge et sexe entre ces deux populations. Chez les 99 309 personnes infectées par le VIH résidents en France métropolitaine âgées entre 15 et 84 ans et suivies entre le 1er Janvier 1992 et 31 Décembre 2009, 3366 cas de SK, 2344 cas de LNH et 180 cas du cancer du col de l’utérus ont été identifiés.
Résultats complémentaires
Prise en compte de la sous-notification confirmant l’absence d’augmentation du risque de LNH en cas de taux de CD4 restaurée sous cART.
Les résultats principaux qui ont été publiés dans CID n’ont pas tenu compte de la sous notification. J’ai estimé les SIRs de SK et LNH chez les personnes infectées par le VIH sous traitement, ayant un taux de CD4 ≥500/mm3 depuis au moins deux ans et une charge virale récente indétectable (<500 copies/mL) en corrigeant le nombre de cas observés de cancer pour la sous-notification du même cancer dans FHDH. Les résultats sont présentés dans la figure 4.
Lorsque la sous-notification était prise en compte, les personnes infectées par le VIH sous traitement, ayant un taux de CD4 ≥500/mm3 depuis au moins deux ans et une charge virale récente indétectable (<500 copies/mL) avait un risque de SK 45 fois plus élevé (contre SIR=35 sans prendre compte de la sous-notification) que le risque en population générale. Pour le LNH, le risque chez ces patients restait proche de celui en population générale (SIR = 1,3 ; IC à 95% : 0,7-2,3) même après la prise en compte de la sous-notification, versus SIR = 1,0 (IC à 95% : 0,7- 2,3) sans correction pour la sous-notification. Pour le cancer du col de l’utérus, le SIR n’a pas été estimé en raison des faibles effectifs même après correction.
Risque des cancers non classant SIDA : 1997-2009
L’évolution de l’incidence et du risque des quatre cancers non classant SIDA les plus fréquents ; le cancer du poumon, la maladie de Hodgkin et les cancers du foie et du canal anal, a été étudiée chez les personnes infectées par le VIH suivies au sein de la base de données FHDH-ANRS CO4 entre 1997 et 2009. Dans cette étude, le nombre de cas de cancers observés a été corrigé afin de tenir compte de la sous-notification des cancers non classant SIDA dans FHDH.
Ce travail a fait l’objet d’une publication dans la revue « AIDS » : Writing committee of the Cancer Risk Group of the French Hospital Database on HIV (FHDHANRS CO4). Risk of non AIDS-defining cancers among HIV-1-infected individuals in
France between 1997 and 2009: Results from the FHDH-ANRS CO4 cohort.
Sur la période 1997-2009, le nombre corrigé de cas de cancer était 763 pour le cancer du poumon, 535 pour la maladie de Hodgkin, 433 pour le cancer du foie et 525 pour le cancer du canal anal. Quelque soit la période calendaire et le cancer considéré, le risque de cancer chez les personnes infectées par le VIH était plus élevé que celui en population générale, avec des tendances différentes au cours du temps selon le type de cancer. Une baisse du risque relatif était observée au cours du temps pour les cancers du poumon et du canal anal.
En revanche, pour le cancer du foie et de la maladie de Hodgkin, il n’y avait pas de tendance significative au cours du temps. Chez les personnes sous traitement, ayant un taux de CD4 restauré depuis au moins deux ans, le risque de cancer du poumon était proche de celui en population générale (SIR=0.9), alors qu’il était 9 fois plus élevé pour la maladie de Hodgkin et 2 fois plus élevé pour le cancer du foie. Pour le cancer du canal anal, nous n’avons pas estimé le SIR à cause du faible nombre de cas observés et attendus. Après ajustement sur la différence de structure d’âge et de sexe, la différence d’âge au diagnostic entre les deux populations était petite et non significative pour les cancers du poumon, du canal et de la maladie de Hodgkin, alors qu’elle était importante pour le cancer du foie (-10 ans).
Analyses de sensibilité pour l’estimation des SIRs
Utilisation des estimations nationales de l’incidence en France plutôt que les estimations de l’incidence obtenue directement à partir des 20 registres Les données d’incidence en population générale utilisées dans le cadre de cette thèse correspondent aux données provenant des registres régionaux de cancer. Cependant, la zone géographique couverte par les registres ne peut pas être considérée comme nécessairement représentative de la France. Or, outre ces données, le réseau FRANCIM a publié en 2013 une mise à jour de l’estimation nationale des incidences des cancers dans la population générale en France entre 1980 et 2012 (Binder-Foucard et al. 2013). Dans ce travail, la méthode utilisée est fondée sur le rapport incidence/mortalité étant donné que la mortalité est disponible au niveau département et national.
Ces estimations corrigées portent sur 19 localisations cancéreuses y compris le col de l’utérus, le poumon et le foie. Les estimations nationales de l’incidence du cancer du canal anal n’ont pas été publiées. Dans un deuxième rapport (Monnereau et al. 2013), la mise à jour a concerné l’incidence des hémopathies malignes, y compris le lymphome non Hodgkinien et la maladie de Hodgkin. Pour les hémopathies malignes, l’incidence a été directement estimée à partir d’une modélisation de l’incidence de la zone registre et non à partir du rapport incidence/mortalité classiquement utilisé car le codage des données de mortalité ne permettant pas de distinguer aussi précisément les différentes hémopathies malignes.
Donc, afin d’explorer d’éventuels biais liés à la seule utilisation des données provenant des registres régionaux, les SIRs ont été ré-estimés en utilisant les estimations nationales de l’incidence pour les cancers du poumon et du foie (Binder-Foucard et al. 2013) pour lesquels les estimations nationales corrigées sont disponibles. Pour la maladie de Hodgkin, les SIR ont été réestimés en utilisant les estimations nationales de l’incidence obtenue en modélisant l’incidence de la zone registre (Monnereau et al. 2013). Les SIRs estimés en utilisant les données de l’incidence de la population générale régionales et nationales sont présentés dans le tableau 17.
Le tableau 17 montre qu’utiliser les seules données provenant des registres modifie très légèrement le nombre de cas attendus des trois cancers et induit par conséquent une légère modification des SIRs qui ne remet pas cependant en cause nos résultats.
Tableau 17 : Ratios d’incidence standardisés des cancers du poumon et du foie et de la maladie de Hodgkin au cours des périodes en utilisant d’une part les données d’incidence de la
population générale provenant des registres régionaux et d’autre part les données des estimations nationales de l’incidence.
En excluant les cas de cancer du canal anal qui n’ont pas été validés
Les cas de cancer du canal anal enregistrés dans la FHDH entre 1997 et 2008 avaient été validés sur la base des comptes-rendus histologiques dans le cadre du travail de Piketty et al. (Piketty et al. 2012). En revanche, les cas incidents codés C21 ont été retenus en 2009. Une analyse de sensibilité a été réalisée en limitant la période d’étude à 1997-2008 et en incluant uniquement les cas validés de ce cancer. Le tableau 18 montre les SIRs du cancer du canal anal dans la période la plus récente avant et après exclusion des cas codés C21 incidents de 2009. En incluant uniquement les cas de cancer du canal anal validés sur la base des comptes-rendus histologiques, les SIRs estimés sur la période récente étaient légèrement inférieurs. Cependant la tendance des SIRs est restée inchangée.