Le réseau urbain sénégalais de la macrocéphalie dakaroise à l’émergence de nouvelles configurations spatiales
Avec seulement trois villes en 1904, le Sénégal en compte aujourd’hui plus de 60. Démarrée sur la façade littorale, l’émergence urbaine a maintenant gagné toutes les parties du pays. L’urbanisation post-coloniale obéit à deux logiques : une logique dirigiste orchestrée par l’Etat et une logique spontanée encadrée par les pouvoirs locaux traditionnels et religieux surtout. L’expérience sénégalaise en matière d’urbanisation est, de ce point de vue, assez paradoxale. Elle l’est d’autant plus que même si les villes créées par ces derniers ne se reconnaissent pas toujours – ou ne sont pas reconnues – dans les législations régissant les fonctionnements interne et externe des villes, elles contribuent à affirmer l’existence d’un système urbain national. La synergie entre les deux logiques d’urbanisation a permis la mise en place d’un réseau urbain relativement bien articulé, dont la dynamique interpelle aujourd’hui décideurs, société civile et chercheurs. Celle-ci se lit principalement à trois niveaux : formation d’axes urbains, périurbanisation autour de la capitale nationale (Dakar) et urbanisation périphérique autour des grandes villes de l’intérieur. Histoire urbaine et histoire municipale sont inséparables. Est ainsi considérée comme ville toute localité disposant du statut de commune. Une commune se définit, selon l’article 77 du code des collectivités locales du Sénégal, comme « une collectivité locale, personne morale de droit public. Elle regroupe les habitants du périmètre d’une même localité unis par une solidarité résultant du voisinage, désireux de traiter de leurs propres intérêts et capables de trouver les ressources nécessaires à une action qui leur soit particulière au sein de la communauté nationale et dans le sens des intérêts de la nation ».
L’évolution spatiale du semis urbain sénégalais s’est faite au fur et à mesure des reclassements en communes. Contrairement aux créations coloniales guidées par la seule volonté d’assimilation culturelle et politique des populations autochtones (Saint-Louis, Gorée, Dakar et Rufisque notamment), la poursuite de la politique coloniale de communalisation après les indépendances reste guidée par une réelle volonté de création urbaine. L’extension spatiale du statut de commune obéit à une logique à la fois de désengagement étatique et de mise en place d’une alternative à la macrocéphalie dakaroise. Les communes doivent jouer, en plus de leur rôle de centre d’animation de la vie politique locale, un rôle de centre local de décision non seulement en matière administrative, mais aussi en terme de gestion des ressources placées sous leur contrôle. La communalisation vise, en quelque sorte, à encourager une urbanisation participative et orchestrée à partir de gros bourgs ruraux qui ont déjà fait leurs preuves en termes de mobilisation et de structuration des espaces placés sous leur influence. Gorée, Dakar et Rufisque notamment), la poursuite de la politique coloniale de communalisation après les indépendances reste guidée par une réelle volonté de création urbaine. L’extension spatiale du statut de commune obéit à une logique à la fois de désengagement étatique et de mise en place d’une alternative à la macrocéphalie dakaroise. Les communes doivent jouer, en plus de leur rôle de centre d’animation de la vie politique locale, un rôle de centre local de décision non seulement en matière administrative, mais aussi en terme de gestion des ressources placées sous leur contrôle. La communalisation vise, en quelque sorte, à encourager une urbanisation participative et orchestrée à partir de gros bourgs ruraux qui ont déjà fait leurs preuves en termes de mobilisation et de structuration des espaces placés sous leur influence.La trame urbaine officielle s’organise selon une hiérarchie administrative et territoriale dans laquelle s’emboîtent de plus petites configurations hiérarchisées selon le poids démographique, le statut politico-administratif et le niveau d’équipement. Ainsi, les communes peuvent être classées en cinq catégories selon les rapports de dépendance à la fois fonctionnels et institutionnels qu’elles entretiennent les unes avec les autres (figure 14) : la commune-capitale nationale, les communes capitales régionales, les communes départementales, les communes issues de la réforme d’arrondissements ruraux et les communes d’arrondissements urbains que l’on trouve exclusivement dans la région de Dakar. Il est très important de comprendre cette configuration hiérarchique car elle détermine fortement la répartition des fonctions et infrastructures de niveau supérieur (hôpitaux, aérodromes, universités…).Le code des collectivités locales de 1996 a introduit lui aussi un critère statistique qui rend la définition de la ville plus compliquée à saisir. En effet, « ne peuvent être constituées en communes que les localités ayant un développement suffisant pour pouvoir disposer des ressources propres nécessaires à l’équilibre de leur budget. Aucune commune ne peut être constituée qui ne comprenne une population groupée d’au moins mille habitants »14. Ces critères posent problème dans la mesure où on ne sait pas à quoi correspond « un développement suffisant ». Dans le contexte sénégalais, le critère statistique importe donc beaucoup moins que le statut de commune – du moins officiellement – pour prouver l’urbanité d’une localité. Il a quand même le mérite de mettre en évidence une réalité, celle de l’existence de villes autochtones particulièrement dynamiques comparées à certaines créations officielles.