Le régime juridique de la clause de réserve de propriété après l’ordonnance de 2006

Le régime juridique de la clause de réserve de propriété après l’ordonnance de 2006

L’article 2367 du code civil prévoit que : « La propriété d’un bien peut être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété qui suspend l’effet translatif d’un contrat jusqu’au complet paiement de l’obligation qui en constitue la contrepartie ». Une disposition qui continue à susciter des controverses dans le milieu doctrinal sur la nature juridique de cette clause619, car elle emploie une analyse suspensive et non résolutoire de cette stipulation, et ne prend pas toutefois parti sur la nature certaine ou incertaine de l’évènement envisagé.
Les conditions de constitution de cette sûreté doivent être analysées (A) ainsi que ses effets pour mieux appréhender sa nature juridique.

Les conditions de constitution de la clause de réserve de propriété

S’agissant des conditions de forme de la clause de réserve de propriété, un écrit doit être établit entre les parties pour la validité de cette sûreté620, cet écrit doit être établi au plus tard au jour de la livraison. Toutefois, le défaut de ce formalisme entraine-t-il la nullité du contrat, et de la sûreté par voie de conséquence ?
L’article 2381 de l’avant-projet de loi prévoyait que la réserve de propriété est convenue par écrit, à peine de nullité, une disposition qui sanctionnait le défaut du formalisme de la constitution d’une clause de réserve de propriété, étrangement cette sanction a été écartée de l’ordonnance, et le défaut d’écrit semble être considéré comme une sanction entrainant l’inopposabilité à la procédure collective comme avant l’ordonnance de 2006621, autrement dit, l’écrit était une condition d’opposabilité à la procédure collective.
Quant à la publicité du contrat, elle reste une condition facultative622, et l’intérêt de cette publicité réside dans les procédures collectives, où le propriétaire sera exempté de l’obligation de revendiquer le bien dans le délai légal623, il se contentera en l’occurrence de faire une demande en restitution de son bien. Ce dernier fera partie des créanciers titulaires d’une sûreté publiée avertis personnellement pour la déclaration de leur créance comme le prévoit l’article L622-24 du code de commerce.
Désormais, le vendeur ne peut plus insérer unilatéralement la clause de réserve de propriété sans que l’acheteur ne puisse s’y opposer624, comme l’article 19 de la loi du 1er juillet 1996 le prévoyait625, qui rendait le consentement de l’acheteur tacite. En effet la cour de cassation qui avait fait prévaloir la clause d’exclusion de réserve de propriété stipulée par l’acheteur sur la clause de réserve de propriété stipulée par le vendeur626, a précisé que cet article n’avait pas un caractère rétroactif627.
Relativement à la nature juridique du contrat pouvant faire l’objet d’une clause de réserve de propriété, le texte fait référence à l’effet translatif « d’un contrat » sans en déterminer la nature, ce qui pourra nous conduire à entendre que ladite clause pourra être stipulée quel que soit le contrat, et peu importe sa nature juridique628. La cour de cassationavait d’ailleurs confirmé cette solution, en soulignant dans un arrêt629 que l’action en revendication d’un bien dont la propriété est réservée en vertu d’une clause de réserve depropriété peut être exercée quelle que soit la nature du contrat dans lequel cette clause figure, y compris dans les contrats d’entreprise630.
A l’égard des biens pouvant être retenu en garantie en application d’une clause de réserve de propriété, l’article 2367 du code civil souligne : « La propriété d’un bien peut être retenue en garantie par l’effet d’une clause de réserve de propriété… », Ce qui peut laisser une vaste interprétation de ce texte. En effet, tout bien peut faire l’objet d’une clause qui suspend le transfert de la propriété, même les biens fongibles631, la cour de cassation avait rendu des arrêts auxquels elle avait admis par exemple de retenir la propriété du matériel d’équipement en garantie632, également sur un véhicule automobile633, ou encore sur un fonds de commerce634, précisant en l’espèce que : « l’obligation de revendiquer dans le délai de 3 mois, imposée par l’article 115 de la loi du 25 janvier 1985 à celui qui doit faire reconnaître son droit de propriété contre une personne soumise à une procédure deredressement judiciaire, n’est pas limitée aux meubles corporels , d’où il suit que le moyen est sans fondement ».
Il convient de souligner, que l’une des innovations majeures de l’ordonnance de 2006 était la reconnaissance de la clause de réserve de propriété immobilière. En effet, d’une manière explicite, le code civil affirme dans son article 2373 que : « La propriété de l’immeuble peut également être retenue ou cédée en garantie ». Cette consécration s’inscrit dans la volonté du législateur Français d’insertion de la clause de réserve de propriété immobilière aux coté des autres sûretés immobilières.

Les effets de la clause de réserve de propriété

L’ordonnance de 2006 a éclairci le dénouement et les effets de la propriété retenue à titre de garantie dans le cadre d’une clause de réserve de propriété après que les décisions jurisprudentielles en constituent le fondement.
En effet, la portée translative suspendue par la clause disparait dès lors que le paiement intégral de la chose vendue s’effectue par le débiteur, toutefois, le défaut du paiement complet à l’échéance, confère le droit au propriétaire de demander la restitution du bien afin de recouvrer le droit d’en disposer639. Ce droit reconnu au vendeur ne se qualifie pas comme étant une action résolutoire640, mais un mode de réalisation qui particularise cette sûreté, et qui procure au vendeur le droit de récupérer son bien, et le revendre641, la créance s’éteint en l’occurrence.
Le vendeur met en oeuvre la réserve de propriété en exerçant une action en revendication ou en restitution selon si la clause a été publié ou pas. Si c’est le cas, le vendeur dispose d’un délai de 3 mois suivant la publication du jugement pour exercer son action en revendication. Si le contrat de vente est publié, le vendeur sera tenu informé lors de l’ouverture d’une procédure collective à l’égard du débiteur.
Par ailleurs, la revendication peut s’exercer sur le bien vendu, dans la circonstance, la valeur du bien repris représente le paiement sur le solde de la créance garantie, et le créancier ne pourra s’en enchérir car le vendeur va devoir payer la différence au débiteur si la valeur dubien repris excède le montant de la dette garantie.

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L’impact de la clause de réserve de propriété sur le contentieux de l’impayé

Après s’être arrêté sur les conditions de constitution de la clause de réserve de propriété, et ses principaux effets, il semble que le lien corrélatif entre cette sûreté et lecontentieux de l’impayé peut être établi, afin de savoir si le recours à cette sûreté a contribué à la baisse du contentieux de l’impayé, et s’il a été utile (B), préalablement, on devra mesurer l’efficacité de cette sûreté, pour savoir si l’ordonnance de 2006 et la réglementation de la clause a rendu cette clause plus attrayante, et a encouragé les vendeurs à y recourir(A).

L’efficacité de la clause de réserve de propriété

Mesurer l’efficacité de la clause de réserve de propriété est tributaire des différentes situations auxquelles un vendeur réservataire de propriété pourrait être confronté lors de la mise en oeuvre ou la réalisation de sa sûreté, particulièrement lorsqu’il doit faire face à laconcurrence d’autres créanciers ayant une autre sûreté, notamment lors des procédures collectives.
En effet, le vendeur réservataire de propriété peut se retrouver hors du cadre des procédures collectives face à un créancier gagiste sans dépossession qui a agi en méconnaissance de cause, sans savoir que le bien n’appartenait pas à l’acquéreur avec réserve de propriété, mas il est de bonne foi, en l’occurrence, c’est le vendeur avec réserve de propriété qui l’emportera étant donné que c’est le véritable propriétaire du bien, et la créancier gagiste ne pourra que se prévaloir de l’article 2335 du code civil649 dans la circonstance, la nullité du gage de la chose d’autrui peut être provoquée, et ceci peut donner lieu à des dommages et intérêts du moment que le créancier gagiste a ignoré que la chose appartenait à autrui.

L’utilité de la clause de réserve de propriété à l’égard du contentieux de l’impayé

D’emblée, on peut affirmer que cette clause a contribué efficacement à la baisse du contentieux de l’impayé devant les juridictions civiles et commerciales, eu égard à son mode de réalisation, qui relève fréquemment des procédures collectives, et même si le débiteur ne fait pas objet d’une procédure collective, la réalisation de cette sûreté n’est pas répertoriée dans le cadre du contentieux de l’impayé, contrairement au crédit-bail, qui présente des caractéristiques semblables à la clause de réserve de propriété, et porte également sur la retenue de la propriété à titre de garantie, mais la réalisation relève du contentieux de l’impayé658.
Cependant, il nous est difficile de chiffrer le nombre de contractants qui recourent à cette sûreté dans un contexte contractuel, pour l’unique raison, que le contrat de vente dans lequel figure la clause de réserve de propriété n’est pas obligatoirement publié. Or les autres sûretés font pratiquement toutes l’objet d’une publicité, et le défaut de publicité peut entrainer la nullité de la sûreté.
En pratique, cette garantie devenue sûreté, est de plus en plus utilisée, et constitue désormais l’une des sûretés les plus sûres pour le vendeur659, bien qu’elle soit concurrencée par la fameuse et nouvelle sûreté : la fiducie-sûreté.

Le régime juridique de la fiducie-sûreté

Le code civil définit la fiducie par l’article 2011 comme : « l’opération par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens, de droits ou de sûretés, présents ou futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ».
Le législateur s’est contenté à travers cette définition d’indiquer que le fiduciaire agit dans un but déterminé670, ce qui laisse entendre que celle-ci peut être utilisée à des fins de garantie, précisément en tant que sûreté pour assurer l’exécution d’une quelconque obligation, en l’occurrence, le débiteur transfère la propriété d’un bien à son créancier ayant la qualité de fiduciaire, qui est lui-même bénéficiaire du patrimoine fiduciaire en cas de défaillance de son débiteur, et acquiert la pleine propriété du bien, si le débiteur s’acquitte de son obligation, le créancier a l’obligation de rétrocéder la propriété du bien transféré au débiteur. C’est ce qui a été éclairé par après par l’article 2372-1 du même code, qui dispose que : « La propriété d’un bien mobilier ou d’un droit peut être cédée à titre de garantie d’une obligation en vertu d’un contrat de fiducie conclu en application des articles 2011 à 2030 ». Cette disposition a été introduite sous le régime des sûretés réelles dans le code civil, ce qui implique la reconnaissance formelle de la fiducie-sûreté en tant que sûreté réelle.

Les conditions de constitution d’une fiducie-sûreté

Les conditions de fond

Le législateur avait réservé le domaine de constitution de la fiducie uniquement aux personnes morales soumises à l’impôt sur les sociétés, une restriction qui était levée par la loi du 12 mai 2009, pour que les personnes physiques puissent constituer une fiducie-sûreté.
Cela va sans dire, à l’instar des sûretés traditionnelles, qu’un tiers à la dette garantie puisse céder la propriété d’un bien, ou un ensemble de ses biens, en couverture de celles-ci, les textes ne soulignent pas cette possibilité, ils parlent toutefois du « constituant » et non pas du débiteur. Il s’agit d’une fiducie-sûreté pour autrui. Le constituant de la fiducie-sûreté est appelé aussi fiduciant. Celui-ci, peut en vertu de la réglementation en vigueur, conserver l’usage ou la jouissance des biens transférés dans un patrimoine fiduciaire.
Le bénéficiaire fait aussi partie du contrat de la fiducie, généralement le bénéficiaire est le créancier, lorsque la fiducie est utilisée à des fins de garantie. Les créanciers peuvent êtres les bénéficiaires de la sûreté si leur débiteur est soumis à un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire671.
Le bénéficiaire ne dispose pas en effet d’un droit réel sur le bien transféré au patrimoine fiduciaire, il peut toutefois bénéficier des fruits produits par le bien pendant la durée du contrat, il dispose d’un droit de créance sur le fiduciaire pour l’exécution du contrat de la fiducie, si ce n’est pas lui-même le fiduciaire. Ce droit est cessible et saisissableau même titre que d’autres droits de créance.
Il convient de souligner que l’acceptation du contrat de fiducie par le bénéficiaire entraine son irrévocabilité672, et l’aliénation du bien par le fiduciaire après conclusion du contratpourrait provoquer une action en responsabilité à son encontre par le bénéficiaire.

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