Le raisonnement temporel
Ce chapitre constitue une introduction au raisonnement temporel. Il est divisé en deux parties. La première partie décrit différents formalismes mis au point pour représenter et raisonner sur le temps. L’aspect opérationnel de ces formalismes, et plus généralement la mise en oeuvre du raisonnement temporel, fait l’objet de la deuxième partie de ce chapitre. Y sont décrites d’autres approches, en général plus restreintes quand à leurs capacités expressives, mais pour lesquelles il existe des procédures d’inférences ou de décision. Une première approche du raisonnement temporel, que l’on pourrait qualifier d’approche simpliste, consiste à confondre systématiquement le temps du système modélisé (temps dit externe) avec le temps interne de l’exécution du programme. L’inconvénient majeur de cette approche est d’empêcher toute distinction entre une révision des données due à une évolution dans le système extérieur, d’une révision due à la correction d’une information erronée produite au cours du raisonnement. Cette confusion est source de problèmes complexes qui ne facilitent pas la mise au point d’une base de connaissances qui aurait ainsi été étendue pour prendre en compte le temps. Un raisonnement où le temps intervient doit identifier celui-ci comme un facteur autonome et une connaissance à part entière. Néanmoins, le temps ne peut pas se résumer à une connaissance ayant le même statut que toutes les autres, ne serait ce que parcequ’il intervient dans la modification de celles-ci. De plus, les proprié tés particulière du temps (son irréversibilité, son partage entre tous les acteurs de l’univers) imposent, une modélisation propre de la notion de temps dans un système intelligent.
Dans le cadre de l’intelligence artificielle et plus particulièrement du raisonne ment temporel, le temps est vu suivant deux acceptions. Le temps dit de bas nivau est celui qui se mesure, qui s’ordonne et qui se place sur un axe temporel éventuel lement numérique. Ce temps est simplement utilisé pour indexer les éléments de la base de connaissances. On sera donc plus particulièrement intéressé par la gestion d’une base de données et de connaissances temporelles, pour lesquelles la mise en œuvre d’une représentation adéquate du temps se résume à la gestion de l’ordre de celui-ci. Les approches correspondantes font appel à des techniques issues de la re cherche opérationnelle et de la programmation par contraintes. Dans cette approche, une date est un point qui doit se placer sur un axe numérique représentant le temps. Les informations manipulées ont une représentation uniforme, par exemple associer une information à une date et représenter cette association par un nœud unique dans un graphe. Les méthodes mises en œuvre dans ce cadre sont celles de la pro grammation linéaire pour résoudre des systèmes d’équations et d’inéquations, des recherches de plus court chemin, des méthodes de gestion de ressources et de projet (PERT) ou d’ordonnancement.
La deuxième vision du temps est celle d’un facteur dont on cherchera à modéliser les propriétés les plus marquantes comme son irréversibilité, son égale accessibilité à tous les acteurs, ainsi que son intervention dans les liens de cause à effet et son influence sur l’évolution de l’univers modélisé. Ce temps, dit de haut niveau, est la visée de nombreux formalismes logiques, construits soit à partir des logiques mo dales, soit à partir de la logique classique du premier ordre. Ce sont certains de ces formalismes qui vont être décrits maintenant. ser le temps en intelligence artificielle. Celle-ci étend simplement la logique classique du premier ordre en accordant un statut spécial au temps et aux termes qui le re présentent. Une autre approche est celle des logiques temporelles modales décrite dans le paragraphe 1.1.2. Les logiques temporelles réifiées sont les formalismes qui ont reçus le plus d’attention pour le raisonnement temporel et qui sont à l’origine de la plupart des travaux dans ce domaine : elles sont décrites dans le paragraphe 1.1.3. Pour finir cet exposé sur les formalismes de représentation du temps, nous décrivons le calcul d’événements de Sergot et Kowalski, qui, en raison de ses choix ontolo giques et de son cadre formel, possède un statut légèrement à part des formalismes précédents. L’approche la plus simple consiste à rester dans la cadre de la logique classique du permier ordre, et à rajouter à chaque prédicat utilisé un argument supplémentaire représentant l’information temporelle sous la forme d’un instant ou d’un intervalle. Cette méthode, appelée « méthode des arguments temporels » est l’une des pre mières qui a été étudiée pour la représentation du temps. A première vue, cette méthode semble de peu d’intérêt : en effet, on ne peut pas exprimer simplement de propriétés particulière au temps (antériorité des effets sur les causes, par exemple) sans expliciter celles-ci pour tous les symboles de relation présents dans le langage considéré.