Le quotatif ná et la complémentation
Creissels (2006VOL2 : 253) définit les propositions complétives comme : “des subordonnées non relatives qui forment avec un élément de la phrase matrice (qui peut être un verbe, un nom, un adjectif ou une adposition) une construction dans laquelle la subordonnée sature une valence de cet élément de manière analogue à ce que pourrait faire un constituant nominal.” En minyanka, la plupart des propositions complétives sont introduites par le quotatif ná ‘que’ qui se place après le verbe de la proposition matrice. Dans les sections qui suivent, nous étudierons d’abord les différents emplois du quotatif avant d’étudier les différentes propositions complétives.
Le quotatif ná dans le discours rapporté
Le minyanka dispose de deux procédés pour rapporter un discours. Le premier consiste à utiliser la proposition introduite par ná comme complément d’un verbe de parole (12-1a). Le second consiste à utiliser la subordonnée introduite par ná comme propos rapporté en l’absence de la proposition matrice (12-1b). Dans ces constructions, le verbe est à l’indicatif et succède à un marqueur prédicatif.
Ná et le subjonctif
Certains énoncés de structure Ná + S (O) V à l’affirmatif, et Ná + S + kàN ̰́ ~ kàmbáN (O) V au négatif expriment respectivement un ordre ou une interdiction à l’endroit du destinataire du message. Dans ces énoncés, le schème tonal du verbe se comporte de la façon suivante : – les verbes à schème tonal H demeurent H – tous les verbes monosyllabiques à ton bas deviennent H – tous les verbes à ton BHB (sauf certains empruntés au bambara, lesquels demeurent BHB) et tous les verbes polysyllabiques à ton B deviennent H-B. Quand on compare les énoncés (12-5) et (12-6), on constate que le marqueur prédicatif du prohibitif (subjonctif négatif) est présent dans la construction négative, alors qu’aucun marqueur prédicatif apparent ne figure dans la construction affirmative. En revanche, le schème tonal du verbe est identique dans les deux constructions. Ceci nous amène à postuler l’existence d’un marqueur Ø du subjonctif entre le sujet et le verbe dans la construction affirmative, ce qui expliquerait le changement du ton lexical du verbe. fòrò ‘sortir’
Classes sémantiques des prédicats qui régissent une subordonnée complétive
En nous inspirant de Noonan (2007), nous allons étudier la catégorie sémantique des prédicats du minyanka qui sélectionnent une proposition subordonnée complétive. Il ne s’agit point ici d’étudier tous les emplois possibles de ces prédicats, mais uniquement leurs emplois 318 en tant que complement-taking predicates, c’est-à-dire des prédicats régissant une subordonnée complétive.
Complémentation des verbes d’énonciation
Noonan (2007 : 121) définit les prédicats d’énonciation (utterance predicates) comme : “Utterance predicates are used in sentences describing a simple transfer of information initiated by an agentive subject. The complement represents the transferred information, and the CTP (ComplementTaking Predicate) describes the manner of transfer, the illocutionary force of the original statement, and can also give an evaluation of the speaker’s (as opposed to the agent subject’s) view of the veracity of the proposition encoded in the complement.” En suivant cet auteur, les verbes minyanka comme jò ‘dire, parler’, ɲú-círí (bouche-rencontrer) ‘répondre’ et jáabî ‘répondre’ peuvent être considérés comme des verbes d’énonciation. Chacun de ces verbes introduit sa subordonnée complétive au moyen du quotatif ná et requiert généralement l’emploi du mode indicatif dans la subordonnée. L’énoncé (12-10) est extrait d’une discussion sur le culte des différents fétiches, dont les femmes sont tenues à l’écart en milieu minyanka. Dans cet énoncé, le locuteur affirme qu’une femme âgée du village a refusé de répondre à certaines de ses questions sur le culte du Nya