LE PROJET ROBOT HEXAPODE, R.HEX
Né d’un tremblement le C.N.R.S.131 et son homologue japonais, l’AIST132 entament une collaboration internationale en inaugurant le J.R.L.133, un laboratoire de recherche en robotique Franco-Japonais. Le pôle français est hébergé au Laboratoire de Robotique de Versailles (Université de Versailles St Quentin/CNRS), et le pôle Japonais est accueilli dans 130 Sébastien Druon, Interview de Sébastien Druon par Adrien Gomez, 2017.
CNRS : Centre National de Recherche Scientifique 132 AIST : National Institute of Advanced Industrial Science and Technology 133 JRL : Joins Robotics Laboratory 116 les locaux de l’I.S.I.134, qui dépend de l’AIST dans la ville de Tsukuba, la cité de la science et de la nature, située à cinquante kilomètres au Nord-Est de la capitale, Tokyo. En 2010, le sol de Tsukuba est foulé par quatre paires de pieds made in France.
Sébastien Druon, son épouse, et leurs deux enfants s’apprêtent ainsi à troquer leurs croissants au beurre et leurs cafés contre des tsukemono et de la soupe miso. Sébastien, enseignant à l’IUT de Béziers et chercheur au LIRMM135, profite d’un accueil en délégation au CNRS pour aller prêter main forte à ses collègues roboticiens japonais du JRL. Pendant plusieurs mois il effectue ses recherches sur du B.C.I.,
Brain Computer Interface (interface cerveau machine) en les appliquant à la robotique humanoïde et plus particulièrement au modèle HRP2 développé par l’AIST. Pour ceux qui ont été biberonnés à la culture de la japanimation arrivée en France à la fin des années 1970, les noms Robotech, Macross, Gundamn, Patlabor, raisonnent immédiatement en tête à la vue du HRP-2, dont l’apparence est clairement inspirée par les design d’Ōkawara Kunio ou Kawamori Shōji, célèbres mécha-designers.
Avec l’équipe en place, Sébastien apprend beaucoup de cet humanoïde d’un mètre cinquante, notamment sur la marche, le mouvement, la mobilité, l’équilibre, d’autant qu’il possède deux ordinateurs embarqués, un dédié au mouvement et l’autre au traitement d’image, une des spécialités du chercheur français. Au bout de quelques mois, les recherches s’arrêtent brusquement. Nous sommes le 11 Mars 2011.
L’archipel Nippon va subir trois catastrophes consécutives. A 14h46, le plus important séisme jamais mesuré au Japon va secouer le pays. La centrale de Fukushima est très affectée par le tremblement de terre qui provoque l’arrêt automatique des réacteurs en service, puis l’activation des groupes électrogènes suite à des pannes dans l’alimentation électrique.
Des dommages structurels sont également détectés. Moins d’une heure plus tard, les japonais encore sous le choc voient déferler sur eux depuis la côte pacifique un tsunami, dont la hauteur peut atteindre trente mètres par endroit. Conséquence du séisme, la vague va ravager près de six cent kilomètres de côte rasant des villes côtières entières, et faisant plus de dix-huit mille victimes.
Dans la centrale de Fukushima, frappée par les vagues, les groupes électrogènes s’arrêtent, des débris obstruent l’arrivée des liquides de refroidissement dans les réacteurs. Au moins deux réacteurs nucléaires entrent en fusion. Il s’agit de la plus grande catastrophe nucléaire du début du XXIème siècle, classée niveau 7 sur l’échelle de l’INES136 et aussi importante que la catastrophe de Tchernobyl en 1986. Avec neuf heures de décalage horaire, les français découvrent au réveil la catastrophe tandis que leurs concitoyens expatriés reçoivent l’ordre de quitter immédiatement le Japon.
Un mois après la catastrophe, notre roboticien revient au japon, seul, pour achever sa mission de recherche. Sur place il retrouve un japon abîmé, avec beaucoup de restrictions énergétiques. Un retour dans une vie hors du temps, dans un pays changé, bien différent de celui qu’il avait découvert avec sa famille avant l’incident.
Il a alors la possibilité d’assister à un séminaire qui propose un retour d’expériences sur les robots utilisés dans la centrale, après l’accident. Ces retours sont extrêmement intéressants et permettent de déterminer ce qui n’a pas fonctionné avec les solutions robotiques mises en place. Comme on peut s’y attendre, les radiations altèrent fortement le fonctionnement des circuits électroniques des machines envoyées dans l’usine dévastée.
Mais c’est surtout les échecs en termes de franchissement qui vont titiller et marquer l’esprit de Sébastien. Les robots envoyés à l’usine rencontrent plusieurs obstacles. Tout d’abord, les débris, beaucoup de robots n’ont pas été conçus pour franchir les éboulis et les destructions entières ou partielles des structures en place. Mais il y a également des contraintes liées à l’environnement qu’est une centrale nucléaire ; un escalier par exemple, c’est une largeur maximale, un angle de virage auquel le robot doit pouvoir s’adapter.
Une simple porte peut devenir un obstacle infranchissable si la machine n’est pas équipée d’un organe préhenseur pour actionner la poignée. Après ce séminaire, le retour au travail se fait dans des conditions particulières, tous les collègues français ou japonais ne sont pas encore de retour au J.R.L., l’activité est par conséquence réduite. Durant ce temps libre, les plans d’un nouveau robot se dessinent dans la tête de Sébastien.
Loin de sa famille restée en France, il met alors à profit ses soirées en solitaire pour esquisser sur un carnet les caractéristiques de ce robot. La chenille comme moyen de locomotion est éliminée car un obstacle infranchissable reste infranchissable quoi qu’il arrive. La solution du robot bipède n’est pas non plus envisageable, les robots de l’époque comme le HRP2 ont du mal à se déplacer sur des sols non plats