Le programme d’histoire de deuxième cycle au secondaire
Afin d’éclairer ces interrogations et surtout pour bien contextualiser l’épreuve unique d’histoire de quatrième secondaire et ses liens avec l’histoire scolaire, les prochaines sections s’intéressent aux principaux changements qui ont touché l’enseignement de l’histoire au cours des dernières décennies, aux caractéristiques du programme d’HEC, aux cadres d’évaluation qui lui sont associés et aux caractéristiques de l’épreuve unique.
Le programme d’HEC (valide entre 2006 et 2017)
En 1994, les finalités de l’école québécoise sont redéfinies par un comité, composé de conseillers pédagogiques, d’enseignants et d’acteurs externes au milieu scolaire (Létourneau, 2008). Afin de favoriser le développement de compétences disciplinaires, le comité derrière le Rapport Lacoursière (1996) privilégie de lier les disciplines de l’histoire et de la géographie sous l’appellation d’un nouveau domaine de formation : l’univers social, éducation civique et sociale. Avec les États généraux sur l’éducation, tous les cours sont repensés et l’histoire est dorénavant associée à l’éducation à la citoyenneté; ce programme Histoire et éducation à la citoyenneté (HEC) s’offre dorénavant sur cinq années. Son application en classe du secondaire se réalise pour une première fois en 2006. Le cours d’histoire du Québec et du Canada se retrouve alors dans le cursus scolaire au deuxième cycle du secondaire . Le cours en troisième secondaire aborde le contenu de façon chronologique, soit de 1534 à nos jours; celui de quatrième secondaire revoit la matière en fonction de quatre thématiques. Parmi les thématiques abordées, il y a Population et Peuplement, Économie et Développement, Culture et Mouvement de Pensés et Pouvoirs et Pouvoir. Pour chaque thème, la matière est enseignée chronologiquement en respectant les périodes suivantes : les Premiers occupants, le Régime français, le Régime anglais et la Période contemporaine (MELS, 2013a). Ce Programme de formation de l’école québécoise propose en 2006 de nouvelles visées dans l’apprentissage de l’histoire. Comme dans les autres disciplines, l’accent ne repose plus sur l’exposé de connaissances factuelles, mais sur la maitrise de compétences situant l’élève dans l’action et la construction de divers savoirs (Cardin, 2006). Dans ce programme et au deuxième cycle, trois compétences disciplinaires sont ciblées : interroger les réalités sociales dans une perspective historique; interpréter des réalités sociales à l’aide de la méthode historique et consolider l’exercice de sa citoyenneté à l’aide de l’histoire. Dès lors, les connaissances ne sont pas évacuées par la présence des compétences, mais elles se retrouvent à l’intérieur des documents offerts dans les manuels, les cahiers d’apprentissage ou tout autre support didactique. Le développement de la compétence en histoire découle d’une combinaison entre les ressources, les connaissances et leur contexte d’application (Cardin, 2006). En rupture avec le précédent programme dit « par objectifs » de 1982, celui d’HEC préconise et exige le traitement et l’interprétation de documents historiques où l’élève doit, pour construire sa vision du passé, travailler les questionnements et les interrogations du présent (Bouvier, 2009). Que ce soit à l’aide de textes d’époque, de photographies, de caricatures, etc., l’élève doit faire preuve d’un esprit d’analyse pour le traitement et la compréhension. La construction des compétences disciplinaires en histoire passe par le développement de la pensée historique, qui exige l’interprétation et la critique des faits historiques (Duquette, 2011).
Le nouveau programme d’histoire du Québec et du Canada (valide dès 2017)
En 2014, suite au rapport Beauchemin-Fahmy-Eid intitulé Le sens de l’histoire, le programme d’histoire au deuxième cycle est revu . Cette révision invite les enseignants à revenir à un enseignement chronologique sur deux ans de l’histoire du Québec et du Canada, un changement qui entraine la mise de côté de l’ancien programme de quatrième secondaire fondé sur l’étude de thèmes variés. L’année 1840 est alors fixée comme date de bascule entre le programme de troisième secondaire et celui de quatrième secondaire. Ce « nouveau » programme d’histoire nationale est dorénavant axé sur le développement de deux compétences au lieu de trois : caractériser une période de l’histoire du Québec et du Canada et interpréter une réalité sociale. Mise à part la reformulation des deux premières compétences de l’ancien programme, la réelle nouveauté est l’abolition d’une compétence strictement réservée au développement de la conscience citoyenne. Cette dernière n’est pas complétement écartée du nouveau programme, mais plutôt intégrée à l’intérieur des deux compétences disciplinaires retenues. Comme dans le précédent programme, les élèves sont invités à développer un grand nombre d’habiletés intellectuelles et méthodologiques. Ils doivent « distinguer l’information essentielle de l’information complémentaire, anecdotique ou accessoire […] vérifier la provenance des sources, juger de leur pertinence […] établir des faits situés dans le temps et l’espace, prendre en compte la durée et se poser diverses questions. » (MEES, 2017, p.9). Les élèves doivent aussi se montrer critiques lors de l’analyse des sources historiques en considérant les éléments de causalité et les conséquences des évènements étudiés, recenser les changements et les continuités, s’éloigner de la prise de position qui ne prend pas en compte les multiples interprétations des faits. En définitive, ils doivent développer des habiletés intellectuelles, déjà présentes dans le programme d’HEC, propres à l’histoire, à savoir l’analyse, la confrontation des points de vue, la synthèse et la comparaison (MEES, 2017). Essentiellement, les changements en ce qui concerne la transmission de la matière se situent au niveau de la trame narrative strictement chronologique. Du côté des cadres d’évaluation, les critères changent peu et le travail avec les opérations intellectuelles demeure inchangé. Pour ce qui est de l’épreuve, elle est toujours composée de questions à réponses courtes, mais deux questions longues, soit une pour chacune des compétences disciplinaires remplacent l’unique question à long développement de l’ancienne version de l’épreuve.
La pensée historique dans le programme d’histoire au deuxième cycle
Les programmes disciplinaires d’HEC et d’HQC du deuxième cycle abordent à de nombreuses reprises l’importance de la pensée historique dans l’enseignement de l’histoire, plus particulièrement dans la section sur l’apport de la discipline à la formation des élèves. On y lit que « l’apprentissage de l’histoire favorise, par ailleurs, le développement d’une démarche intellectuelle, d’un langage et d’attitudes qui rendent possible l’appropriation graduelle d’un mode de pensée historique. Les élèves apprennent à interroger des réalités sociales dans une perspective historique et à fonder la compréhension qu’ils s’en donnent en recourant à des sources documentaires et en déployant un raisonnement instrumenté » (MELS, 2007a, p.1).
Il est également mentionné que le développement des compétences disciplinaires contribue au déploiement de la pensée historique. C’est grâce à cette pensée historique que les enseignants sont invités à outiller les élèves aux sujets controversés, à l’analyse des faits et à une participation sociale éclairée (MELS, 2007a). L’enseignement de la pensée historique apparaît comme une prescription ministérielle.
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