Le profil des femmes étudiantes adultes
Le profil des femmes étudiantes adultes inscrites dans les programmes intensifs de formation en Techniques de bureau diffère des autres étudiantes de niveau collégial. Ces différences ont trait à l’âge, à l’expérience de vie, aux responsabilités familiales et à la trajectoire scolaire. Certaines caractéristiques sont spécifiques aux femmes étudiantes adultes. D’abord les femmes adultes sont en moyenne plus âgées que les étudiantes du secteur régulier. De fait, elles sont âgées de 20 à 55 ans. La plupart d’entre elles assument des responsabilités familiales et financières. De plus, elles ont toutes vécu un arrêt d’études plus ou moins prolongé.
Les motifs qui amènent les femmes à entreprendre une formation au Cégep sont variés. L’avancement dans sa carrière, la perspective de nouveaux débouchés, d’un meilleur salaire, le besoin d’estime de soi et la reconnaissance des autres comptent en effet comme les facteurs les plus incitatifs de la motivation de l’apprenant adulte .
En général, elles désirent Em finir avec la sécurité du revenu et le chômage ou encore, dans d’autres cas, elles veulent rompre la relation avec le conjoint. Ceci justifie leur décision de s’engager dans une formation qui leur permettra d’obtenir un travail rémunéré.
L’expérience de travail
Selon Lise Doyle , l’expérience de travail de ces femmes, dont plusieurs ont consacré plusieurs années de vie à leur famille à temps plein, est perçue comme secondaire. Pour obtenir un surplus d’argent, quelques-unes gardaient des enfants à la maison, faisaient des ménages, de la couture ou travaillaient dans l’entreprise du conjoint. Lorsqu’elles occupaient des emplois, plusieurs étaient serveuses dans des restaurants ou dans les bars, commis de bureau, caissières ou vendeuses dans les magasins. Leur travail était considéré comme un deuxième salaire.
Les acquis expérientiels
Les acquis expérientiels des femmes ne sont en général pas reconnus dans le contexte des études de niveau collégial: elles peuvent difficilement faire reconnaître les expériences de travail pertinentes en termes d’unités ou de crédits d’études. Par exemple, certaines maîtrisent très bien le français ou sont bilingues . D’autres ont de l’expérience en comptabilité ou encore des notions de base de l’utilisation de l’ordinateur. Tout le monde reconnaît cependant que beaucoup d’efforts restent à faire pour en arriver à un système de reconnaissance des acquis adéquat au collégial. Dans les cégeps et au Ministère, la reconnaissance des acquis ne semble pas être une véritable priorité .
En outre, les femmes font peu de demandes afin de faire reconnaître leurs acquis expérientiels. La plupart du temps elles ne savent pas que cela existe. D’autre part, si elles en connaissent l’existence, elles trouvent les démarches trop complexes et trop onéreuses en terme d’argent et de temps.
Les difficultés du retour aux études
Les difficultés du retour aux études pour les femmes sont surtout reliées aux problèmes d’adaptation à l’horaire des activités du programme intensif. Au début des études, elles subissent une désorganisation de leurs habitudes de vie, ce qui a pour conséquence de les insécuriser et de les décourager. Elles poursuivent leurs apprentissages souvent dans un état constant d’anxiété. Il apparaît que les conséquences sont quelquefois désastreuses, surtout au plan familial, ce qui peut inciter, par conséquent, certaines d’entre elles à prendre la décision de renoncer à leur projet d’études ou à la famille dans certains cas.
L’enthousiasme suscité au début du projet d’études se transforme rapidement en cauchemar puisqu’il faut continuer à assumer les responsabilités familiales tout en endossant le rôle d’étudiante. Cela implique un défi parfois insurmontable pour celles qui ont abandonné l’école depuis plusieurs années et qui doivent comprendre et intégrer le milieu des études en quelques jours.
L’entrée au Cégep
L’entrée au Cégep semble vécue par les femmes comme une épreuve. Il est intéressant de mentionner que dans la majorité des cas, ces femmes ne sont jamais entrées dans un cégep et qu’elles n’y connaissent ni les structures, ni les services, ni le fonctionnement. Il leur faut localiser les salles de cours et leur casier, se familiariser avec leur horaire et apprendre le plus vite possible le fonctionnement de ce milieu.
Les difficultés d’adaptation les amènent à remettre.en question le rythme d’apprentissage trop rapide et le contenu des cours trop dense. De plus, certaines se posent la question à savoir si elles ont fait le bon choix de cours ou si elles sont inscrites dans le bon programme. Finalement, en raison de leurs antécédents scolaires, plusieurs femmes pensent qu’elles n’ont pas la capacité d’apprendre assez facilement pour réussir leur programme d’ét udes.
Les pressions de la famille et des études
Les pressions de la famille et des études engendrent un dilemme parce que les femmes sont divisées entre les exigences familiales et les attentes du milieu de formation. Leurs nouveaux objectifs consistent à respecter leur calendrier d’études et à concilier celui-ci avec les exigences de la vie ·familiale (Bellware, Therrien, 1982) . Il leur faut continuer de s’occuper des devoirs et des leçons de leurs enfants, d’être disponible au conjoint, de faire les emplettes, les repas, la vaisselle, etc. S’ajoutent à cela, en plus des heures de formation, la préparation et la présentation de travaux écrits ou oraux, les travaux en équipe et les recherches à la bibliothèque, ce qui exige de la disponibilité après les heures de cours. Il faut qu’elles intègrent rapidement ce nouveau mode de fonctionnement car le succès de leurs études en dépend. Comment s’organiser? Comment déléguer certaines tâches? Comment amener le conjoint à soutenir le projet? La Commission de l’enseignement professionnel (1987) décrit le problème de la façon suivante:
La Commission de l’enseignement professionnel reconnaît que la plupart des participants adultes sont informés, « avertis » de l’engagement personnel exigé par la formation intensive dans des programmes à temps plein avant de s’y engager. Deux évidences ressortent cependant des consultat ions réalisées cette année. Premièrement, les informations ne suffisent pas à dépeindre la réalité telle qu’elle est effectivement ressentie au cours de la formation. Deuxièment, la formule elle-même doit être révisée étant donné l’irréalisme des condition s d’études imposées aux étudiants .
Leur temps est devenu très précieux, les femmes se sentent bousculées. Par conséquent, il arrive que la relation de couple se détériore, ce qui suscite un stress supplémentaire. Elles veulent réussir leur projet d’études, cependant elles ne disposent pas de conditions accommodantes; elles n’ont donc pas la disponibilité nécessaire pour le réaliser sereinement (Conseil des Collèges, 1987·) . Leur entourage ne les comprend plus et les seules personnes à qui elles peuvent se confier sont leurs consoeurs d’études qui, en majorité, vivent la même situation.
Leur nouveau stat ut d’étudiante engendre généralement un état de déséquilibre qui compromet la stabilité de leur vie et même la santé physique et mentale (mononucléose, burn out, etc.) dans certains cas. Ce type de formation intensif est souvent un incitatif pour tout remettre en question, parce que, à ce moment, les femmes veulent avoir plus de pouvoir sur leur vie; elles sont conscientes qu’elles peuvent réaliser quelque chose par elles-mêmes.
Cette formation est perçue par les femmes comme une opportunité qui leur est offerte afin d’améliorer leur condition de vie, donc elles tentent par tous les moyens de la réussir. La question qui se pose est de savoir si les femmes sont prêtes, considérant leur situation particulière, à intégrer le milieu de formation tel que proposé. Aussi, l’exploration de la situation des femmes adultes dans un programme intensif de niveau collégial nous semble représenter un projet pertinent afin de mieux comprendre les conditions d’intégration de ces dernières dans ce type de programme.
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