Le processus de diffusion de l’innovation
Selon Rogers, la diffusion est un processus par lequel l’innovation se transmet au sein d’un système social, alors que le processus de diffusion est la transmission d’une innovation de sa source de création vers ses utilisateurs1 . Cette section sera consacrée d’une part à l’étude des principaux modèles expliquant le processus de diffusion de l’innovation, et d’autre part à l’analyse des diverses actions stratégiques pouvant être adoptées par l’entreprise pour réussir la diffusion de l’innovation sur le marché. III.1. Les modèles de diffusion de l’innovation : La littérature managériale fait la distinction entre deux grands modèles de diffusion de l’innovation : le modèle de Rogers et le modèle de Bass. a. Le modèle épidémiologique de E. Rogers : E. Rogers, voit que le processus de diffusion s’effectue à deux niveaux : – le niveau « micro », concerne chaque consommateur pris individuellement ; – Le niveau « macro », concerne tous les consommateurs pris ensemble. Au niveau « micro », le processus d’adoption de l’innovation par le consommateur, se déroule en cinq étapes2 : 1. La phase cognitive : le consommateur collecte des informations sur le nouveau produit, puis procède à leur traitement. 2. La phase affective : le consommateur donne son avis qu’il soit favorable ou défavorable sur la nouveauté, à partir des informations recueillies. 3. La phase conative (1): le consommateur prend la décision d’adopter ou de rejeter l’innovation. 4. La phase conative (2) : le consommateur teste le nouveau produit. 5. La phase conative (3) : le consommateur choisit définitivement d’adopter ou de rejeter la nouveauté. Par ailleurs, Rogers considère que l’adoption d’un nouveau produit par le consommateur, est fortement liée aux cinq qualités suivantes 1 : * Le degré d’amélioration de la nouveauté par rapport à l’offre existante, du point de vue du client. Par exemple, le DVD s’est très vite substitué à la VHS, suite à son avantage relatif par rapport au produit remplacé. * La compatibilité de l’innovation avec les anciens produits déjà adoptés par le marché. A titre d’exemple, la compatibilité des téléviseurs numériques, avec l’ancienne technologie qui est l’analogique, a fortement contribué à la réussite de sa diffusion. * La simplicité de l’innovation pour les consommateurs. Le nouveau produit doit garder la plupart des habitudes que les consommateurs ont développées, en tant qu’utilisateurs de l’offre précédente. * L’expérimentation, c’est-à-dire la possibilité de tester le produit avant son achat, soit directement, soit par le témoignage d’autres clients. * L’observabilité des résultats, est un facteur déterminant dans le processus de diffusion, car il permet au consommateur d’observer réellement les avantages de l’innovation. Ce qui réduit l’incertitude et facilite le bouche à oreille . Quant au niveau « macro », la diffusion de l’innovation selon Rogers, s’effectue par effet de contamination, un peu comme une épidémie. Lorsqu’une innovation atteint un individu d’une population, elle se propage peu à peu sous l’effet de la communication indirecte qui résulte des interactions personnelles comme le bouche à oreille. Rogers constate que la diffusion de l’innovation, suit une courbe en forme de « S » ou de « cloche », où l’adoption de l’innovation par les consommateurs est d’abord lente, puis 1 : Selon la vitesse de l’adoption de l’innovation, cinq types d’adoptants peuvent être distingués : les innovateurs, les premiers adeptes, la majorité précoce, la majorité tardive et les retardataires, dont voici une explication de chaque catégorie . * Les innovateurs : ce sont les consommateurs qui achètent l’innovation dès son apparition sur le marché, en s’appuyant sur des informations de sources non commerciales, comme les revues spécialisées. Ces consommateurs ont un esprit aventureux, un goût pour la nouveauté, et un statut social et économique élevé2 . * Les premiers adeptes : ils adoptent l’innovation peu de temps après les innovateurs, ils ont une bonne intuition des bénéfices qu’ils pourront en retirer de l’innovation. Vandercammen, « Marketing, l’essentiel pour comprendre, décider, agir », 2ème édition, De Boeck, Bruxelles, 2006. Temps % d’acceptation de l’innovation Chapitre (VII) : L’innovation au cœur de la stratégie de l’entreprise * La majorité précoce : concerne les consommateurs, ayant une bonne combinaison de ressources matérielles, cognitives et sociales. * La majorité tardive : concerne les consommateurs qui adoptent l’innovation, suite à la pression exercée sur eux, par leur environnement professionnel ou social. Cette catégorie couvre deux types de publics. Il y a d’une part « des résistants volontaires », et d’autre part des « résistants involontaires », ayant un faible niveau de ressources, qui les empêche d’acquérir l’innovation . * Les retardataires : sont les consommateurs qui se libèrent difficilement des habitudes d’utilisation d’un produit déjà offert. La courbe de Rogers, a suscité bon nombre de chercheurs à identifier les critères susceptibles de déterminer la rapidité d’adoption d’une nouveauté par le consommateur. Dans ce cadre, G. Lewi et J. Lacoeuilhe distinguent les variables suivantes . * Les variables psychologiques : telles que l’aversion au risque, l’ouverture d’esprit, la recherche de variété et de créativité, le conservatisme, l’hédonisme, etc. * Les variables démographiques : comme : l’âge, le niveau d’éducation, le statut professionnel, etc. * Les variables structurelles : comme le niveau de développement économique, le mix marketing (publicité, distribution, prix, etc.). D’après Rogers, la courbe de diffusion suit toujours une loi normale, mais cette hypothèse a été critiquée par Peterson, qui selon lui plusieurs produits dans la réalité suivent une distribution anormale. En outre, Pire Lechalard voit que Rogers a construit sa réflexion sans aucune justification analytique ou empirique, ce qui pose la question suivante : pourquoi la taille des catégories devrait être la même quels que soient les produits retenus 3 ?
Le modèle de Bass
Bass s’est inspiré des modèles de Fourt et Woodlock et de Mansfield, pour élaborer un modèle mixte, permettant la description du processus de diffusion dans son ensemble. Le modèle de Bass catégorise les adopteurs potentiels selon le type de canaux de communication qui les influence dans leurs décisions, et non en fonction de leur vitesse d’adoption. Dans ce cadre, Bass a fait la différence entre deux types d’adopteurs : les innovateurs et les imitateurs1 . * Les innovateurs : ce sont les individus qui prennent leurs décisions d’adoption de l’innovation, sous l’influence de facteurs externes (médias de masse), et qui apparaissent principalement au début du processus de la diffusion. * Les imitateurs : ils s’introduisent dans le processus de diffusion après les innovateurs, car ils prennent leurs décisions d’adoption, en se basant sur celle des adopteurs qui les précèdent. P. Lechalard, constate que dans ce modèle, il y a une certaine imprécision dans l’utilisation des concepts. Selon Bass, les innovateurs sont ceux qui adoptent l’innovation sous l’influence unique des médias de masse. Par contre, pour être désigné comme innovateur, il faut être « l’initiateur d’une action et ne pas avoir été influencé par quelqu’un d’autre » . Donc, contrairement à Bass, cette définition rend le concept de l’innovation très réducteur et ne concerne que trop peu d’individus.