Le processus de création des aires marines protégées françaises une diversité certaine et originale

Les conventions internationales générales

La convention sur la diversité biologique (Rio 1992)

La Convention sur la diversité biologique constitue un texte majeur pour la protection environnementale comme évoqué précédemment (voir l’introduction). Cet élément juridique joue un rôle majeur dans la protection de la nature en général et dans la nature marine en particulier. Ce rôle majeur transparaît notamment à travers l’article 8. Par le biais de ce dernier, dans le petit a), les Parties contractantes s’engagent à créer des zones de protection, ce qui constitue une avancée majeure : «(Chaque Partie contractante) établit un système de zones protégées ou de zones où des mesures spéciales doivent être prises pour conserver la diversité biologique »26. Le concept de « zone protégée » n’est pas nouveau, mais c’est la première fois qu’il apparaît au sein d’un outil aussi général. Le procédé du zonage en ressort grandi automatiquement.
L’article 8 recèle de multiples intérêts. En effet, à travers deux dispositions, apparaît une grande ambition territoriale, une grande envie de maximiser l’aire d’influence de la convention. Cette ambition s’exprime à propos des ressources biologiques «présentant une importance pour la conservation de la biodiversité »27 qui devront être gérées et réglementées « à l’intérieur comme à l’extérieur des zones protégées »28. Les limitations des zones protégées ne doivent pas avoir l’effet pervers de limiter le champs d’action des oeuvres bienfaitrices. Le petit e est la disposition qui porte le sceau de cette ambition : elle prévoit que les Parties contractantes devront favoriser le développement durable dans les territoires qui environnent les zones protégées. Encore une fois, la logique commande cette mesure : une politique écologique s’accommode mal des petits espaces, son efficacité est conditionnée par l’étendue du territoire qui en est son objet. D’une manière générale, les Parties contractantes s’engagent à favoriser les habitats, à respecter les écosystèmes (le petit d) .

La convention sur le droit de la mer

La convention de Montego bay sur le droit de la mer, signée en 1982, fait figure, à l’instar de la convention sur la diversité biologique, de texte de base pour la protection marine, et ce de par son caractère général et universel. L’universalité de la convention se manifeste clairement à l’aune du nombre d’Etats l’ayant ratifiée : 168. Son caractère général se vérifie à la simple lecture des thématiques envisagées par celle-ci : la Convention a pour ambition de définir les diverses zones maritimes qui morcellent les mers et océans et les régimes juridiques s’y référant, de déterminer les droits et obligations des Etats à propos des activités maritimes et de se pencher sur la protection écologique notamment. Plusieurs articles de la convention de Montego Bay témoignent d’un intérêt certain pour la question écologique, en effet. Les articles 117, 118 et 119 font partie de l’armada normatif de Montego Bay en faveur de l’environnement marin. A l’article 117, les Etats sont sommés de prendre des mesures en faveur des ressources biologiques à l’encontre de leurs ressortissants : «Tous les Etats ont l’obligation de prendre les mesures, applicables à leurs ressortissants, qui peuvent être nécessaires pour assurer la conservation des ressources biologiques de la haute mer, ou de coopérer avec d’autres Etats à la prise de telles mesures. »35. Au point 3 de l’article 119, les Parties contractantes soulignent la nécessité de ne pas discriminer dans l’application des mesures de conservation concernant les pêcheurs. Les mesures de conservation ne doivent pas être un prétexte pour développer un certain protectionnisme. De manière plus classique, l’article 119 fait état de l’importance de faire en sorte que « les stocks des espèces exploitées »36 restent élevés de façon à pouvoir répondre aux besoins s’y rattachant.

Les conventions internationales spéciales

La convention de Barcelone

La Convention de Barcelone était initialement la Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution. Cette dernière a été adoptée le 16 février 1976 lors de la Conférence de plénipotentiaires des Etats côtiers de la région méditerranéenne sur la protection de la mer Méditerranée qui s’est déroulée à Barcelone. Elle est entrée en vigueur en 1978. En 1995, ladite Convention a fait l’objet d’une vague d’amendements qui ont donné naissance à une pluralité de protocoles. Dans un premier temps notre attention se portera sur la convention en elle-même avant de s’intéresser au Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée.
La Convention de Barcelone a un champs restreint : elle ne concerne que la mer Méditerranée comme le remarque l’article 1. Cet article est intéressant car il définit les délimitations géographiques de la Mare Nostrum de façon originale en prenant notamment comme points de référence des phares : « Aux fins de la présente Convention, la zone de la mer Méditerranée désigne les eaux maritimes de la Méditerranée proprement dite et des golfes et mers qu’elle comprend, la limite occidentale étant le méridien qui passe par le phare du cap Spartel, à l’entrée du détroit de Gibraltar, et la limite orientale étant constituée par la limite méridionale du détroit des Dardanelles, entre les phares de Mehemetcik et de Kumkale »49. L’article 4 énonce des obligations de deux ordres. Générales quand les Etats s’engagent seulement à mettre en oeuvre des mesures pour lutter contre la pollution en mer Méditerranée et préserver les ressources biologiques (paragraphes 1 et 2). Précises quand sont évoqués les principes de précaution et de pollueur-payeur (paragraphe 3). Ensuite la Convention s’attarde sur divers types de pollution comme la pollution d’origine tellurique (article 8) pour lesquels elle demande l’action des Etats parties. L’article 10 se rapportant à la conservation de la diversité biologique concerne directement les aires marines protégées : «Les Parties contractantes prennent, individuellement ou conjointement, toutes les mesures appropriées pour protéger et préserver dans la zone d’application de la Convention, la diversité biologique, les écosystèmes rares ou fragiles ainsi que les espèces de la faune et de la flore sauvages qui sont rares, en régression, menacées ou en voie d’extinction et leurs habitats. »50. Si cette convention concerne les aires marines protégées, elle ne lui est pas spécialement dédiée. C’est pourquoi est mis en place, en 1995, le Protocole relatif aux aires spécialement protégées et à la diversité biologique en Méditerranée. Son champ d’application est naturellement le même que celui de la Convention de 1976 : la mer Méditerranée délimitée selon l’article 1 de ladite convention. Alors que cette convention n’a jamais mentionné explicitement la notion d’ « aire protégée », le Protocole le fait presque d’emblée à l’article 3 intitulé «Obligations générales »51. Le recours à l’aire protégée est vu clairement comme un moyen de conservation de l’espace marin : «Chaque Partie prend les mesures nécessaires pour protéger, préserver et gérer de manière durable et respectueuse de l’environnement les espaces ayant une valeur naturelle ou culturelle particulière, notamment par la création d’aires spécialement protégées »52. Les espèces animales et végétales sont prises en compte dans ce même article : «protéger, préserver et gérer les espèces animales et végétales en danger ou menacées. »53. Le Protocole définit, à l’article 4, les objectifs que doivent poursuivre les aires marines protégées. Ainsi ces aires doivent protéger les habitats pour eux-mêmes («les habitats qui sont en danger de disparition dans leur aire de répartition naturelle en Méditerranée ou qui ont une aire de répartition naturelle réduite par suite de leur régression ou en raison de leur aire intrinsèquement restreinte » 54) ou en vue de préserver les espèces s’y abritant (« les habitats nécessaires à la survie, la reproduction et la restauration des espèces animales et végétales en danger, menacées ou endémiques »55). Dans la même veine, est assignée comme un objectif des aires marines protégées, la protection des «types d’écosystème marins »56. Cet article fait preuve d’originalité en se faisant le chantre de la défense par les aires marines protégées des espaces qui ne seraient pas forcément intéressants d’un point de vue environnemental mais qui revêtiraient des attraits d’une autre nature : ainsi les aires marines protégées doivent protéger les « sites présentant une importance particulière en raison de leur intérêt scientifique, esthétique, culturel ou éducatif. »57 . Sans surprise le Protocole prévoit la possibilité pour les Etats parties de créer des « zones spécialement protégées »58 dans les eaux soumises à leurs juridictions ou souverainetés.
La seconde section du Protocole est consacrée aux aires marines méditerranéennes. Le Protocole, dans la lignée des différentes conventions environnementales, établit une liste recensant les aires marines méditerranéennes qui justifient d’un intérêt particulier : c’est la « Liste des aires spécialement protégées d’importance méditerranéenne » (ou Liste des ASPIM). L’article 8 évoque une ébauche de l’exigence que les Etats doivent satisfaire pour pouvoir inscrire leurs aires sur cette liste : les sites doivent présenter « une importance pour la conservation des éléments constitutifs de la diversité biologique en Méditerranée »59, ou renfermer «des écosystèmes spécifiques à la région méditerranéenne ou des habitats d’espèces menacées d’extinction »60 ou avoir «un intérêt particulier sur les plans scientifique, esthétique, culturel ou éducatif. »61.

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La convention OSPAR

Il s’agit de la convention pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord- Ouest, signée à Paris le 21 septembre 1992. C’est une convention régionale au même titre que celle de Barcelone et a été signée par un petit groupe d’Etats européens dans lequel figurent notamment la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Comme son intitulé l’indique, elle a pour objet de protéger l’environnement marin de la zone nordouest de l’Atlantique. C’est une convention environnementale classique qui ne mérite pas de développements particuliers d’autant plus qu’elle fait complètement fi de la notion d’aire marine protégée bien qu’elle a pu être visée très indirectement par quelques dispositions. Globalement, la Convention OSPAR est caractérisée par une certaine généralité comme en témoigne l’article 1 : « Conformément aux dispositions de la Convention, les Parties contractantes prennent toutes les mesures possibles afin de prévenir et de supprimer la pollution, ainsi que les mesures nécessaires à la protection de la zone maritime contre les effets préjudiciables des activités humaines, de manière à sauvegarder la santé de l’homme et à préserver les écosystèmes marins et, lorsque cela est possible, à rétablir les zones marines qui ont subi ces effets préjudiciables »62.
Il est important de remarquer que les conventions OSPAR, Ramsar et de Barcelone ne constituent pas des fondements directs des créations des aires marines françaises.
Cependant, ils constituent des fondements indirects à deux titres. D’une part, ils participent à la sensibilisation des Etats à la nécessité de créer des aires marines protégées en général. D’autre part, ces conventions ne sont pas complètement déconnectées des problématiques des aires marines françaises dans la mesure où nombre d’entre-elles sont soumises à ces conventions (ces aires marines françaises sont alors soumises à plusieurs strates juridiques : la zone du pertuis charentais-rochebonne en est un exemple : c’est à la fois un site Natura 2000 et une aire marine relevant du réseau OSPAR). Outre les textes internationaux, il existe aussi les fondements européens et nationaux.

Les fondements juridiques européens et nationaux

La variété et la richesse qui caractérisent les conventions internationales se retrouvent dans le droit européen et les textes nationaux. En effet, à l’instar du droit international, il existe une multitude de textes normatifs, notamment, incitant, directement ou indirectement, les Etats à mettre en place des aires marines protégées. Ainsi, par ce biais, le droit européen (section 1) constitue un des fondements juridiques de l’action de l’Etat français en matière de création d’aires marines comme les éléments nationaux (section 2).

Le droit européen

La préoccupation environnementale du droit européen s’est notamment manifestée au sein du droit primaire. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en est le réceptacle. Le Conseil européen, qui s’est tenu à Nice le 7 décembre 2009, s’est chargé de faire émerger ledit texte. Par la suite, dans le cadre du traité de Lisbonne de 2009, la Charte s’est vue reconnaître la même valeur que les traités de l’Union européenne. La Charte des droits fondamentaux est, comme son nom l’indique, une sorte de liste contenant moult droits au profit des citoyens de l’Union européenne. Les 62 Article 1 de la convention OSPAR du 21 septembre 1992.

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