Le processus de conception de produits
Selon Tomiyama, et al. [41], les théories et méthodologies de conception (Design Theories and Methodologies – DTM) correspondent à l’ensemble des pratiques industrielles ou pédagogiques actuelles qui s’intéressent à la façon de concevoir des produits donc au processus de conception. Ces DTM peuvent être classées selon trois critères distincts : – Les théories de la conception (ou design theories) appartiennent à la catégorie des DTM abstraites, générales. Elles sont peu utilisées ou enseignées; essentiellement du fait du haut niveau d’abstraction qui les caractérise. On y trouve ici la General Design Théorie [42], l’Universal Design Theory [43] ou encore la théorie C-K [44]. – Les méthodes de conception basées sur une approche mathématique (ou math design theories) sont abstraites et individuelles. Elles s’appuient sur la modélisation des systèmes pour des périmètres d’études ou des objectifs spécifiques et sont généralement déployées au sein d’outils informatiques qui rendent leur utilisation aisée. La méthode Taguchi [45] pour le Robust Design, l’Axiomatic Design [46] ou bien les méthodes d’optimisation entrent dans cette catégorie. – Les méthodologies de conception correspondent à une méta-méthode [47]. Elles permettent à la fois une utilisation universelle et industrielle mais aussi une application concrète. Elles ne prennent pas en compte de typologies spécifiques de produit. Wynn and Clarkson [48] les définissent comme des approches procédurale concrètes du processus de conception et selon Lahonde [47], il est nécessaire de différencier les méthodologies de gestion de projet de celles centrées sur la démarche de conception.
Aux vues de ces différentes catégories, et afin d’apporter une réponse adaptée à notre question de recherche, nous avons choisi de réduire notre champ d’étude aux seules méthodologies de conception. En effet, nous pensons que leurs caractéristiques au sens de Tomiyama (approche concrète, générale et utilisée) correspondent aux pratiques des équipes projet de conception déployées dans les entreprises. D’autre part nous pensons que seules les méthodologies centrées sur la démarche de conception sont les plus à même de satisfaire nos besoins. Nous rejoignons en ce sens la définition de Pahl and Beitz [6] pour qui une méthodologie de conception est une « démarche adaptée aux systèmes techniques qui se fondent notamment sur la science de la conception ou sur l’expérience pratique dans des domaines variés ». Il comprend des plans d’action qui relient les étapes de travail et des phases de conception selon le contenu et l’organisation. Ainsi, ayant définit les méthodologies de conception comme notre cadre de travail, nous allons maintenant chercher à analyser le processus de conception qui permet de transformer un problème abstrait (ou immatériel) en un produit réel (ou matériel).
Bien que les auteurs s’accordent sur le fait que le processus de conception est la colonne vertébrale du processus d’innovation [12, 49], il n’en existe cependant pas de description unique au sein de la communauté scientifique. Comme l’ont montré Wynn and Clarkson [48], de nombreux modèles ont été proposés pour décrire ce processus de conception, conduisant à de multiples classifications pour les distinguer. Notre analyse s’appuiera sur les travaux de Finger and Dixon [50] également repris par Cross [51] qui distinguent deux modèles de processus de conception : prescriptifs et descriptifs – Les modelés descriptifs sont issus de l’analyse des activités de conception. Le modèle de Suh [46] est de loin le plus connu. L’activité de conception y est définie comme l’étude des interactions entre ce que l’on veut accomplir et la façon dont on veut l’accomplir. La conception permet alors le passage d’un espace fonctionnel issu de l’étude des attentes du consommateur à un espace physique listant des paramètres de conception et conduisant à l’identification des variables du procédé de fabrication. Ces modèles cherchent donc avant tout à décrire comment travaillent les concepteurs. Nous décidons à ce stade de porter notre choix sur le modèle de processus proposé par Pahl and Beitz [6], repéré en rouge sur la Figure 13. Ce modèle est de loin le plus connu et le plus utilisé dans l’industrie [41] et il permet à la fois la conception de nouveaux produits et l’amélioration ou la reconception de produits existants. Ce modèle décrit le processus de conception à travers une approche systématique, correspondant au sens de Finger and Dixon [50] à une approche prescriptive. Il part du constat qu’il existe un état initial d’insatisfaction créant le problème de conception. Son objectif est d’aider le concepteur à trouver une solution permettant de résoudre l’insatisfaction grâce à une démarche en 4 phases (Figure 14 et Figure 15).